So long, my son

Au début des années 1980, Liyun et Yaojun forment un couple heureux. Tandis que le régime vient de mettre en place la politique de l’enfant unique, un évènement tragique va bouleverser leur vie. Pendant 40 ans, alors qu’ils tentent de se reconstruire, leur destin va s’entrelacer avec celui de la Chine contemporaine. 

Entretien avec Wang Xiaoshuai, le réalisateur  

Quelle était votre intention principale quand vous avez commencé à travailler sur So Long My Son ?
En 2011, j’écoutais les informations et on a annoncé que le gouvernement abandonnait la politique de planning familial de l’enfant unique et qu’il serait désormais possible de donner naissance à un second enfant.

J’ai été positivement étonné parce que j’avais tenu pour acquis que la politique de l’enfant unique durerait encore longtemps et marquerait plusieurs générations. C’est ce changement qui a déclenché l’idée de So Long My Son. 

So Long My Son mêle la grande fresque historique et politique avec un puissant mélodrame familial. Était-ce fondamental pour vous de montrer l’articulation entre la vie sociale et la vie intime ?
C’est extrêmement important pour moi parce que les deux générations antérieures à celle montrée dans le film ont vécu dans une économie planifiée, dans un système fonctionnant avec une seule idéologie, un seul mode de vie auquel ils se pliaient et qui était caractérisé par le fait de ne pas mettre en avant l’individu par rapport au collectif.

Aujourd’hui, notamment chez les jeunes générations, il y a une plus grande prise de conscience de l’importance de l’épanouissement individuel, mais la réalité chinoise telle que je la perçois, c’est que ce pays ne s’est jamais complètement éloigné de la primauté du collectif sur l’individu. Malgré des inflexions comme la fin de la politique de l’enfant unique, on en est toujours là.   

Comment la population a-t-elle vécu cette politique : mal comme la famille du film, ou en l’acceptant au nom des intérêts supérieurs du pays ?
Malheureusement, la grande majorité de la population chinoise a l’habitude que la vie des individus soit organisée en fonction de la société et de ce que décident les hommes politiques. Maintenant qu’on peut de nouveau avoir plusieurs enfants, je me suis rendu compte que ça n’a pas donné lieu à beaucoup de débats, qu’il n’y a pas eu de libération de la parole.

Ça m’a interpellé et je continue de réfléchir sur le pourquoi de ce silence qui est un sujet en soi. Les priorités des chinois ont changé : ce qui anime les gens aujourd’hui, c’est la quête d’enrichissement personnel, comme s’ils avaient tourné la page de la politique de l’enfant unique sans en faire le bilan. 

Le film commence avec la mort accidentelle d’un enfant. Vous y êtes allé fort pour empoigner le spectateur !
Ce qui m’importait, c’était de raconter cette histoire à partir du moment où les parents perdent leur enfant. Car cet évènement implique un bouleversement total dans la vie de ce couple et de leurs proches et amis, un bouleversement durable qui impactera toute leur existence à venir.

C’était la vie de ce couple perdant leur fils et la politique de l’enfant unique que je voulais placer au centre du film.

Le film est une montagne russe émotionnelle. Comment avez-vous travaillé le dosage de l’émotion, tant au niveau de l’écriture que de la mise en scène, afin que le spectateur ressente des émotions fortes mais qui ne paraissent jamais surchargées ou imposées ?
Pour reprendre l’exemple de la mort de l’enfant au début du film, vous avez peutêtre remarqué que je n’ai pas insisté lourdement sur cet évènement tragique : c’est filmé de loin, la scène ne s’étend pas, on reste à distance.

Je me suis attaché à rendre compte de la vie des personnages en adoptant un point de vue d’observateur légèrement en retrait : mon regard est calme, apaisé, contrairement à ce que vivent les protagonistes. Je crois que c’est ce regard calme qui fait d’autant mieux ressortir les émotions des personnages et celles du spectateur.

J’ai essayé d’établir un rapport au spectateur en mettant en avant les détails quotidiens de la vie, détails auxquels chacun peut s’identifier. Quant aux situations émotionnelles, pas la peine d’insister dessus, elles se suffisent en elles-mêmes pour générer l’émotion. 

Drame chinois de Wang Xiaoshuai. Ours d'argent du meilleur acteur et de la meilleure actrice à la Berlinale 2019. 4 étoiles AlloCiné.  


Voir toutes les newsletters :
www.haoui.com
Pour les professionnels : HaOui.fr