La démission du dirigeant prend effet dès qu'il en informe la société

A quel moment prend effet la démission d’un dirigeant dont le contrat prévoit un préavis ? Selon la Cou de cassation, si le contrat précise que la démission ne prendra effet qu’à la fin du préavis, ce sont les termes du contrat qui s’appliqueront. Si le contrat ne fait qu’indiquer le dirigeant devra respecter un préavis, la démission prendra effet dès que le dès que le dirigeant l’a portée à la connaissance de la société, et non à la fin du préavis...

Extrait de l’arrêt de la Cour de cassation, chambre commerciale du mercredi 20 septembre 2017.
Pourvoi n° 15-28262. 

« LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : 

Donne acte à la société BTSG, représentée par M. X..., de ce qu'en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Emas Digital, elle reprend l'instance ; 

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Emas Digital que sur le pourvoi incident relevé par M. Y... et la société H8 Invest ; 

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 13 novembre 2011, M. Y... et la société H8 Invest ont cédé à la société Emas, devenue Emas Digital, 83 % des actions de la société AR Technology laquelle détenait les sociétés Autoreflex.com et Etoilecasting.com (le groupe Autoreflex) et, le même jour, signé un contrat d'option de vente et d'achat du solde des actions ; que concomitamment, la société Emas a conclu avec la société H8 Invest un contrat de services et avec M. Y... un contrat de management stipulant un préavis de quatre mois en cas de démission ; que les 18 septembre et 5 novembre 2012, M. Y... s'est démis de ses divers mandats sociaux des sociétés du groupe Autoreflex ; que le 12 novembre suivant, M. Y... et la société H8 Invest ont levé l'option de vente du solde de leurs actions de la société AR Technology ; que se prévalant du non-respect par M. Y... du délai de préavis convenu, la société Emas Digital a contesté la validité de la levée de l'option ; que soutenant que celle-ci avait été régulièrement exercée et que la vente était parfaite, M. Y... et la société H8 Invest l'ont assignée en paiement ; que la société Emas Digital s'est opposée à la demande et, subsidiairement, a sollicité l'indemnisation de son préjudice ; 

Sur le premier moyen du pourvoi principal : 

Attendu que M. X..., ès qualités, fait grief à l'arrêt de dire que la vente du solde des actions de la société AR Technology est intervenue le 12 novembre 2012 et de la condamner à en acquitter le prix alors, selon le moyen : 

1°/ que le paragraphe 6 du contrat de management stipule que la démission de M. Y... de ses fonctions de mandataire de l'une des sociétés du Groupe Etoile, quel qu'en soit le motif, « sera soumise à un préavis de quatre mois » ; qu'il en résulte que les parties au contrat de management étaient convenues de reporter les effets de la démission de M. Y... de ses fonctions de mandataire des sociétés du Groupe Etoile jusqu'à l'expiration du préavis ; qu'en affirmant néanmoins que le paragraphe 6 relatif au préavis de démission stipulé dans le contrat de management ne précisait pas que la démission de M. Y... ne prendrait effet qu'à l'expiration du préavis, la cour d'appel en a dénaturé les termes clairs et précis, en violation de l'article 1134 du code civil ; 

2°/ que le préavis a pour effet de reporter la date d'effet de la rupture ; qu'en décidant que le contrat de management ne précisait pas que la démission de M. Y... ne prendrait effet qu'à l'expiration du préavis, pour en déduire que les parties ne seraient pas convenues de lier la date de levée de l'option à la fin du préavis de démission, bien que la stipulation d'un tel délai de préavis ait eu précisément pour effet de reporter les effets de la démission de M. Y... au terme du préavis, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ; 

3°/ que l'article 3.2 a) de la promesse d'achat et de vente stipule que M. Y... pourra exercer son option dans les trois mois suivant la cessation de son mandat lorsqu'elle intervient avant le 1er janvier 2015 en raison de sa démission ; que le paragraphe 6 du contrat de management stipule que la démission de M. Y... de ses fonctions de mandataire de l'une des sociétés du Groupe Etoile, quel qu'en soit le motif, « sera soumise à un préavis de quatre mois » ; qu'il en résultait que M. Y... ne pouvait exercer son option, pendant une durée de trois mois, qu'au terme du délai de préavis de quatre mois courant à compter de sa démission ; qu'en affirmant néanmoins que la promesse d'achat et de vente ne précisait pas que la démission de M. Y... ne pourrait prendre effet qu'à l'expiration du préavis stipulée dans le contrat de management et qu'aucun élément n'établissait que la commune intention des parties était de lier la date de levée de l'option de vente en cas de mauvais sortant à la fin du préavis de démission, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ; 

Mais attendu qu'après avoir énoncé que la démission d'un dirigeant social constitue un acte juridique unilatéral qui produit ses effets dès qu'il a été porté à la connaissance de la société, qu'il peut être dérogé à cette règle par la commune intention des parties de lier la date d'effet de la démission avec la fin du préavis et, que dans le cas contraire, la méconnaissance de l'obligation de respecter un préavis ouvre seulement droit à dommages-intérêts, l'arrêt constate que la stipulation relative au préavis de démission est incluse dans le contrat de management lequel, s'il fait état des autres contrats signés le même jour, ne précise nullement que la démission ne prendra effet qu'à l'expiration du préavis et que le contrat d'option ne prévoit pas davantage que la démission de M. Y... ne prendra effet qu'à l'expiration du préavis stipulé au contrat de management; que de ces énonciations, constatations et appréciations, la cour d'appel, qui n'a pas dénaturé les termes clairs et précis du contrat de management, a pu déduire que la démission de M. Y... avait pris effet le 5 novembre 2012 et que celui-ci et la société H8 Invest avaient régulièrement procédé à la levée de l'option de vente leur bénéficiant ; que le moyen n'est pas fondé ; 

Sur le second moyen de ce pourvoi : 

Attendu que M. X..., ès qualités, fait grief à l'arrêt de limiter la condamnation indemnitaire de M. Y... et de la société H8 Invest alors, selon le moyen : 

1°/ que les conventions doivent être exécutées de bonne foi ; que l'usage déloyal d'une prérogative contractuelle ou de la substance même du droit engage la responsabilité de son auteur ; qu'en énonçant, pour débouter la société Emas Digital de sa demande tendant à voir condamner M. Y... et la société H8 Invest à l'indemniser du préjudice qu'elle avait subi en raison de leur exécution déloyale de la promesse d'achat et de vente, que M. Y... et la société H8 Invest avaient régulièrement exercé leur option de vente des actions AR Technology qui y était stipulée, bien que l'exercice par ces derniers de leur option de vente n'ait pas été de nature à priver la société Emas Digital de sa demande en réparation tirée d'une exécution déloyale de l'option de vente, la cour d'appel a violé les articles 1134, alinéas 1 et 3, et 1147 du code civil ; 

2°/ que les conventions doivent être exécutées de bonne foi ; que l'usage déloyal d'une prérogative contractuelle ou de la substance même du droit engage la responsabilité de son auteur ; qu'en se bornant à énoncer, pour allouer à la société Emas Digital la seule somme de 250 000 euros à titre de dommages-intérêts, que le non-respect par M. Y... et la société H8 Invest de leur préavis contractuel avait entraîné une certaine désorganisation, dès lors que la société Emas Digital n'avait pu organiser sereinement leur succession dans un contexte où la situation financière des sociétés cédées était mauvaise, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si M. Y... et la société H8 Invest avaient fait un usage déloyal de leur droit tenant à l'exercice de l'option de vente, en méconnaissance du préavis stipulé au contrat de management, et si cet usage déloyal avait causé à la société Emas Digital un préjudice constitué par son obligation d'acquisition des actions au prix stipulé, de sorte qu'ils avaient commis une faute de nature à engager leur responsabilité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134, alinéas 1 et 3, et 1147 du code civil ; 

3°/ qu'en se bornant à énoncer que M. Y... et la société H8 Invest , en exerçant leur option de vente avant le 31 décembre 2014, avaient été pénalisés par la clause de mauvais sortant, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'exercice de leur option de vente avant le 1er janvier 2013 leur avait en réalité permis, sur le fondement de l'article 5.1 de la promesse d'achat et de vente, d'exclure du calcul du prix de cession de leurs actions les comptes de la société AR Technology de l'année 2012 qu'ils savaient catastrophiques, et obtenir ainsi un prix de cession de leurs titres de 2 222 359,75 euros au lieu d'un euro dans l'hypothèse où ils auraient exercé leur option entre le 1er janvier et le 31 janvier 2013, ce dont il résultait que M. Y... et la société H8 Invest n'avaient pas été pénalisés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ; 

Mais attendu que l'arrêt retient, d'abord, que M. Y... et la société H8 Invest ont notifié leur volonté d'exercer leur option de vente dans le délai imparti par l'article 3-2 du contrat d'option d'achat et de vente, de sorte que la vente est devenue parfaite le 12 décembre 2012 ; qu'il retient, ensuite, qu'en y procédant avant le 31 décembre 2014, ces derniers ont été pénalisés par la « clause de mauvais sortant » stipulée dans l'acte et qu'aucune faute ne peut leur être reprochée à cet égard ; qu'en l'état de ces motifs, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder aux recherches devenues inopérantes visées aux deuxième et troisième branches, a pu décider que M. Y... et la société H8 Invest n'avaient pas commis de faute dans l'exercice de leur option ; que le moyen n'est pas fondé ; 

Mais sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en sa première branche : 

Vu l'article 4 du code de procédure civile ; 

Attendu que pour condamner in solidum M. Y... et la société H 8 Invest à payer à la société Emas Digital la somme de 250 000 euros à titre de dommages-intérêts et ordonner la compensation, l'arrêt retient que l'obligation conventionnelle de respecter un préavis peut ouvrir droit à des dommages-intérêts, sauf au dirigeant démissionnaire à établir qu'il était dans l'impossibilité de poursuivre son mandat ; qu'il constate ensuite que M. Y... ne produit aucune pièce probante justifiant de cette impossibilité et qu'il a commis une faute en n'effectuant pas son préavis et qu'il en est de même de la société H 8 Invest qui a mis fin à son contrat de service avant le délai convenu; qu'il retient enfin que le préjudice de la société Emas Digital est constitué par la nécessité de faire face soudainement à la démission de M. Y..., à l'impossibilité d'organiser sereinement sa succession et celle de la société H 8 Invest et par une certaine désorganisation, cependant que la situation financière des sociétés cédées était mauvaise ; 

Qu'en statuant ainsi, alors que la société Emas Digital se bornait à demander, dans ses conclusions d'appel, la réparation d'un préjudice constitué par la différence de prix résultant de l'usage déloyal par M. Y... et de la société H 8 Invest de leur option de vente, et que ces derniers soulignaient dans leurs conclusions que la société Emas Digital ne se prévalait pas d'un préjudice au titre du non-respect de l'obligation de préavis stipulée aux contrats de management et de gestion, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige et violé le texte susvisé ; 

Et vu l'article 627 du code de procédure civile, dont l'application est proposée par les demandeurs au pourvoi incident ; 

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi incident : 

REJETTE le pourvoi principal ; 

Et sur le pourvoi incident : 

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne in solidum M. Y... et la société H 8 Invest à payer à la société Emas Digital la somme de 250 000 euros et ordonne la compensation, l'arrêt rendu le 5 novembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; 

DIT n'y avoir lieu à renvoi ; 

Condamne M. X..., en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Emas Digital, aux dépens ; 

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; 

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; 

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt septembre deux mille dix-sept.

Photo : Pogonici - Fotolia.com.

Pour vous accompagner juridiquement, des avocats :

75007 - ALBERT ASSOCIES AVOCATS http://www.avocat-immobilier.eu
75008 - MARTINET-LONGEANIE LAURENCE http://www.avocat-recouvrement-paris.com
75017 - GORGUET HANS PROVOST AVOCATS ASS. http://www.avocat-fiscaliste-75008-paris.com
75116 - CNB AVOCATS CABINET NOEMIE BIRNBAUM http://www.avocat-droit-social-paris.com
78000 - BVK VERSAILLES 78 AVOCATS ASSOCIES AVOCAT http://www.bvk-avocats-versailles.com


Voir toutes les newsletters :
www.haoui.com
Pour les professionnels : HaOui.fr