L’insulte

A Beyrouth, de nos jours, une insulte qui dégénère conduit Toni (chrétien libanais) et Yasser (réfugié palestinien) devant les tribunaux. De blessures secrètes en révélations, l'affrontement des avocats porte le Liban au bord de l'explosion sociale mais oblige ces deux hommes à se regarder en face...

Entretien avec le réalisateur Ziad Doueiri 

On peut imaginer que le point de départ de L’INSULTE vient d’un constat porté sur la société libanaise…
Non, plus prosaïquement, le point de départ du film est un incident qui m’est arrivé, il y a quelques années, à Beyrouth. J’ai eu une dispute avec un plombier, quelque chose de banal, mais très vite le ton est monté et j’ai eu des mots à son adresse qui sont à peu près ceux du film. L’incident aurait pu être anodin, mais l’inconscient n’est pas anodin : pour qu’on en arrive à ces mots, cela veut dire que l’on a touché à des sentiments intimes, des émotions très personnelles. Joëlle Touma, la coscénariste du film, était présente ce jour-là, elle m’a convaincue de présenter mes excuses. Ces excuses, le plombier ne les a pas acceptées, j’ai fini par aller les présenter chez son patron qui en a profité pour le virer, pour d’autres raisons, et je me suis retrouvé à prendre immédiatement sa défense. J’y ai vu un point de départ intéressant pour élaborer un scénario. 

C’est très concret…
Oui, car j’y ai trouvé immédiatement toutes les dynamiques à partir desquelles se construit une histoire. Ce film s’est bâti ainsi, sur un engrenage. Je commence toujours mes films par une tension, un incident, j’essaye d’en voir les enchaînements. Je pars toujours de mes personnages, qui ils sont au début du film et qui ils deviennent une fois le film terminé. Là, en partant de ce conflit, j’avais deux personnages principaux : Tony et Yasser. Tous deux ont des failles, leur passé respectif présente une série d’obstacles internes. Il y a un climat extérieur chargé, électrique : le personnage de Tony, porte en lui un secret, quelque chose qu’il a vécu et dont personne ne veut parler. C’est tabou, et il ressent cela comme une injustice. Yasser lui aussi rencontre des obstacles : il se méfie, par expérience, de la justice. 

Trente ans après la fin de la guerre civile, où en sont les différents acteurs de la société libanaise ? Arrivent-ils à dépasser les antagonismes qui furent les leurs durant les quinze ans d’une guerre civile commencée en 1975 et terminée en 1990 ?
La guerre du Liban s’est terminée en 1990 sans vainqueurs ni perdants : tout le monde a été « acquitté ». L’amnistie générale s’est transformée en amnésie générale. On a mis la poussière sous le tapis, comme on dit. Mais sans ce travail de mémoire, on ne cicatrisera pas.   

Ce film vous semble compréhensible pour un public non-libanais ?
Oui, car c’est un film à dimension universelle. Yasser et Tony pourrait être d’une autre nationalité, d’un autre pays. Encore une fois, ce film est résolument optimiste et humaniste. Il montre le chemin d’une alternative aux conflits par la voie de la reconnaissance, de la justice et du pardon. 

Film libanais de Ziad Doueiri. Prix de la meilleure interprétation masculine à la Mostra de Venise 2017. 4,2 étoiles AlloCiné. 


Voir toutes les newsletters :
www.haoui.com
Pour les professionnels : HaOui.fr