Gauricus et Nostradamus avaient prédit la mort d’Henri II…

 

 

En l’an de grâce 1555, le roi Henri II de France, qui avait alors trente-sept ans, fut averti par un astrologue qu’il devrait faire attention « d’une mort par une lésion à la tête durant un combat individuel qui aurait lieu dans une enceinte fermée durant l’été de sa quarantième année ». L’astrologue en question était un des sages les plus connus de son époque, un Italien appelé Luca Gaurica, latinisé en Gauricus. Signor Gauricus publia une grande œuvre en trois volumes sur les principes de l’astrologie, appelé Opera Omnia, qui peut être lue au British Library, si l’on connaît le latin, puisque malheureusement elle ne fut jamais traduite. Opera Omnia parle non seulement de l’élaboration et de l’interprétation des cartes natales mais aussi d’astrologie judiciaire (horaire) et politique (mondiale).

Dans ses nombreux exemples, il y a le thème du roi Henri II. Gauricus prédit habilement crises et morts de nombreux gouverneurs et nobles de son époque, dont la déroute du roi François 1er dans la bataille de Pavia et le décès du Duc de Bourbon à la muraille de Rome durant son pillage de 1527, par conséquent son avertissement au Roi de France fut considéré avec attention. 

L’astrologie de son temps, exception faite des disciples de Ficin, était plus prédictive que caractérologique et même si l’Eglise la répudiait nominalement, elle était respectée dans toutes les cours d’Europe. En fait, de grands princes notables de l’Eglise étaient astrologues, et l’astrologue laissait l’ultime responsabilité des bénéfices et des catastrophes humaines dans l’ample giron des Moires. Gauricus ne travaillait pas avec la magie « naturelle » de Ficin et s’il prophétisait au roi Henri II qu’il allait mourir, il devait mourir, même si la prédiction s’exprimait, en accord avec l’étiquette, comme un « avertissement ». Le roi Henri, lui-même, ne pensa même pas à remettre en question la prédiction sinon qu’il répliqua qu’il préférait mourir de mort honorable dans un combat ouvert que d’une autre façon, peut-être plus ignoble. Le roi était Bélier, ce qui peut expliquer son courage mais encore plus sa réponse téméraire.

Un autre astrologue, contemporain de Gauricus, avait déjà émis aussi un « avertissement » sur la mort du roi Henri. Il s’agit de Michel de Nostredame, connu dans l’Histoire sous le nom de Nostradamus, qui intercala dans les Centuries, sa monumentale œuvre prophétique sur le destin du monde publiée en 1555, les vers suivants :

« Le Lyon Jeune le vieux surmontera,
En champ bellique par singulier duel.
Dans cage d’or les yeux li crèvera,
Deux classes une puis mourir mort cruelle ».

Ce qui signifie, approximativement : le jeune lion vaincra le vieux dans un champ de tournoi dans une bataille singulière. Ses yeux seront pénétrés à travers la cage d’or (le roi était connu pour porter un heaume doré). Il y aura deux blessures dont une lui causera une mort cruelle.

Cette prophétie, bien que ne mentionnant pas le roi par son nom, apparaît la même année que celle où Gauricus fit sa prédiction et elle fut immédiatement reconnaissable, non seulement par le casque doré qu’il utilisait dans les joutes mais aussi par le lion doré de son blason. Ce deuxième avertissement astrologique fut pris aussi avec grand sérieux et commencèrent, les préparatifs pour introniser le nouveau monarque. Les astrologues et les voyants par la grâce de Dieu, ou du diable, (ce n’est pas clair à ce sujet) pouvaient connaître les secrets du destin et prévoir ce qui était écrit.

Il est superflu de dire que le roi Henri II mourut, durant l’été de son quarantième anniversaire, dans un tournoi de joutes pendant les festivités organisées en l’honneur du mariage de sa sœur avec le roi d’Espagne. La lance de son adversaire se brisa fortuitement durant le combat et le roi oublia fortuitement de fermer la visière de son heaume, les éclats traversèrent la visière du heaume, pénétrèrent dans les deux yeux et entrèrent dans son cerveau et le roi mourut suite à une longue agonie de dix jours d’une mort particulièrement cruelle et douloureuse. Ensuite tout le monde pleura sa mort et en même temps, on loua l’exactitude de prévisions de Gauricus et de Nostradamus, et on se prépara pour introniser le nouveau roi.

Pour nous, il est difficile de comprendre l’acceptation passive des prédictions et du destin dont était imprégnée l’astrologie du XVIe siècle. Cependant, l’astrologue moderne a à cœur de démontrer à son client que l’interprétation du thème natal est « potentiel » et malgré tout, il lui est aussi difficile de le justifier comme auraient pu le faire avec des prédictions similaires des astrologues de la Renaissance. Au XXIe siècle, il est très utile de considérer le thème d’un point de vue psychologique parce que nous vivons dans un monde psychologique et notre unique espoir de salut peut être la compréhension de soi, bien qu’il y ait à peine 100 ans, il paraissait possible de prédire avec exactitude l’amplitude de la vie d’un homme et la manière dont il allait mourir.

Pour ceux qui sont quelque peu initiés, voici le thème d’Henri II calculé par Gauricus et celui sorti tout droit d’un ordinateur : 31 mars 1519, à 10 h 28 A.M.  pour Saint-Germain-en-Laye

- Thème calculé par Gauricus :

Ascendant : 25° Taureau                           Soleil : 19°25 Bélier
Maison II : 17°Gémeaux                            Lune :   27°35 Bélier
Maison III : 2° Cancer                               Mercure : 24°14 Poissons  
Maison IV : 17° Cancer                              Vénus : 23°13 Bélier
Maison V :   13° Lion                                   Mars :  10°10 Cancer
Maison VI :  6° Balance                             Jupiter : 15°02 Balance
                                                                       Saturne:  21°37 Capricorne
Nœud Nord : 2°13 Gémeaux

- Thème calculé par l’ordinateur 

Ascendant :  20°31 Cancer                        Soleil : 19°21 Bélier
Maison II :    7°15 Lion                              Lune :   01°04 Taureau      
Maison III : 27°28 Lion                             Mercure : 21°55 Poissons  
Maison IV :  24°24 Vierge                         Vénus : 22°47 Bélier
Maison V :      1°44 Scorpion                   Mars :  12°14 Cancer          
Maison VI :  14°44 Sagittaire                   Jupiter : 16°35 Balance
Saturne : 21°44 Capricorne
Uranus : 11°57 Taureau
Neptune : 27°49 Verseau
Pluton :      8°01 Capricorne
Nœud Nord : 2°54 Gémeaux

 

Le thème de Henri II dans leTraité d’Astrologie d’André Barbault est calculé pour 7 heures, soit un Ascendant à 0° Gémeaux, et une Lune à 28° Bélier… Cependant, qui a raison ???

Quand nous comparons les deux thèmes, il est tout de suite évident que les astrologues du XVIe siècle n’étaient en rien stupides dans leurs calculs bien qu’ils commettaient quelques erreurs compréhensibles par manque d’instruments scientifiques. Bien que l’Ascendant et la cuspide des Maisons soient quelque peu déviés dans la version de Gauricus, la position des planètes est très précise, avec un écart maximum d’un à deux degrés. On n’est pas sûr du système des Maisons utilisé par Gauricus puisqu’il donnait ses propres tables dans Opera Omnia bien que ce soit probablement le système de Porfirus, le plus populaire en son temps, ou le sien. La Lune est l’unique planète qui fut mal calculée (de 4 degrés) dans son thème tandis que la position du Caput Draconis ou Nœud Nord est exacte. Gauricus, bien entendu, ne connaissait pas Uranus, Neptune et Pluton, et basait ses prédictions sur les sept corps célestes connus, les nœuds et la Part de Fortune (les aspects arabes étaient alors à la mode), qui dans la version de Gauricus était en conjonction exacte avec l’Ascendant. Ses sources sont Ptolémée, la littérature arabe sur les étoiles fixes et les parts fixes et le Mathesis de Julius Firmicus Maternus.

L’œuvre de Firmicus fut éditée pour la première fois à Venise en 1497, durant la jeunesse de Gauricus. Il consacra de nombreuses pages à répondre aux détracteurs de l’astrologie et à ceux qui réfutent l’idée de destin. Firmicus, et plus tard Gauricus, croyaient que les astrologues étaient les messagers du destin et il dédia une partie de son Mathesis aux responsabilités qu’impliquait un rôle si délicat.

 

www.sylvie-tribut-astrologue.fr