Laurence Anyways

Dans les années 1990, Laurence annonce à Fred, sa petite amie, qu’il veut devenir une femme. Envers et contre tous, et peut-être bien eux-mêmes, ils affrontent les préjugés de leur entourage, résistent   à l’influence de leur famille, et bravent les phobies de  la société qu’ils dérangent. Pendant dix ans, ils tentent de survivre à cette transition, et s’embarquent dans une aventure épique dont leur perte semble être la rançon…

Laurence Anyways

Laurence Anyways
Drame (02h39min) de Xavier Dolan
Avec Melvil Poupaud, Suzanne Clément
Etoiles Allociné : Presse : 3,5 - Spectateurs : 3,9

Propos du réalisateur Xavier Dolan
Dans les années 1990, je vivais avec ma mère en banlieue de Montréal. À l’école, j’avais le statut d’enfant-vedette, et manquais les classes pour jouer dans une pub ou un fifi lm. Aux yeux de mes camarades, j’étais dans le show business. Mais mon rapport avec le cinéma était assez superficiel; hormis les classiques de Disney, mon initiation au septième art se limitait aux blockbusters d’Hollywood, efficaces et sanguinolents, que mon père m’emmenait voir en version française (souvent pour apprécier leur doublage, dont il était). Ma mère le semonçait pour ces sorties délictueuses dont elle redoutait l’influence sur moi, et qui, j’imagine, ont peut-être pu lui servir, par la suite, à justifier mes incartades d’enfant violent et indiscipliné.

Mon baptême de cinéma, c’est pourtant aux côtés d’elle que je le vécus. En 1997, j’avais neuf ans, c’était en décembre, ma mère m’emmenait au cinéma Le Parisien, que nous regrettons aujourd’hui. Au cours de cette soirée, il semble que j’expérimentai du même coup plusieurs des “premières fois” que la vie d’ordinaire répartit avec davantage de parcimonie ; ce film à lui-seul me fit tomber amoureux d’un homme, d’une femme, de costumes, de décors, d’images… Il me fit éprouver tout le frisson que procure une grande histoire, ambitieuse, racontée dans les règles de l’art, incarnée avec intelligence, illustrée avec épate, sensationnalisme, et démesure.

Ce choc cinématographique m’impressionna au plus haut point, me poussa à vouloir à tout prix apprendre l’anglais pour pouvoir, à mon tour, jouer dans les films américains. C’est à ce moment aussi que je commençais, je crois, à me déguiser plus sérieusement avec les vêtements de ma mère, sans jamais qu’elle ne m’en empêche. À basculer dans un autre monde, pour échapper à un quotidien où, à l’évidence, je déplaisais aux autres enfants de mon âge, collectionnais les fausses petites amies, étais arrogant et seul, malgré toutes les amitiés insincères que je devais sans doute à la notoriété. Ce choc cinématographique, je l’ai compris tout récemment, fut une révélation pour moi ; il me permit non seulement de comprendre que je voulais être acteur et réalisateur, mais qu’à l’image de cette production, je souhaitais que mes projets et mes rêves n’aient aucune limite, et que l’amour insubmersible tel que montré dans ce film soit celui qu’un jour je connaisse.

Quinze ans plus tard, je regarde Laurence Anyways, et j’y trouve l’expression de tous mes secrets d’enfance. Je ne souhaite pas devenir une femme, non, et mon film est avant tout mon hommage à l’ultime histoire d’amour ; ambitieuse, impossible, celle que l’on veut sensationnelle, démesurée, celle que l’on s’ordonne d’avoir honte d’espérer, celle que seuls le cinéma, les livres, l’art nous donnent. Mon hommage à cette période de ma vie, où, bien avant de devenir réalisateur, il fallut que je devienne un homme.


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