Le bien-être au travail est-il rentable ?

Le Dirigeant est le seul décideur pour accepter ou non un diagnostic du Risque Psychosocial (RPS) de son entreprise. Dans 90 % des cas il refuse, avec pour objection que la dépense n’est pas prévue au budget. En effet, nous pouvons aisément imaginer que de rentrer dans cette démarche peut devenir un puits sans fond et coûter très cher. Afin de répondre à cette question, nous avons investi dans deux années d‘études opérationnelles au sein d’entreprises de secteurs différents et avons fait une découverte renversante…

Le challenge était de définir une méthode objective, rationnelle, fiable et la plus fine possible pour identifier, d’un service à l’autre, le lien entre un agent de stress (stresseur) et la perte de productivité qu’il génère. En effet, on peut aisément imaginer qu’un chef qui met trop de pression sans avoir de reconnaissance, que des clients colériques et agressifs, qu’une informatique qui perd souvent des données ou qu’un conjoint ou enfant gravement malade puissent être à la fois des agents de stress importants mais aussi des motifs de réelle perte de productivité. Une personne perturbée est présente au travail mais n’aura pas le cœur à l’ouvrage ; il s’agit donc bien ici d’évaluer l’impact financier du « présentéisme ».

Nos études ont révélé qu’une entreprise qui se porte « bien » a une perte de productivité « normale » de 6 à 9%. En effet, les Hommes ne sont pas des machines à produire et il est normal, « humain », voire bénéfique, qu’ils passent un peu de temps à se dire bonjour, à prendre un café, aller aux toilettes ou parler du dernier bébé né. Certes, certains secteurs d’activité comme l’industrie (la production) ont tendance à réduire ce ratio par rapport au tertiaire, mais ce chiffre de 6% représente bien la réalité du minimum normal et incompressible pour une entreprise qui se porte très bien. Par contre, lorsque l’ambiance devient tendue, les personnes ont moins d’entrain, moins envie de travailler, plus envie de se plaindre ou de critiquer. Dans ce cas la perte de productivité constatée monte facilement à 15 ou 17 % du temps de travail. Les cas où le conflit social gronde atteignent et dépassent parfois 24% de perte de productivité (jusqu’à 60% dans le secteur public !). Outre l’absentéisme, qui coute principalement à l’assurance sociale plutôt qu’à l’entreprise, le présentéisme est donc un facteur bien plus stratégique pour le dirigeant et il est source d’une réelle amélioration de compétitivité pour l’entreprise. Ramenée à une valeur moyenne et recalculée sur un salaire français moyen pour devenir un chiffre comparable d’une entreprise à l’autre, cette perte de productivité conjointe à l’inflation du stress ou du mal-être représente plus de 20 000 euros / an / salarié (salaire chargé patronal). Pour un dirigeant, nous sommes donc face à une perte moyenne de 2 Millions d’euros pour un site de 100 salariés.

Comme il faut être raisonnables et que l’homme n’est pas « motivable » par une note de service ou une séance de massage au Comité d’Entreprise, nous proposons aux dirigeants de relever ensemble le défi de réduire ne serait-ce que de moitié cette perte de productivité, par la mise en place d’actions tant curatives que préventives. L’enjeu d’une telle opération de réduction du Risque Psychosocial est donc de gagner de l’ordre de 1 M€ pour un site de 100 salariés (10 M€ pour 1 000 salariés, etc…).

Premier constat : le fait que le dirigeant accepte de faire cette évaluation est déjà un acte fort de reconnaissance vis-à-vis des salariés et une preuve de courage, de sincérité. De ce simple fait, l’impact est déjà très favorable sur la productivité et, dès la mise en place du diagnostic, on note une amélioration immédiate de l’ambiance au sein de l’entreprise. Seuls les plus objecteurs s’expriment plus fortement, mais ils comprennent vite que cette opération représente pour eux une réelle opportunité à condition de respecter la règle du jeu : s’exprimer discrètement et constructivement. L’opération se montre donc, dès son début, comme un régulateur immédiat en matière de climat social.

Second constat : les plans d’actions sont toujours différents d’une entreprise à l’autre car chaque entreprise a son histoire, sa culture, ses contraintes, mais environs 70% des plans d’actions révèlent les même besoins d’une entreprise à l’autre : pour 100 salariés, le diagnostic plus le plan d’action représentent une dépense moyenne de l’ordre de 30 000 à 100 000 €. Le Retour sur Investissement démontré est donc l’ordre de 10 pour 1 (cas le plus défavorable), ce qui est colossal ! Lorsque nous avons lancé un tel programme d’étude, en 2008, nous avions l’intuition de pouvoir démontrer un retour sur investissement du double de la mise, mais nous n’aurions jamais imaginé que la réalité nous amène à constater que les gains s’échelonnent de 5 à 20 pour 1… ce qui représente une preuve évidente et non opposable qu’une telle opération est bel et bien rentable financièrement.

La notion de bien-être au travail est donc rentable si une étude objective et sérieuse est faite en amont et si les actions de bien-être sont encadrées dans un programme global, en cohérence avec les besoins individuels. Car la grande souffrance est en général présente dans moins de 1% des effectifs et presque toujours avec des motifs personnels, au-delà des  pressions professionnels. Face au flop du soi-disant « marché » des Risques Psychosociaux, il est temps de faire savoir que les actions de bien-être représentent une réelle démarche de reconnaissance et que, si ces actions sont encadrées par une approche objective, elles ont un impact important et mesurable sur l’amélioration des résultats financiers de l’entreprise.

Bien encadré, le bien-être au travail est donc très rentable pour l’entreprise. Il suffit de s’y prendre de la bonne manière et dirigeants, autant que salariés, médecin, ou partenaires sociaux sont contents et satisfaits d’une telle opération. L’entreprise ne fait qu’y gager au global, avec une très nette amélioration de son climat social autant que de ses résultats financiers. Venir travailler tous les jours heureux et motivé n’est-il pas le rêve de chacun d’entre nous ? … eh bien, en plus c’est rentable !

Pierre DAVEZE
Comportementaliste – Stress analyst – Assermenté auprès du Tribunal de Grande Instance de Paris

Dirigeant du cabinet Alorem :

92000 - ALOREM http://www.recrutement-talent-performance-rh.com


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