La route sauvage

Charley Thompson a quinze ans et a appris à vivre seul avec un père inconstant. Tout juste arrivé dans l’Oregon, le garçon se trouve un petit boulot chez un entraineur de chevaux et se prend d’affection pour Lean on Pete, un pur-sang en fin de carrière. Le jour où Charley se retrouve totalement livré à lui-même, il décide de s’enfuir avec Lean on Pete, à la recherche de sa tante dont il n'a qu’un lointain souvenir.  Dans l'espoir de trouver enfin un foyer, ils entament ensemble un long voyage…

Pour son quatrième long métrage, l’auteur et réalisateur anglais Andrew Haigh a choisi d’adapter au cinéma, un roman de l’écrivain Américain, Willy Vlautin. C’est en 2011, peu de temps avant la sortie américaine de Week-end, que Haigh a découvert Lean on Pete – publié en français sous le titre Cheyenne en automne. Le roman partage des thématiques avec ses films : la solitude du personnage principal, les liens inattendus qu’il parvient à créer - notamment avec Lean on Pete, un vieux « quarter horse ». Andrew Haigh a tout de suite vu le potentiel cinématographique du récit : les grands espaces de l’Ouest américain que les personnages traversent, mais aussi la puissance émotionnelle de leur parcours, ainsi que la capacité d’espoir, dans l’adversité, du jeune Charley. Pour Andrew Haigh, il y avait la matière d’une odyssée américaine contemporaine.  

L'adaptation
Ce n’est pas uniquement le folklore des champs de course de seconde zone et de ceux qui les fréquentent qui a attiré Andrew Haigh. La solitude du personnage principal, son désir de liens affectifs, familiaux ou amicaux, fait écho à ses précédents films: la rencontre des deux héros de Week-end, et l’amitié inattendue qui les lie l’espace de quarante-huit heures, les failles qui se créent au cœur du couple de vieux mariés de 45 ans, les relations compliquées du petit groupe de personnages de Looking, la série à laquelle il a participé en tant qu’auteur, producteur et réalisateur - jusqu’à en signer l’ultime épisode sous la forme d’un long métrage pour HBO.

« Il y avait une simplicité dans le roman que je voulais retrouver dans le film, explique Andrew Haigh. Le voyage de Charley n’est pas qu’un classique récit d’apprentissage qui le conduirait vers l’âge adulte. Il y a quelque chose de plus fondamental: ce qui l’entraîne est un besoin désespéré d’appartenance à un foyer, une famille - la quête d’un lieu où il se sentirait protégé.»

Le cinéaste appréciait aussi la façon dont le romancier ne juge ni ne condamne aucun de ses personnages, quels que soient leurs actes. « Il sait que ce sont des gens essayant de garder la tête hors de l’eau et que cet effort a un impact sur leur conduite. C’est vraiment un texte sur la recherche de compassion de la part de ceux qui sont dans le besoin. »

Ce n’est qu’après avoir tourné 45 ans et plusieurs épisodes de Looking qu’Andrew Haigh est parti pour Portland rencontrer Willy Vlautin. Celui-ci lui a montré quelques lieux du roman, notamment le champ de course.

Puis le cinéaste a décidé de suivre la route de Charley et de son cheval: il a traversé l’Oregon, l’Idaho, le Wyoming,l’Utah et le Colorado, s’arrêtant dans de petites villes de l’Oregon comme Tillamook ou Burns, assistant à des courses de chevaux et s’immergeant dans la culture locale.

« J’ai dormi dans les motels nommés dans le roman. J’ai reconnu les lieux que Willy Vlautin avait décrits. J’ai aussi campé, mangé du chili en boîte, pris des centaines de photos. Ce serait ridicule de penser que j’ai pu ressentir ce que Charley éprouve au cours de son voyage, mais les trois mois de “road-trip” m’ont au moins donné une idée du monde que Willy décrit dans ses romans. Les paysages que j’ai traversés sont magnifiques, connaitre le pays tout entier prendrait des années mais cette région a une identité, radicalement différente de l’Europe. Et je peux même dire que l’Utah est très différent du Colorado, que Portland n’a rien à voir, socialement et politiquement, avec l’est de l’Oregon. La diversité est prodigieuse. C’était parfois choquant au cours de mon voyage de voir le patriotisme intense des Américains, même quand leur pays les laisse dans des situations économiques insoutenables. Les gens croient au rêve américain, même si très peu parviennent à le vivre. »

Andrew Haigh a envoyé plusieurs versions du scénario à Willy Vlautin, qui a donné son avis sur la façon dont le cinéaste avait condensé l’histoire, parfois réunissant plusieurs personnages en un seul. « Savoir ce qu’il fallait garder ou enlever était assez difficile, explique Andrew Haigh, et Willy s’est avéré indispensable pour ces choix. Il s’est aussi montré très disponible pour nous donner les contacts des entraîneurs et des jockeys qui travaillent à l’ hippodrome de Portland Meadows. »

Capter la vérité d’une région, voire d’un pays, était essentiel au projet. « Charley est au cœur de l’histoire, explique Tristan Goligher, mais le récit questionne aussi la façon dont la société occidentale abandonne les plus vulnérables. Il a une portée politique. Par ailleurs, l’histoire est contemporaine, mais elle tisse des liens avec le cinéma américain des années 70, des films comme Madacam cow-boy, par exemple. Ce genre de drames n’est plus si fréquent sur les écrans. »

Drame américain d'Andrew Haigh. Grand Prix catégorie fictions du Festival de cinéma de Valenciennes 2018. Flèche de cristal au festival de cinéma européen des Arcs 2017. Prix Marcello Mastroianni du meilleur jeune espoir à la Mostra de Venise 2017. 4 étoiles AlloCiné.


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