Gabriel et la montagne

Avant d'intégrer une prestigieuse université américaine, Gabriel Buchmann décide de partir un an faire le tour du monde. Après dix mois de voyage et d'immersion au cœur de nombreux pays, son idéalisme en bandoulière, il rejoint le Kenya, bien décidé à découvrir le continent africain. Jusqu'à gravir le Mont Mulanje au Malawi, sa dernière destination...

 

Entretien avec Fellipe Barbosa, le réalisateur 

Pourquoi avoir voulu retracer le parcours de Gabriel Buchmann ?
Gabriel était un de mes camarades de classe dans le lycée où mon premier film « Casa Grande » se passe. Et c’était mon ami. Il a disparu en août 2009. Son histoire est assez connue au Brésil. Je crois que son optimisme, son sourire sur toutes les photos qui ont été retrouvées de lui ont touché les gens. Son appareil photo fut le point de départ de mes recherches. Il a laissé tellement de questions sans réponses, faire ce film était aussi un moyen de les trouver.

Les mots qu’il emploie dans l’e-mail envoyé à sa famille étaient ceux d’un idéaliste. « Je voyage comme j’ai toujours rêvé, pas de manière touristique... » Le texte était plus long que ce que l’on entend dans le film. Il me fait penser à Candide de Voltaire. C’est un personnage sans cynisme, presque clownesque, qu’on ne voit plus beaucoup au cinéma aujourd’hui.

Il est très rare pour nous, Brésiliens, de voyager en Afrique. Gabriel y cherchait un bien-être qu’il a trouvé et que j’ai retrouvé à mon tour en m’y rendant pour la première fois en 2007, dans le cadre d’un atelier de cinéma organisé par Mira Nair. Ce voyage a changé ma vision du monde. Moi aussi, j’aurais pu être Gabriel

Quelle ambition poursuivait Gabriel en se lançant dans ce tour du monde ?
Il avait pris un congé sabbatique d’un an. Son voyage a commencé à Londres, ont suivi Paris, la Russie, l’Asie, Dubaï, Nairobi. Le film démarre au huitième mois de son voyage. Gabriel étudiait les sciences économiques et voulait effectuer des recherches sur la pauvreté en Afrique. La plupart de ses confrères économistes pensaient que c’était une bêtise d’aller chez les pauvres pour étudier la pauvreté. Selon eux, elle est structurelle, elle se comprend dans les livres. Gabriel, lui, voulait côtoyer les gens. Cette façon de voyager était aussi une manière pour lui de se sentir vivant. Il voulait embrasser le monde. D’un côté, il rencontrait les habitants de ces pays de l’autre, il gravissait des montagnes. Un geste très symbolique de beauté, de paix et de quête de Dieu. Quand je dis Dieu, je pense à une forme de spiritualité. Gabriel cherchait à vivre et il a trouvé la mort. C’est très ironique. Il lui aura fallu mourir pour devenir immortel. J’espère le faire renaître par le biais du cinéma. J’ai d’ailleurs filmé l’ouverture du film comme une résurrection : on découvre le corps sans vie de Gabriel et la scène suivante, il surgit d’un coup dans le cadre. Il renaît.

Derrière l’hommage à votre ami disparu, le film est une comédie grinçante sur l’arrogance du globe-trotter qui croit se fondre dans les cultures locales.
Ce n’était pas mon intention de départ mais c’est le personnage. Tous ceux qui l’ont rencontré vous disent à quel point Gabriel était naïf et arrogant à la fois. C’est une conséquence de notre éducation au sein de la bourgeoisie brésilienne. Une éducation catholique, masculine, qui vous inculque l’idée que vous êtes quelqu’un de spécial, que vous incarnez le meilleur du pays. Néanmoins, Gabriel n’est pas un voyageur comme vous et moi. Il va jusqu’au bout de son ambition, il vit et partage avec des gens très pauvres, il se coupe de tout confort. Il faut un certain courage pour y arriver.

Réciproquement, sa présence importe à ceux qu’il rencontre. On voit sur le visage d’Alex et de ses enfants, au début du film, qu’ils sont heureux de connaître Gabriel. C’est la première fois qu’ils communiquent avec un Mzungu (un blanc au Kenya, ndlr).

Drame brésilien de Fellipe Barbosa. 3,9 étoiles AlloCiné.


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