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L'auberge rouge : une histoire vraie Tout le monde se souvient du film « L’auberge rouge » de Claude Autant-Lara réalisé en 1951 avec Fernandel qui relate les méfaits d’une famille d’aubergistes cupides qui assassinaient leurs clients afin de les dépouiller. Mais saviez-vous que cette histoire est tirée d’un véritable fait divers qui a eu lieu en Ardèche en 1831 ?... Le lieu du crime : Peyrebeille A Peyrebeille, le hameau compte quelques maisons et abrite l’auberge de Pierre Martin, comme on la désigne à l’époque du nom de son propriétaire. Ce n’est qu’après le crime qu’elle porte différents sobriquets déplaisants mais saisissants, tels que « l’auberge sanglante », le « coupe-gorge » ou « l’ossuaire ». Isolée, l’auberge se situe sur les voies de communication menant vers les départements limitrophes, ce qui lui amène sa clientèle. Toujours debout aujourd’hui, elle est un haut-lieu touristique de l’Ardèche et revendique le titre « d’authentique auberge de Peyrebeille ». La Bibliothèque municipale de Lyon possède un fonds de cartes postales de toutes les époques, dont une dizaine concerne Peyrebeille. En plus des extérieurs, des clichés du four permettent d’illustrer la légende des cadavres brûlés par les Martin. La base Joconde, catalogue collectif des musées de France, propose la consultation d’autres vues de l’auberge. Les quatre « monstres » sur le banc des accusés Pierre Martin, 60 ans, est installé sur le hameau de Peyrebeille depuis 1808 comme fermier puis aubergiste. Travaillant dans une auberge, il saisit la valeur commerciale de l’emplacement et, en 1818, fait construire son propre établissement, avec des écuries et une ferme : il en est le tenancier jusqu’en 1830. A partir de cette date, il loue l’auberge à un tiers et n’est donc plus l’aubergiste présent au moment du crime, ce que la justice semble « oublier ». Marié à Marie Breysse vers 1800, Pierre et elle ont deux filles, Marie-Jeanne et Marguerite. Ils s’entourent également de leur domestique Jean Rochette. Hormis le fait que Pierre est reconnu pour son fort caractère et craint dans le voisinage, rien ne fait d’eux les « monstres » que la rumeur se plaît à dépeindre après le crime de 1831. La disparition d’Antoine Enjolras : le début de l’affaire Les témoignages cristallisent les clichés des meurtriers assoiffés de sang et d’argent. Des clients disent avoir vu les draps du lit ou les murs tachés de sang. La nuit, les aubergistes sont vus en train de brancarder des cadavres le long des chemins. Ils font soi-disant disparaître les corps en les brûlant ou en les faisant mijoter dans la marmite de l’auberge. L’appât du gain serait le motif des crimes car, aux yeux des paysans alentours, Pierre Martin dispose d’une fortune, d’ailleurs surévaluée, forcément trop importante pour avoir été acquise honnêtement. Elle reposerait sur les larcins commis contre des clients, tel un riche marchand juif disparu aux alentours de l’auberge, et dont l’existence n’est pourtant jamais attestée. Les ragots s’orientent également vers la vie privée des époux et une relation extraconjugale entre Marie Breysse et son domestique est évoquée. Ce dernier attise l’imagination. Hâlé, il est souvent représenté comme noir ou métis alors que rien n’indique qu’il était africain. De plus, il est dépeint comme un colosse alors que, selon les pièces judiciaires, il mesure 1,69 m. Ces témoignages à charge éclipsent ceux des clients ayant fréquenté l’auberge paisiblement mais peu de témoignages portés à la connaissance de la chambre d’instruction sont finalement conservés pour définir les chefs d’accusation. De l’instruction du procès à la guillotine Le procès s’ouvre le 6 juin 1833, avec des chefs d’inculpation revus à la baisse. André Martin est ainsi mis hors de cause pour l’affaire principale d’Enjolras mais reste accusé pour une tentative d’assassinat. Pierre Martin, son épouse et Jean Rochette sont accusés de deux assassinats, quatre tentatives d’assassinats et six vols. Le 25 juin 1833, les jurés donnent leur verdict : André Martin est totalement blanchi ainsi que les autres accusés en ce qui concerne les tentatives d’assassinat et les vols. Seule Marie Breysse est jugée coupable d’un larcin. Par contre, le jury les déclare coupables de la mort d’Enjolras, ce qui leur vaut l’exécution capitale. Si les trois condamnés restent impassibles, les campagnes célèbrent avec joie la sentence. En août, le pourvoi en appel est rejeté et Louis-Philippe refuse la grâce royale, même pour Marie Breysse. Le 1er octobre, le convoi des condamnés prend la route de Peyrebeille, lieu du crime et de l’exécution. Celle-ci se déroule devant une nombreuse foule le 2 octobre 1833, comme le mentionne la Gazette des Tribunaux. Les masques mortuaires des trois condamnés sont conservés au Musée Crozatier du Puy-en-Velay. Une dramatique erreur judiciaire ? A partir des témoignages auxquels il donne foi, son récit fait revivre les méfaits commis par les aubergistes et leurs complices, du premier assassinat sur le jeune voyageur Claude Béraud (1808) à celui d’Enjolras, qui engendre les suspicions et leur coûtera la vie. Le récit est évocateur, détaillant les finauderies des filous pour rassurer les clients et savoir si ces derniers sont riches. Le lecteur peut imaginer les coups d’œil grivois de Marie Breysse, la main humaine dépassant de la marmite ou les tactiques des hommes pour faire disparaître les corps. Au fil de la lecture, la cupidité et la culpabilité des accusés ne font pas le moindre doute. Les Martin sont des brigands qui assassinent leurs clients aisés pour tirer profit d’eux et s’assurent ainsi la fortune. Il est mis fin à leurs activités grâce au mendiant Chaze, témoin de l’ultime assassinat en étant présent dans la grange de l’auberge. La relecture critique des documents du procès donne naissance à l’ouvrage de Charles Alméras et Félix Benoît : Peyrebeille : la légende et l’histoire de l’auberge sanglante. Ils font le récit exhaustif de tous les crimes imputés aux aubergistes, y compris des faits fictifs et peu relatés comme les assassinats d’un jeune colonel et d’un ex-préfet de l’Empire. Puis, c’est la genèse de cette légende qui est décortiquée dans toutes ces exagérations. Au final, les auteurs, estiment qu’il y a une part de vérité derrière les ragots et que les aubergistes sont coupables. Ils mettent en avant la faiblesse du démenti des accusés et la dernière parole de Jean Rochette avant l’échafaud : « Maîtres, soyez maudits ! Que ne m’avez-vous pas fait faire ! » D’autres auteurs ont relu récemment les pièces judiciaires et mettent à mal l’accusation ainsi que le mobile. Les partisans de l’erreur judiciaire Tout d’abord, la mauvaise réputation des tenanciers va de pair avec celle des auberges, considérées comme malfamées. Le caractère de Martin, montagnard dur et prêt à en découdre pour récupérer son dû, prêche en sa défaveur. La jalousie à l’encontre de ses ex-fermiers devenus propriétaires d’un commerce prospère est un facteur à considérer. La mauvaise renommée des Martin est donc avérée : aucune plainte ne remonte auprès de la police avant l’enquête sur l’assassinat d’Enjolras puis les langues se déchaînent après la disparition. Les témoins sont uniques (pas de confrontation possible) et leurs propos frisent parfois le grotesque : les clients semblent davantage coucher dans le grenier à foin que dans les chambres, les meurtres ne sont pas discrets, pas plus que les transports nocturnes de cadavres. L’un des témoignages important est celui de la tentative d’assassinat de Pagès mais il est rapporté (inventé ?) après coup puisque l’homme est décédé entre temps. Or le juge est à l’écoute des ragots et de tous les propos. Une justice encore balbutiante au début du XIXe siècle L’objectif des magistrats n’est pas la recherche de la vérité mais l’élaboration d’un discours cohérent pour convaincre les jurés et répondre à ce qu’ils pensent être le mieux pour la société. Bien qu’anciens et donc prescrits, des faits sont relatés au procès pour discréditer le couple. L’acte d’accusation se rétrécit d’ailleurs au cours des étapes du procès devant la non-recevabilité de certains témoignages, n’en déplaise à la Justice qui veut faire condamner les accusés. Un contexte politique défavorable aux accusés Gérald Messadié poursuit cette hypothèse dans Le secret de l’Auberge rouge, L’Archipel (2007) Pour lui, les dépositions ont été fabriquées et ce détournement de justice a pour fond un règlement de comptes politique. Il invoque même la possibilité d’un complot en raison de la disparition d’une partie des pièces judiciaires après le procès. Avec humour et ironie, il démonte l’accusation et montre la puissance de l’imaginaire collectif d’une population qui souhaite la reconnaissance de la culpabilité des accusés, soutenue par la justice. Le procureur du Roi souhaite la condamnation, accordant du crédit à des témoignages qui arrivent providentiellement en fin de procès, comme celui du mendiant Chaze, décisif dans le jugement final. Tout serait lié à l’appartenance des Martin au clan des royalistes, suggérée par son surnom « le blanc », et à son opposition aux Bleus révolutionnaires. Marie Breysse a caché un curé au moment des répressions révolutionnaires. Pierre Martin semblerait s’être rangé du côté des « chouans » ardéchois. La thèse de G. Messadié est qu’il est un homme de main des nobles qui, à leur retour d’exil, tentent de récupérer leurs terres rachetées à bas prix. Occasionnellement en mission, il ferait pression sur des propriétaires de terrains afin que ceux-ci les cèdent. Le brigandage est un phénomène courant à l’époque et Martin serait un sympathisant des bandes commettant leurs méfaits dans les bois. Ceci expliquerait le mécontentement général envers lui. Or le contexte n’est pas favorable aux royalistes au début des années 1830, ce qui permet à l’affaire d’éclater et d’être sévèrement jugée. Depuis 1815, il existe des foyers de « résistants » royalistes en Ardèche que la justice souhaite réprimer : le procès est l’occasion d’en éliminer certains car le contexte politique s’y prête. Avec l’abdication de Charles X, c’est un nouveau coup dur pour les partisans de l’Ancien régime. Louis-Philippe 1er, avec un rapport du procureur demandant la sévérité, n’accordera pas sa grâce satisfaisant ainsi et la justice locale et les rancœurs populaires. L’auberge de Peyrebeille, source d’inspiration au fil des siècles Source : Bibliothèque municipale de Lyon, www.pointsdactu.org Des auberges pour "ripailler" en toute sécurité : 78180 - AUBERGE DU MANET http://hotel-restaurant-montigny-sqy-78.com78460 - AUBERGE LA BRUNOISE http://www.restaurant-vallee-de-chevreuse-78.com91290 - L'AUBERGE DE LA MONTAGNE http://www.restaurant-arpajon.com91760 - AUBERGE DE L'EPINE http://www.restaurant-91.com Lien vers HaOui : www.haoui.com Lien vers : historique des newsletters |