Le bail commercial et les charges locatives

Les charges sont les dépenses inhérentes à une chose, une fonction ou une situation. Les charges locatives dites encore charges récupérables, sont les dépenses mises à la charge du locataire du fait de la location d’un bien. Cependant, derrière ce vocable se cachent des situations contractuelles très différentes en matière de baux commerciaux...

Cette variété de situation résulte du fait que ni les dispositions du code civil ni celles du code de commerce ne définissent les charges locatives à la différence des textes relatifs aux baux d’habitation.

Jusqu’à la loi 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l’artisanat et au commerce, les droits et obligations des parties en matière de charges locatives ne faisaient l’objet d’aucune règlementation spécifique. La question était réglée par le bail, et à défaut de convention des parties par les dispositions du code civil.

La loi a innové dans ce sens en faveur des locataires dans la mesure où l’article L 145-40-2 du code de commerce pose le caractère non imputable  au locataire de certaines charges.

Les baux étant tenu de respecter les règles des articles R 145-35 à 37 du code de commerce. 

Article L145-40-2 du code de commerce
Tout contrat de location comporte un inventaire précis et limitatif des catégories de charges, impôts, taxes et redevances liés à ce bail, comportant l'indication de leur répartition entre le bailleur et le locataire. Cet inventaire donne lieu à un état récapitulatif annuel adressé par le bailleur au locataire dans un délai fixé par voie réglementaire. En cours de bail, le bailleur informe le locataire des charges, impôts, taxes et redevances nouveaux.

Lors de la conclusion du contrat de location, puis tous les trois ans, le bailleur communique à chaque locataire :

1° Un état prévisionnel des travaux qu'il envisage de réaliser dans les trois années suivantes, assorti d'un budget prévisionnel ;

2° Un état récapitulatif des travaux qu'il a réalisés dans les trois années précédentes, précisant leur coût.

Dans un ensemble immobilier comportant plusieurs locataires, le contrat de location précise la répartition des charges ou du coût des travaux entre les différents locataires occupant cet ensemble. Cette répartition est fonction de la surface exploitée. Le montant des impôts, taxes et redevances pouvant être imputés au locataire correspond strictement au local occupé par chaque locataire et à la quote-part des parties communes nécessaires à l'exploitation de la chose louée. En cours de bail, le bailleur est tenu d'informer les locataires de tout élément susceptible de modifier la répartition des charges entre locataires.

Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent article. Il précise les charges, les impôts, taxes et redevances qui, en raison de leur nature, ne peuvent être imputés au locataire et les modalités d'information des preneurs. 

Article R145-35 du code de commerce
Ne peuvent être imputés au locataire :

1° Les dépenses relatives aux grosses réparations mentionnées à l'article 606 du code civil ainsi que, le cas échéant, les honoraires liés à la réalisation de ces travaux ;

2° Les dépenses relatives aux travaux ayant pour objet de remédier à la vétusté ou de mettre en conformité avec la réglementation le bien loué ou l'immeuble dans lequel il se trouve, dès lors qu'ils relèvent des grosses réparations mentionnées à l'alinéa précédent ;

3° Les impôts, notamment la contribution économique territoriale, taxes et redevances dont le redevable légal est le bailleur ou le propriétaire du local ou de l'immeuble ; toutefois, peuvent être imputés au locataire la taxe foncière et les taxes additionnelles à la taxe foncière ainsi que les impôts, taxes et redevances liés à l'usage du local ou de l'immeuble ou à un service dont le locataire bénéficie directement ou indirectement ;

4° Les honoraires du bailleur liés à la gestion des loyers du local ou de l'immeuble faisant l'objet du bail ;

5° Dans un ensemble immobilier, les charges, impôts, taxes, redevances et le coût des travaux relatifs à des locaux vacants ou imputables à d'autres locataires.

La répartition entre les locataires des charges, des impôts, taxes et redevances et du coût des travaux relatifs à l'ensemble immobilier peut être conventionnellement pondérée. Ces pondérations sont portées à la connaissance des locataires.

Ne sont pas comprises dans les dépenses mentionnées aux 1° et 2° celles se rapportant à des travaux d'embellissement dont le montant excède le coût du remplacement à l'identique.

Article R145-36 du code de commerce
L'état récapitulatif annuel mentionné au premier alinéa de l'article L. 145-40-2, qui inclut la liquidation et la régularisation des comptes de charges, est communiqué au locataire au plus tard le 30 septembre de l'année suivant celle au titre de laquelle il est établi ou, pour les immeubles en copropriété, dans le délai de trois mois à compter de la reddition des charges de copropriété sur l'exercice annuel. Le bailleur communique au locataire, à sa demande, tout document justifiant le montant des charges, impôts, taxes et redevances imputés à celui-ci. 

Article R145-37 du code de commerce
Les informations mentionnées aux 1° et 2° de l'article L. 145-40-2 sont communiquées au locataire dans le délai de deux mois à compter de chaque échéance triennale. A la demande du locataire, le bailleur lui communique tout document justifiant le montant de ces travaux. 

Deux cas vont se poser à nous : les baux conclus avant le 1er septembre et les baux conclus depuis le 1er septembre 2014. 

1 - Les baux conclus avant le 1er septembre 2014
Avant le 1er septembre 2014, la détermination contractuelle des charges locatives pouvait être radicale en reportant tout sur le locataire ou encore en stipulant un forfait.

Pour la gestion des charges de ces baux, il est nécessaire de se reporter à la lecture du bail lui-même.

Lorsque les charges ne sont pas prévues par le contrat, l’obligation du locataire se limite au paiement du loyer, le bailleur ne pouvant réclamer aucune autre somme que celle prévue au contrat (ce avant et après la réforme.)

D’une manière générale, il était tout à fait possible de prévoir contractuellement le transfert sur le locataire, en tout ou partie, des charges incombant normalement au bailleur : Les grosses réparations, les assurances, les impôts fonciers, la recherche d’amiante, le désamiantage toutes les charges de copropriété… 

Charges courantes et menu entretien 

Elles ne sont récupérables qu’à la condition que le principe de l’obligation du remboursement des charges ait été stipulé au contrat. Le bailleur devra la prévoir au bail, tant en ce qui concerne leur assiette et la clef de répartition entre les locataires que leur périodicité.

En présence d’une énumération limitative figurant au bail, le bailleur ne peut obtenir le remboursement de charges qui n’y sont pas mentionnées et en tout état de cause, elles doivent être justifiées par le bailleur. 

Les grosses réparations 

C’est le contrat qui fait la loi des parties.

Les baux rédigés avant cette date, permettent de transférer l’intégralité des travaux de toutes sortes au preneur à condition que le contrat prévoie expressément le transfert de ces charges.

Mais dans le silence du contrat, il est de règle de faire peser cette dépense sur le bailleur. 

Vétusté 

Aucune des réparations réputées locatives n’est à la charge des locataires, quand elles ne sont occasionnées que par la vétusté ou un cas de force majeure.

La vétusté est définie comme l’état de ce qui est abimé par le temps. La détérioration des lieux loués ne doit pas avoir été provoquée par un usage anormal ou par le fait du locataire. Seul le temps doit avoir provoqué les délabrements constatés.

Cependant, et à l’instar des gosses réparations, le bail pouvait prévoir expressément le transfert des Travaux ; auquel cas, ils sont à la charge du preneur. 

Eu égard à l’activité exercée par l’exploitant des locaux commerciaux 

Celui-ci est soumis à diverses réglementations imposant des normes de conformité. De jurisprudence constante ces travaux imposés par l’administration tiennent de l’obligation de délivrance du bailleur.

Ils ne peuvent être mis à la charge du locataire que par une clause expresse du contrat, à la condition qu’elle soit précise et vise ce type de travaux. 

Impôts et taxes 

Le contrat peut transférer sur le locataire, la totalité des charges afférentes à l’immeuble à condition qu’y figure une clause expresse.

Ainsi, le remboursement de la taxe foncière, de la crl, des taxes sur les bureaux, les locaux commerciaux de stockage ou les surfaces de stationnement devront être explicitement mentionnés. 

2 -Les modifications apportées par la loi « Pinel » 

Inventaire des catégories de charges 

Le contrat de location doit comporter un inventaire précis et limitatif des catégories de charges, impôts, taxes et redevances lés à ce bail (L 145-40-2 du code de commerce).

Ni la loi ni le décret ne définissent les catégories de charges, impôts, taxes et redevances.

Il appartient donc aux parties de faire preuve d’imagination et de procéder par exclusion des charges qui ne sont pas imputables au locataire. 

Les charges non-imputables 

La loi ne définit pas les charges locatives mais elle a posé le principe de la non-imputation au locataire de certaines charges, impôts et redevance.

1°- Les dépenses relatives aux grosses réparations mentionnées à l’article 606 du code civil, ainsi que le cas échéant les honoraires liés à la réalisation de ces travaux. 

Selon l'article 606 du code civil, "les grosses réparations sont celles des gros murs et des voûtes, le rétablissement des poutres et des couvertures entières. Celui des digues et des murs de soutènement et de clôture aussi en entier.Toutes les autres réparations sont d'entretien." 

2°- Les dépenses relatives aux travaux ayant pour objet de remédier à la vétusté ou de mettre en conformité avec la réglementation le bien loué ou l’immeuble dans lequel il se trouve, dès lors qu’il  s’agit des travaux précités. 

3°- Les impôts taxes et redevances dont le redevable légal est le bailleur ou le propriétaire du local ou de l’immeuble.

Au titre des impôts et contrairement à la situation antérieure, l’article R 145-35 exclut expressément que le bailleur puisse refacturer sa propre contribution économique et territoriale à son locataire. Sont visés la cotisation foncière des entreprises et la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. 

En revanche peuvent être imputés aux locataires : 

- La taxe foncière et les taxes additionnelles à la taxe foncière ;

- Les impôts, taxes et redevances liés à l’usage du local ou de l’immeuble ou à un service dont le locataire bénéficie directement ou indirectement, tels la taxe de balayage, la taxe et la redevance d’enlèvement des ordures ménagères, la taxe annuelle sur les bureaux et les locaux commerciaux en région IDF, sur les locaux commerciaux de stockage et sur les surfaces de stationnement en région IDF. 

4°- Les honoraires du bailleur liés à la gestion des loyers du local ou de l’immeuble faisant l’objet du bail.

Devant l’imprécision de cette rédaction, on peut se demander s’il s’agit des honoraires auxquels le bailleur pourrait prétendre, ou s’il s’agit d’un tiers … On attendra que  la jurisprudence  se prononce.

5°- Dans un ensemble immobilier les charges, impôts, taxes et le coût des travaux relatifs à des locaux vacants ou imputables à d’autres locataires. 

Charges légalement récupérables

Les charges, impôts et taxes que le code de commerce autorise à récupérer sur le locataire, et dont le bailleur entend répercuter le cout sur le locataire doivent être clairement mentionnés dans le bail, à peine pour le bailleur de ne pouvoir exiger aucun remboursement à ce titre. 

En conclusion et avant tout contentieux judiciaire, nous rappellerons que l'une ou l'autre des parties au contrat a la possibilité de saisir la commission départementale de conciliation des baux commerciaux compétente en matière de travaux et de charges.

Article rédigé par Jean Pinsolle Membre de la commission départementale des baux commerciaux de Paris et du Val de Marne, expert en évaluation immobilière, dirigeant de Martinez et Associés.

Photo : chagin - Fotolia.com.

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