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L’Etat n’est pas la solution, il est le problème… Alors que les Etats occidentaux vivent une crise de leur dette qui, sans changement de modèle économique, risque d'être durable, certains, comme les partisans de la révolution conservatrice, voudraient bien remettre au goût du jour cette célèbre phrase de Ronald Reagan : "L'Etat n'est pas la solution, il est le problème". Dans les années 80, le président des Etats-Unis et Margareth Thatcher furent les "hérauts" de cette révolution. Retour en arrière sur le bilan de la Bilan économique La période Thatcher a été marquée par des débuts difficiles en termes de croissance économique avec deux années de récession, corollaire de la politique monétaire alors mise en place. En 1980, Milton Friedman, inspirateur de la politique monétariste menée par la Banque d'Angleterre, écrivait ainsi : « la croissance lente et le chômage élevé sont les effets secondaires d'une cure [contre l'inflation] en passe de réussir ». La croissance augmentera ensuite régulièrement durant les années 1980 pour atteindre un pic de près de 5 % en 1988 et une moyenne de 2,8 % de croissance annuelle. La forte croissance de l'économie britannique des années 1990 et 2000 (2,8 % par an entre 1997 et 2006) doit beaucoup aux réformes structurelles, en particulier à celles touchant le fonctionnement du marché du travail ; les réformes structurelles comme l'Employment Act de 1982 ont permis de simplifier les procédures et d'accélérer la résolution des conflits : en 2005, le contentieux moyen après un licenciement durait 4 semaines contre un an en France. La forte hausse de la productivité permet également de combler le retard vis-à-vis de la RFA et de la France et de le réduire avec les États-Unis. Les équilibres extérieurs restent néanmoins fragiles avec un déficit de la balance commerciale de 23,1 milliards £ en 1988 et une baisse de la part du Royaume-Uni dans le commerce mondial à 5,5 %, corollaire de la désindustrialisation qui se poursuit. Le rôle de l'État a été également réduit de façon notable : la part du secteur public dans l'emploi diminue fortement au profit des emplois dans le secteur privé et de 10 % du PNB en 1979, le secteur public passe à 5 % 10 ans plus tard. La part des subventions distribuées par le Department of Trade and Industry passe d'1,8 % du PIB en 1978 à 1,2 % en 198824. Au total, les privatisations rapportent 31 milliards £. Les impôts sur les ménages et sur les entreprises ont été également réduits. La tranche marginale de l'impôt sur le revenu passa par exemple de 83 % à 60 puis 40 %, ce qui entraina une hausse des recettes fiscales d'1,2 milliard £ en 1985-1986, vérification empirique de la courbe de Laffer. L'impôt sur les sociétés passe de 53 à 33 %. Le marché du travail a enfin connu des évolutions mitigées : la population active employée est passée de 25,3 millions à 26,9 entre 1979 et 1990, avec un creux de 23,5 millions en 1983. Le chômage monte d'abord fortement jusqu'à 12 % de la population active en 1983 avant de redescendre à partir de 1986 jusqu'à 5,8 % en 1990. La désindustrialisation entamée dans les années 1970 s'est poursuivie sous son gouvernement : de 1966 à 1980, la main d'œuvre industrielle avait baissé de 2 millions, soit la même évolution qu'entre 1980 et 1990. Parallèlement, le secteur des services se développe très rapidement et crée 1,4 million d'emplois entre 1983 et 1988 ; la City profite des mesures delibéralisation financière de 1979 et surtout du « Big Bang » de 1986 pour s'imposer comme première place financière d'Europe. Il faut également noter qu'au début des années 1980, le nombre de bénéficiaires de pensions d'invalidité était d’environ 700 000 ; ce chiffre a doublé pour s'établir à 1,5 million en 1990, contribuant en partie à faire baisser le taux de chômage. Du côté de l'Écosse, « (...) sur les onze années de pouvoir de M. Thatcher, huit au moins (jusqu'en 1987) ont signifié pour les Écossais la détérioration de la plupart des indicateurs économiques objectifs, au premier rang desquels le taux de chômage qui dépassait encore 13 % au début du troisième mandat conservateur ; parallèlement, les principaux indices économiques étaient révélateurs au cours de cette période d'une aggravation relative de la situation écossaise par rapport à la moyenne britannique (...) ». Bilan social Le thatcherisme a permis une augmentation du niveau de vie moyen britannique mais le « style abrasif » de Margaret Thatcher a également entraîné des conséquences sociales critiquées. L'historien François-Charles Mougel le résume ainsi : « À l'actif : la libération des initiatives, la baisse de l'inflation, des subventions et des charges, la reprise de la croissance et de l'emploi, la paix sociale et une hausse globale du niveau de consommation et de vie. Au passif : la désindustrialisation, les inégalités sociales, régionales et professionnelles, la vulnérabilité des entreprises, des personnels et des secteurs, les effets risqués de l'ouverture à l'étranger et l'excessive suprématie de la valeur-argent. » Le décile inférieur a vu ses revenus baisser d'environ 10 % alors que les revenus de tous les autres déciles ont augmenté : + 4 % pour le deuxième décile mais + 60 % pour le premier décile. La proportion de familles vivant en dessous du seuil de pauvreté (50 % du salaire moyen) est passée de 8 % en 1979 à 22 % en 1990, et la pauvreté infantile a doublé, un enfant sur trois vivant sous le seuil de pauvreté. Cette évolution traduit une augmentation des inégalités de revenu ce qui fait dire à l'historien marxiste britannique Eric Hobsbawm que « le sort des 20 % d'ouvriers du bas de l'échelle devint bel et bien pire [dans la Grande-Bretagne de Mme Thatcher], en comparaison du reste des ouvriers, qu'il ne l'était un siècle auparavant ». Cela est dû selon le PNUD aux « changements dans la distribution du revenu », à la moindre redistributivité des politiques fiscales ou à l'évolution des structures familiales. Jean-Pierre Delas ajoute que, si « l'immense majorité a vu son revenu augmenter à peu près comme le PIB », les plus favorisés augmentent plus rapidement. En outre, les quartiers déshérités des grandes villes ont été le théâtre d’émeutes violentes (Toxteth à Liverpool en 1981, Brixton à Londres en avril 1981 et septembre 1985), révélateurs de tensions et de problèmes d'insertion dans la société britannique, comme a pu également le montrer le développement du hooliganisme. Des critiques sont formulées contre le thatchérisme concernant l'état du système de protection sociale. Ses partisans répondent néanmoins que le National Health Service n'a justement pas été réformé sous son gouvernement. Les effectifs du NHS ont plutôt augmenté pendant la période, en hausse de 6 % alors que le reste de la fonction publique diminue de 12,5 %. En outre, la privatisation de British Rail lui est souvent attribuée à l'étranger même si elle a été effectuée par John Major en 1993. Enfin, les dépenses sociales n'ont pas diminué entre 1979 et 1990, mais ont été stabilisées autour de 22 % du PIB passant dans l'ensemble des dépenses gouvernementales de 42 % à 50 %. En la matière, la baisse des indemnités de chômage a été en partie compensée par l'augmentation très importante du nombre des pensions d'invalidité. Les dépenses en faveur de l'emploi ont augmenté de 73 %, les dépenses de sécurité sociale de 33 %, et celles du service national de santé de 34 % inflation déduite. Les dépenses publiques d'éducation et de santé ont augmenté sous le cabinet Thatcher mais restant inférieures à la moyenne des autres pays développés : de 4,7 % du PIB à 6 % pour la santé entre 1979 et 1996 et de 8 à 10 % pour l'éducation. De façon générale, les dépenses publiques ne baissent que tardivement et touchent peu le Welfare. Héritage Le blairisme du Premier ministre Tony Blair, qui prend la suite de John Major en 1997, marque un prolongement du thatchérisme pour sa trame libérale, mais avec des infléchissements qui passent par une reconsidération de la question des inégalités, la renationalisation d'entreprises d'intérêt général en difficulté, ou encore une attitude moins isolée vis-à-vis de la construction politique de l'Union européenne, sans pour autant remettre fondamentalement en cause l'atlantisme traditionnel dans le pays. De façon plus générale, Mario Vargas Llosa rendait responsable Margaret Thatcher d'une « révolution féconde et contagieuse » qui avait réaffirmé les principes de l'économie libre et « revitalisé » le libéralisme dans le monde. L'écrivain péruvien ajoute qu'elle détient le « leadership moral et culturel » de la révolution conservatrice des années 1980. Cette influence culturelle sur la revitalisation des idées d'économie de marché lui a été également reconnue par ses adversaires politiques ; Peter Mandelson, député travailliste, écrivit ainsi dans une tribune libre publiée le 10 juin 2002 dans The Times : « Nous sommes tous des thatchériens ». La vie politique britannique reste fortement marquée par Margaret Thatcher : le 5 mai 2004 et durant les jours qui suivirent, les conservateurs britanniques ont cultivé la nostalgie, célébrant l'arrivée au pouvoir, le 4 mai 1979, de Margaret Thatcher. Elle est également la seule à avoir donné son nom à une doctrine et à avoir polarisée la vie politique du pays autour d'elle. Plus de 15 ans après son départ, l'intention prêtée en juin 2006 à Tony Blair de lui préparer des obsèques nationales a entraîné de nombreuses réactions ; le Daily Telegraph a consacré le 9 août sa une aux remous de l'affaire au sein du Parti travailliste. Plusieurs membres du parti du Premier ministre évoquent la possibilité de quitter le parti si cette information était confirmée. Les obsèques nationales sont normalement réservées à la famille royale. Mais il existe certaines exceptions, comme en 1965 lors du décès de Winston Churchill, qui avait dirigé le pays pendant la Seconde Guerre mondiale. La société britannique apparait désormais plus thatchérienne que lorsque la Dame de fer était au pouvoir. De 1991 à 2010, la part de Britanniques estimant que l'Etat devrait dépenser davantage pour réduire les inégalités est passée de 58 % à 27 %. Pour le Guardian, tout comme pour la presse de droite : « La Grande-Bretagne est plus thatchérienne que dans les années 1980 ». Texte sous licence CC BY-SA 3.0. Contributeurs, ici. Photo : Margareth Thacher Foundation Pour aider votre entreprise à afficher un bon bilan économique, des experts-comptables : 60520 - PATRICK GAUTIER EXPERTISE http://www.expert-comptable-senlis-60.com Voir toutes les newsletters : www.haoui.com Pour les professionnels : HaOui.fr |