Le vent de la liberté

1979. En pleine guerre froide, deux familles ordinaires d’Allemagne de l’Est rêvent de passer à l’Ouest. Leur plan : construire une montgolfière et survoler la frontière. Une histoire incroyable. Une histoire vraie...  

Le 16 septembre 1979, les familles Strelzyk et Wetzel s’enfuient d’Allemagne de l’Est et passent à l’Ouest dans une montgolfière artisanale. En pleine nuit, les quatre adultes et les quatre enfants décollent d’une clairière dans le sud de l’Allemagne de l’Est, survolent la frontière entre la RDA et la RFA et, 28 minutes et 18 kilomètres plus tard, atterrissent dans un champ près de la ville bavaroise de Naila. Dès le lendemain matin, les médias allemands et internationaux relatent « l’évasion la plus spectaculaire de l’Allemagne de l’Est ». Le magazine Stern négocie immédiatement une exclusivité. La société américaine Disney, quant à elle, réalise une adaptation cinématographique intitulée « La Nuit de l’évasion » qui sort dans le monde entier en 1982.  

Le réalisateur allemand Michael « Bully » Herbig, célèbre outre-Rhin pour ses comédies à succès, a voulu revenir aux sources de cette incroyable histoire, et en donner une version allemande, tournée sur les lieux mêmes de l’action avec des acteurs germanophones. Il s’est assuré de la collaboration des vrais protagonistes pour l’écriture du scénario : longuement interrogées par les scénaristes, les familles Strelzyk et Wetzel, leur ont également donné accès aux plus de 2 000 pages du dossier que leur avait consacré la STASI après leur fuite. Ces archives ont permis de reconstituer de la manière la plus précise possible la traque menée par la police politique du régime contre ces « ennemis de l’intérieur » qu’elle voulait attraper avant qu’ils ne puissent mener leur projet à bien.  

Un irrépressible besoin de liberté
On peut se demander pourquoi tant d’Allemands de l’Est tentèrent, par les moyens les plus extraordinaires et au prix de risques considérables, de quitter leur pays. Après tout la RDA était une société égalitariste qui assurait à tous un travail et un revenu décent, la gratuité de la plupart des services et des activités sportives et culturelles, ainsi qu’une égalité de droits très poussée entre hommes et femmes. Ces « bons côtés » ont pu nourrir cette forme de nostalgie bien décrite dans le film Goodbye Lenin !. Le Vent de la liberté s’ouvre d’ailleurs sur une scène typique de l’ex-Allemagne de l’Est, dont la bande son rappelle la comédie de Wolgang Becker : la cérémonie solennelle de Jugendweihe (initiation des bacheliers), bercée par la chanson patriotique Unsere Heimat (« Notre patrie ») entonnée par la chorale des jeunes pionniers. 

Mais sous l’aspect idyllique du tableau perce l’inquiétude, puisque le compte à rebours de la première tentative est enclenché. C’est cette violente soif de liberté et qui est à l’origine du besoin irrépressible de s’évader de cette prison qu’était pour certains la RDA. 

Les élections étaient verrouillées, les médias (quarante journaux, deux chaînes de télévision et quatre de radio) sous contrôle, toute critique du régime conduisait en prison. Il n’était pas permis de choisir librement ses études et son orientation professionnelle, la préférence pour l’accès aux études universitaires était donnée aux enfants de paysans et d’ouvriers. 

Les ressortissant de RDA ne pouvaient voyager que dans les pays « frères » du bloc de l’Est, avec une autorisation. Pour pouvoir se rendre à l’Ouest de l’Allemagne, il fallait une autorisation spéciale, fondée sur des circonstances particulières. 

La Stasi, un État dans l’État
Pour nommer les évasions, on employait en RDA le terme de Republikflucht, qui se traduit littéralement par « fuite de la République », mais dont la connotation était beaucoup plus négative : quitter le pays était assimilé à une véritable trahison, et la lutte contre les évasions était une des priorités de l’appareil d’État.

À travers le rôle de l’inspecteur Seidel mais aussi du voisin des Strelzyk, modeste fonctionnaire de terrain, le film montre le fonctionnement de la redoutable Staatssicherheit (STASI). Cette police politique, chargée de maintenir les citoyens sous étroite surveillance, employait plus de 90 000 collaborateurs, mais aussi et surtout une multitude de collaborateurs officieux (les « IM », Inoffizielle Mitarbeiter), citoyens ordinaires chargés d’espionner leurs collègues ou voisins en échange d’avantages (logement, études, emploi, etc.) ou sous la menace.

Cette omniprésence de la STASI engendrait la méfiance de tous à l’égard de tous, d’autant que la police secrète n’était soumise à aucun contrôle, recevant directement ses ordre de la SED (Sozialistische Einheitspartei Deutschlands, Parti socialiste unifié), le parti unique. Le film propose un tableau assez fouillé de l’ambiance au quotidien, évitant le manichéisme en montrant à la fois les collaborateurs zélés du régime et les discrets (car dangereux) gestes de solidarité comme celui de l’institutrice qui refuse de dénoncer les activités suspectes des parents. 

Film Allemand de Michael « Bully » Herbig. 1er prix au festival international du film d'histoire de Pessac. 4,1 étoiles AlloCiné.


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