Les femmes du bus 678 de MohaMed Diab

Fayza, Seba et Nelly, trois femmes d’aujourd’hui, de milieux différents, s’unissent pour combattre le machisme agressif et impuni qui sévit au Caire dans les rues, dans les bus et dans leurs maisons. Déterminées, elles vont dorénavant humilier ceux qui les humilient.

Devant l’ampleur du mouvement, l’atypique inspecteur Essam mène l’enquête. Qui sont ces mystérieuses femmes qui ébranlent une société basée sur la suprématie de l’homme ?

L’auteur
MohaMed Diab  est un des jeunes scénaristes les plus en vogue en Egypte. Il vient d’Ismailia, une ville à l’est du Caire, où il a obtenu un diplôme de Commerce à l’Université. Après avoir travaillé dans ce domaine, il ose tout quitter pour s’adonner à sa passion de l’écriture cinématographique. il étudie à la New York Film Academy en 2005 et ensuite écrit les films suivants :
Real dreams (Ahlam Hakekeya, 2007)
THE island (El gezira, 2007)
THE replacement (Badal Faed, 2009)
Congratulations (Alf Mabrouk, 2009)
Les femmes du bus 678 est le 5e film qu’il écrit et son premier en tant que réalisateur.

Entretien avec MohaMed Diab 

Vous avez découvert la question du harcèlement sexuel. Vous n’en étiez pas conscient ?

Pas à ce niveau, pas avec cette ampleur-là. J’ai découvert que c’était un geste quotidien dans les rues égyptiennes. Je me suis beaucoup inspiré du procès de Noha  Rushdi pour la partie du film concernant le personnage de Nelly : la scène de harcèlement proprement dit est très proche de celle qui s’est passée dans la réalité. Quand j’ai commencé le script, Noha ne voulait plus parler aux médias ; je ne l’ai rencontrée que plus tard, elle a vu le film chez moi, elle était très émue.

Comment définiriez-vous ces trois personnages ?

Fayza vient d’un milieu plutôt pauvre, elle est fonctionnaire. Elle est la plus à plaindre : elle subit le harcèlement quotidiennement. Elle doit prendre plusieurs bus pour aller à son travail et en revenir, et, tous les jours, elle est harcelée. Toutes les femmes égyptiennes connaissent cela, et elles préfèrent se taire, cela fait partie de la vie. Si une femme se plaint dans un bus, ce sont parfois les autres femmes qui la poussent au silence : « Comment, tu te crois supérieure à nous ? » Seba appartient à la bourgeoisie et les classes supérieures aussi peuvent être victimes de harcèlement.
Quant à Nelly, elle incarne une jeunesse plus audacieuse, exactement celle qu’on a vue place Tahrir, dans les premiers jours de la révolution.

Comment expliquez-vous ce fléau récurrent ?

Ce n’est pas à cause de l’islam, comme je le lis parfois dans les médias occidentaux. Je suis musulman pratiquant, ma religion ne me recommande pas d’attaquer les femmes, mais, bien au contraire, d’aider mon prochain - ce que j’ai essayé de faire avec ce film... Un raisonnement très simple : les deux pays où les femmes souffrent le plus de harcèlement sexuel sont l’inde et le Mexique. Au Mexique, qui n’est pas un pays musulman, on a dû faire des bus pour hommes et des bus pour femmes... le point commun entre ces pays est plus économique que religieux. L’Égypte est un pays croyant, c’est vrai, et notre foi, comme beaucoup d’autres, nous recommande d’arriver vierge au mariage. Mais si les conditions économiques - notamment la question du logement - vous empêchent de vous marier avant trente ans, imaginez la frustration !
C’est une situation que j’ai moi-même observée : je me suis marié à 32 ans, et je voulais que le premier baiser, la première étreinte, soient réservés à mon épouse.

Quel a été le succès du film en Egypte ?

Il a été considérable. il est sorti sur 45 copies un mois avant la révolution, et le débat qu’il a provoqué a été énorme. Tout le monde ne parlait que du harcèlement, certains pour continuer à nier la situation, d’autres pour se féliciter que les mentalités évoluent enfin... J’ai été la cible de plusieurs procès. L’un voulait interdire l’exportation du film, pour ne pas nuire à l’image de l’Egypte ; l’autre me reprochait de pousser les femmes à se venger des hommes avec violence ; une pop star trouvait que j’associais l’une de ses chansons, utilisées dans le film, avec le harcèlement sexuel ! J’ai gagné à chaque fois.  le film a rapporté deux millions de dollars, ce qui est beaucoup. Et deux jours avant la révolution, une loi est passée officialisant enfin le délit de « harcèlement sexuel » - jusque-là, on se contentait du mot agression... Si les procès se sont multipliés, ils restent toujours en nombre très insuffisant par rapport à la taille du problème...


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