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L’Allemagne, la phobie de l’inflation Certains membres de la majorité fustigent la rigueur allemande. Ils souhaiteraient plus de souplesse pour pouvoir relancer la croissance. Certains voudraient également assouplir la politique de l’euro fort afin de dégager des leviers de relance. Mais l’Allemagne est intransigeante sur ce point. Il est vrai qu’elle n’a pas oublié qu’en 1914, il fallait 4,2 marks pour 1 dollar et qu’en 1923 ce même dollar s’échangeait contre… 4200 milliards de marks. Une dérive monétaire qui allait conduire Hitler au pouvoir. Retour sur cette période d’hyperinflation, synonyme de traumatisme pour les allemands… L'hyperinflation de la République de Weimar dans les années 1923 et 1924 est une des conséquences de la défaite de l'Allemagne en 1918, du dépeçage de l'économie allemande par les Alliés et de leur refus d'aider l'Allemagne à retrouver ses équilibres économiques. En 1924 l'argent perdait son pouvoir d'achat d'heure en heure. Il fallait le dépenser immédiatement avant que sa valeur ne soit dépréciée. Contrairement à une idée répandue cette hyperinflation n'est due ni à des hausses inconsidérées de salaires ni au fonctionnement de la planche à billets. « L’Allemagne paiera » L’économiste John Maynard Keynes, membre de la commission britannique, prévoit que « si nous cherchons délibérément à appauvrir [l'Allemagne], j’ose prédire que la vengeance sera terrible. ». L’inflation allemande, un phénomène de longue date L’occupation de la Ruhr Le 11 janvier 1923, à l’instigation du président du Conseil français Raymond Poincaré, les armées française et belge envahissent le bassin industriel de la Ruhr. Un nouveau coup dur pour l’économie allemande. L'hyperinflation Le déficit commercial Après la guerre, le pays est à reconstruire. 450.000 tonnes de bombes avaient été larguées par la Royal Air Force sur les villes industrielles, particulièrement sur le système de transport et les sites de production de pétrole de synthèse. L’appareil productif est en partie détruit et on estime que la productivité est, dans de nombreuses industries, réduite des deux tiers par rapport à 1913. La production agricole a diminué d’un tiers et le bétail a été décimé. Aux importations qui seront nécessaires pour la remise en état du pays, il faut ajouter un déficit structurel, au moins au départ, dû au déficit alimentaire et au manque à exporter entraîné par la cession de territoires plutôt exportateurs. L’Alsace-Lorraine et les mines de charbon sarroises sont cédées à la France, la province du Nord-Schleswig au Danemark et de larges territoires à l’Est, en Prusse et en Silésie à la Pologne. Ces territoires représentaient presque un tiers de la production de charbon, plus des trois quarts des minerais de fer, 40 % des hauts fourneaux et 10 % des aciéries. Le financement par l’étranger Les Alliés ne prêtaient pas à l’Allemagne. L’Allemagne dut recourir au marché monétaire international. Elle n’eut aucun mal à le faire. Selon Laursen et Karsten les spéculateurs avaient confiance dans le redressement de l’Allemagne. Ils prévoyaient un retour du mark à sa valeur-or de 1913. Mais par prudence les capitaux étaient prêtés à court terme. C’est ici que se trouve la source de l’inflation. Les capitaux se retiraient lorsque la situation économique ou politique se détériorait. Ce retrait faisait chuter la valeur du mark. Ils revenaient lorsque la situation s’améliorait et la valeur du mark remontait. Au total et malgré les périodes de stabilisation le cours du dollar en marks augmentait tendanciellement, ce qui augmentait le coût des importations. Les ventes à découvert des spéculateurs accentuaient les chutes du mark. Le déclenchement inflationniste La vitesse de circulation de la monnaie La confiance dans la monnaie avait totalement disparu. L’argent brûlait les doigts, donc la monnaie circulait plus vite. Faire circuler plus vite la monnaie a le même effet sur l’économie qu’augmenter sa quantité. Gabriel Galand et Alain Grandjean établissent que c’est la vitesse de circulation de la monnaie et non pas l’émission excessive de monnaie qui a provoqué l’inflation. Ils s’appuient sur les études de Wagemann et sur les travaux de Hugues. En 1920 et 1921, la création monétaire ne sert qu’à fournir les liquidités indispensables aux échanges compte tenu de l’augmentation des prix. Après 1921, c’est-à-dire lorsque l’inflation a commencé à s’amplifier, et surtout au premier semestre 1922 lorsqu’elle s’est accélérée, la quantité de monnaie disponible s’est réduite, preuve que la planche à billets ne fonctionnait pas. La masse monétaire ne représentait alors que 5 jours de dépenses, ce qui est très faible. En novembre 1923 la quantité de marks en circulation est 245 milliards de fois plus élevée qu’en 1914 mais le coût de la vie a augmenté par un facteur 1380 milliards.. L’indexation des salaires L’écroulement de l’Empire avait ouvert une période prérévolutionnaire à l’instar de la Russie. La République de Weimar était fragile. Elle résultait d’un compromis entre les socialistes et les communistes. L’accord imposait une indexation des salaires sur les prix. Les salaires n’ont pas été à l’origine de l’hyperinflation. Ils suivaient les prix avec retard. Mais leur indexation sur les prix a eu un effet "boule de neige" qui a débouché sur l’hyperinflation. L’hyperinflation est apparue lorsque la confiance dans la monnaie a disparu, d’abord chez les prêteurs étrangers, ensuite chez les Allemands eux-mêmes et qu’il y a eu fuite devant la monnaie. L’effondrement du mark
Stabilisation L’instauration du Rentenmark se base sur la richesse de l’Allemagne : ses sols, ses usines, ses immeubles, s’apparentant alors aux assignats de la Révolution française qui n’ont pas pu enrayer la crise. Grâce à cette monnaie, l’État parvient à annuler 99 % des dépôts des caisses d’épargnes, 97,5 % des dettes de l’État et 75 % des emprunts hypothécaires. Conséquences économiques « Il est peu aisé de connaître les conséquences de l’hyperinflation sur les différentes couches sociales. L’idée d’une détérioration généralisée des couches moyennes n’est plus partagée. Ces couches étaient trop diverses ; elles ont traversé la période dans des conditions plus variables. Ont perdu : les épargnants, les prêteurs, les détenteurs d’emprunts publics. Par contre, les petits entrepreneurs, les commerçants et les agriculteurs seraient sortis relativement indemnes de l’inflation. » — Alfred Wahl, L’Allemagne de 1918 à 1945 Conséquences politiques L’accroissement de l’instabilité gouvernementale Outre les difficultés sur le plan international, le cabinet doit aussi faire face à une opposition interne. Lâché par le SPD, Cuno démissionne le 13 août 1923, remplacé le jour même par Gustav Stresemann, qui forme un gouvernement de « Grande coalition » alors que menace la guerre civile. Sa première décision est de mettre fin à la « résistance passive » mise en place par son prédécesseur. Le sursaut nationaliste L’occupation de la Ruhr a d’abord pour effet de donner un nouvel élan au nationalisme et au revanchisme allemands. Ensuite, selon Ian Kershaw, l’hyperinflation de 1923 est un moment-clé dans la carrière d’Adolf Hitler : « La crise, sans laquelle Hitler n’aurait jamais été Hitler, s’aggravait de jour en jour. Dans son sillage, le mouvement nazi s’étoffait à vue d’œil. Quelque trente-cinq mille personnes le rejoignirent entre février et novembre, ce qui porta ses effectifs autour de cinquante-cinq mille militants à la veille du putsch. Les recrues affluèrent de toutes les couches de la société ». Texte sous licence CC BY-SA 3.0. Contributeurs, ici. Photo : Fotolia.com Pour vous accompagner dans la gestion de vos finances, des experts-comptables : 60520 - PATRICK GAUTIER EXPERTISE http://www.expert-comptable-senlis-60.com Voir toutes les newsletters : www.haoui.com Pour les professionnels : HaOui.fr |