L'affaire des diamants de Bokassa

L'affaire des diamants ou affaire des diamants de Bokassa est une affaire politique révélée par Le Canard enchaîné le 10 octobre 1979 et qui impliquait le président Valéry Giscard d'Estaing et l'ancien empereur de Centrafrique, Bokassa Ier, dans les années 1970...

Relations entre Valéry Giscard d'Estaing et Jean-Bedel Bokassa
Valéry Giscard d'Estaing connaissait Jean-Bedel Bokassa depuis 1970. Il l'avait rencontré lors des obsèques du général de Gaulle.

Jusqu'à son élection à la présidence de la République française, Giscard d'Estaing s'était rendu trois fois en Centrafrique, en décembre 1970, mars 1971 et avril 1973. Il s'agissait de voyages privés organisés dans une concession du nord du pays à l'invitation d'Henry de La Tour d'Auvergne, un cousin de son épouse et un grand amateur de chasse africaine. À chaque fois, Giscard d'Estaing (qui était membre du gouvernement français) avait rencontré le président Bokassa à Bangui, avant de reprendre l'avion pour Paris.

En avril 1973, à la fin de son séjour, Valéry Giscard d'Estaing, ministre des Finances de Georges Pompidou effectuait une visite de convenance au chef de l'État centrafricain. Après avoir visité le palais présidentiel en compagnie de son hôte, celui-ci lui remit des fruits d'ébène et une plaquette de diamants africains (deux étoiles de petites pierres fines), échantillon de la production de l'école de taille de pierre qu'il avait créée à Bangui. Ce cadeau était généralement réservé à ses hôtes de marque. Henry Kissinger notamment avait reçu une plaquette similaire, qui selon Valéry Giscard d'Estaing avait été estimée à l'époque d'une valeur entre 4 000 et 7 000 francs. Selon le témoignage de F.L. Copperman, ancien consul honoraire britannique à Bangui en 1973 et administrateur national du diamant (CND), la valeur des diamants que Bokassa dispensait à ses invités de marque n'excédait jamais 10 000 US $. À son retour à Paris, le ministre des Finances rangea la plaquette de diamants « dans un tiroir » au ministère sans plus y prêter attention.

Peu après son élection à la présidence de la République française, Valéry Giscard d'Estaing rencontra de nouveau Bokassa et des membres de son gouvernement dans le château de ce dernier en Sologne. Après les entretiens entre les deux chefs d'État et le déjeuner, le président centrafricain remit au président français plusieurs cadeaux en guise d'amitié notamment un panneau décoratif en ivoire et des plaquettes de diamants. Les deux hommes se rencontrèrent encore à Bangui en mars 1975, lors d'un voyage officiel, où des cadeaux furent échangés, le président centrafricain offrant encore trois carrés de compositions en brillants au côté de défenses d'éléphants.

Dans ses mémoires, Valéry Giscard d'Estaing déclare s'être encore rendu en Centrafrique pour deux voyages privés en août 1976 et août 1978 dans la concession de chasse et bien qu'ayant décliné l'invitation de Bokassa à lui rendre visite, c'est ce dernier qui se déplaça pour rencontrer le président français en vacances.

Les relations personnelles entre les deux hommes restaient cordiales. Bokassa était cependant peu apprécié par la plupart de ses pairs et lui-même reprochait à la France la diminution de son aide financière. Les relations entre les deux pays ne s'étaient pas arrangées après son couronnement comme empereur avec un faste napoléonien et le refus de Valéry Giscard d'Estaing d'y assister personnellement.

Contexte de l'année 1979
En janvier et avril 1979, des troubles violemment réprimés par les troupes commandées par les généraux François Bozizé et Mayo Mokola (Bigo, 1988: 196-197) ont lieu à Bangui. Des écoliers sont les principales victimes. En mai, Bokassa est présent à l'ouverture de la conférence franco-africaine où il est ostracisé par ses collègues Léopold Sédar Senghoret et Félix Houphouët-Boigny. La conférence demande qu'une commission sous présidence sénégalaise enquête sur les troubles et la répression à Bangui. Elle est acceptée par Bokassa alors que le président Giscard d'Estaing déclare, lors de la conférence de presse qui suit, que si la culpabilité de Bokassa dans les exactions commises à Bangui était démontrée, celui-ci devrait alors quitter le pouvoir.

Le 16 août 1979, le rapport de la commission d'enquête dénonce la responsabilité personnelle quasi-certaine de Bokassa dans le massacre d'une centaine d'enfants. Le 17 août, le ministère de la coopération annonce la cessation de l'aide française à la Centrafrique. Le 20 septembre, la France lance l'opération Barracuda qui aboutit à la mise en place d'un nouvel homme fort, David Dacko, qui avait été chassé du pouvoir en 1965. Dans ses mémoires, Valéry Giscard d'Estaing détaille les journées qui ont précédé le renversement de Jean Bedel Bokassa, l'implication de l'armée française et l'opération Barracuda qui aboutit à la fin de l'empire centrafricain. Bokassa est ainsi emmené de force par les parachutistes français au Tchad et de là, il part en exil en Côte d'Ivoire où il accuse la France de l'avoir trahi.

Le 21 septembre, dans Le Monde, l'ancien ambassadeur de France en Centrafrique, Albert de Schonen déclare se souvenir avoir vu de nombreuses personnalités officielles quitter Bangui avec des pépites d'or et des diamants offerts par le chef de l'État.

L'affaire
Le 10 octobre 1979, un mois après la chute du despote africain, Le Canard enchaîné publie le fac-similé d'une commande de Bokassa en 1973 au Comptoir National du Diamant pour une plaquette de diamants de trente carats destinée à Valéry Giscard d'Estaing, alors ministre des finances. Le journal satirique évalue alors à un million de francs la valeur de ces diamants, estimation contestée par certains experts. Le Monde reprend l'information dans l'après-midi et dans un éditorial intitulé "La vérité et l'honneur" déplore l'absence de commentaires du chef d'État français alors que l'agence France-Presse publie dans l'après-midi une dépêche de l'Élysée indiquant « que les échanges de cadeaux de caractère traditionnel, notamment lors des visites de membres du gouvernement dans les États étrangers, n'ont, en aucun cas, ni le caractère ni la valeur qui ont été mentionnés par certains organes de presse à propos du Centrafrique ». Selon Laurent Martin, cette réponse est perçue comme ambiguë par la presse d'opposition et certains journaux étrangers. Dans ses mémoires, Giscard d'Estaing déclare hésiter mais finalement refuse de faire saisir le journal pour se conformer à une promesse faite en 1974 lors de son élection.

Le 15 octobre 1979, une contre-enquête détaillée du journal Le Point, si elle confirme la réalité des cadeaux de Bokassa à ses hôtes étrangers et ne peut infirmer l'authenticité de la signature de Bokassa, conteste la valeur supposée des diamants offerts à Giscard d'Estaing tels qu'ils avaient été estimés par Le Canard enchaîné et Le Monde.

L'affaire est néanmoins reprise comme argument politique par l'opposition. Ainsi, le 26 octobre à l'Assemblée nationale, Georges Fillioud accuse le gouvernement d'avoir étouffé "l'affaire des diamants".

Le 27 novembre, dans un entretien télévisé, Valéry Giscard d'Estaing précise : « Avant que mon mandat ne s'achève, tous les cadeaux que j'ai reçus, et dont la liste sera conservée, auront été utilisés à l'une ou l'autre de ces fonctions, c'est-à-dire œuvres de bienfaisance ou musées » (...) « Je ne vous cache pas qu'il est assez désobligeant pour moi de répondre à des questions de cette nature. Je peux vous dire que déjà, ces dernières années, de nombreux cadeaux ont été envoyés à des œuvres de bienfaisance, qui le savent et qui, d'ailleurs, m'en envoient par écrit le témoignage, ou à des musées, où ils sont, à l'heure actuelle, présentés ». (...) « Enfin, à la question que vous m'avez posée sur la valeur de ce que j'aurais reçu comme ministre des finances, j'oppose un démenti catégorique et, j'ajoute, méprisant ».

Lors de la campagne présidentielle de 1981, Valéry Giscard d'Estaing revient en partie sur ses dénégations et le mépris exprimé en 1979 ; il déclare, le 10 mars 1981, dans le Grand Débat sur TF1 : « En fait, ce n'était pas du tout, comme on l'a dit, des diamants, c'est-à-dire de grosses pierres ayant une grande valeur et que l'on pouvait garder pour soi, auxquelles on pouvait donner je ne sais quelle destination. C'était plutôt des produits de la Taillerie de Bangui qui sont plutôt utilisables sur un plan de décoration en bijouterie. »

Témoignage de Valéry Giscard d'Estaing
Dans le tome 2 de ses mémoires publiés en 1991, Valéry Giscard d'Estaing se déclare surpris par ces attaques qui reposent sur des éléments selon lui totalement faux et dément avoir reçu une plaquette de trente carats. Il est surtout consterné par l'attitude du Monde, alors que la veille son directeur, Jacques Fauvet, est venu à l'Élysée pour un dîner au cours duquel celui-ci a discuté des affaires nationales et internationales avec le président. Jacques Fauvet signe le lendemain un éditorial accusateur intitulé « La vérité et l'honneur ». À partir de ce jour, Valéry Giscard d'Estaing ne lira plus Le Monde, blessé par les accusations fondées sur les seules informations du Canard enchaîné, et par la mise en cause de son père et de ses cousins dans des activités liées à l'Afrique mais qui n'avaient rien à voir avec Bokassa et son cadeau. En décidant, selon ses termes, de traiter l'affaire par le mépris et de faire confiance aux autres journaux pour mener une enquête scrupuleuse qui rétablirait la vérité, son attitude est néanmoins perçue comme de l'arrogance et un aveu de culpabilité. D'ailleurs, au-delà du don des diamants, c’est l’ensemble du mode de vie du Président et de sa famille qui est critiqué.

René Journiac, le conseiller aux affaires africaines du président français, fut le premier à mettre au jour ce qui lui semblait être une supercherie. Par simple comparaison graphologique, il semblait que le style de signature n'était pas conforme à celui de Bokassa en 1973, semblant présumer que l'ancien chef d'État centre africain avait apposé sa signature sur les documents que très récemment, peut-être même lors de son exil en Côte d'Ivoire. Mais surtout le titre sous lequel aurait ou avait signé Bokassa, mentionné dans les documents publiés dans le Canard enchainé, était un titre postérieur à celui qu'il utilisait en 1973.

L'enquête de la DST
Une enquête est alors menée par la DST. Rapportée dans les mémoires de Valéry Giscard d'Estaing, celle-ci conclut également que les notes signées de l'ex-empereur et sur lesquelles reposaient les accusations étaient des documents falsifiés, apparemment rédigés, selon elle, par le journaliste Roger Delpey, ancien conseiller de Jean-Bedel Bokassa dont il rédigeait une biographie. Delpey est ainsi arrêté par la DST à la sortie de l'ambassade de Libye et une liasse de feuillets en blanc recouverts de la signature de Bokassa est retrouvée lors de la perquisition de son domicile. Roger Delpey qui démentira avoir été l'informateur du Canard enchaîné, sera incarcéré pendant plusieurs mois. Selon le Canard enchainé, le tribunal conclut par un non lieu. En 1985, il est débouté par la Cour de Cassation de sa demande d'indemnité pour arrestation arbitraire.

Réponse du Canard à VGE
Le Canard enchaîné a toujours maintenu sa version, tout en reconnaissant que la valeur supposée des diamants était sujette à contestation. Selon l'hebdomadaire, la note de Bokassa de 1973 lui avait été remise par un haut fonctionnaire du ministère français de la Coopération en poste à Bangui après la chute de Bokassa et non par Roger Delpey comme l'affirmait la DST. L'hebdomadaire satirique a publié deux interviews de l'ex-dictateur où celui-ci attestait de l'authenticité des documents et de la nature des cadeaux remis mais l'ex-empereur estimait que Giscard l'avait trahi et en voulait à la France pour sa destitution.

Selon la version relatée dans les mémoires de Giscard d'Estaing, l'ex-empereur aurait pu a posteriori signer une telle note en Côte d'Ivoire durant son exil. Selon l'historien Laurent Martin, Jacques Foccart (qui n'était plus en poste à l'Élysée depuis 1974), confirmerait la version du Canard enchaîné dans ses mémoires alors que le journaliste Jean Bothorel pencherait vers celle de Giscard d'Estaing dans sa biographie consacrée à l'ancien président.

Révélations de Pierre Péan
En 2008, le journaliste Pierre Péan qui était en 1977 à Bangui où il préparait un livre sur Bokassa, accrédite finalement globalement la version de Giscard d'Estaing, distinguant notamment deux affaires des diamants.

Il révèle ainsi que le fameux haut fonctionnaire français mentionné par les journalistes du Canard était Maurice Espinasse, qui fut directeur de l'École nationale de l'administration locale et conseiller de Bokassa. Après l'opération Barracuda qui avait déposé l'empereur de Centrafrique, Claude Angeli avait demandé à Pierre Péan de récupérer auprès d'Espinasse une note, que celui-ci s'était vanté détenir, et qui prouvait que Valéry Giscard D'Estaing, alors ministre des finances, aurait reçu une plaquette de « 30 carats environs ». La version officielle serait que cette note, signée du général Bokassa, aurait été retrouvée dans les décombres du palais de Bangui.

La note récupérée par Pierre Péan est publiée le 10 octobre dans le numéro du Canard portant le titre de une « Quand Giscard empochait les diamants de Bokassa ».

À partir du 5 décembre, d'autres documents sont publiés affirmant que le président français avait reçu encore plus de diamants. C'est ce que Péan appelle la seconde affaire des diamants, portant en fait sur des documents que le journaliste confirme comme étant entièrement falsifiés par Roger Delpey, lors de son passage à Abidjan où il avait retrouvé un Bokassa aigri et décidé à se venger de Giscard.

Épilogue
En 1980, la série de plaquettes de diamants remis par l'ancien chef-état centre-africain à Valéry Giscard d'Estaing sont photographiés et expertisés avec d'autres cadeaux que ce dernier avait reçu durant son mandat de la part de chefs d'États étrangers. Dans ses mémoires, Valéry Giscard d'Estaing publie le document officiel attestant du montant résultant de l'expertise des diamants par le président de la Compagnie des experts près de la cour d'appel de Paris pour un montant bien inférieur à celui cité dans l'article du Canard enchainé. L'ensemble des diamants est vendu en 1981 pour la somme de 111 547 francs de l'époque. Une partie du montant de leur vente est rétrocédé au gouvernement de Bangui pour la Croix-Rouge de Centrafrique, alors que le reste (67 025 francs) est versé à des œuvres caritatives du pays. L'expertise n'a pas été remise en question par le Canard enchainé ni en 1981 ni lors de la parution des mémoires de Valéry Giscard d'Estaing en 1991. Personne n'a ainsi démontré à ce jour que des diamants de 30 carats pour une valeur de 1 million de francs ont effectivement existé et été remis à Valéry Giscard d'Estaing en 1973.

Cette affaire, qui aurait été dévoilée dans le but de discréditer le président de la République, survenait deux ans avant l'élection présidentielle de 1981. La mauvaise défense de Valéry Giscard d'Estaing accrédite finalement aux yeux du public l'accusation portée par Le Canard enchaîné et pourrait être une des causes de sa défaite face au candidat du Parti socialiste, François Mitterrand.

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