L’homme aux mille visages

Francisco Paesa, ex agent secret espagnol, est engagé pour résoudre une affaire de détournement d’argent risquant d’entraîner un scandale d’Etat. L’homme y voit l’opportunité de s’enrichir tout en se vengeant du gouvernement qui l'a trahi par le passé. Débute alors l’une des plus incroyables intrigues politiques et financières de ces dernières années : l’histoire vraie d’un homme qui a trompé tout un pays et fait tomber un gouvernement... 

Quels effets a eu cette affaire sur la culture politique en Espagne ?
Luis Roldán est loin d’être à l’origine de la corruption en Espagne. C’est un problème qui existe depuis des années, et qui reste pleinement d’actualité. En 2012, en travaillant sur le scénario, j’ai dû me familiariser avec un vocabulaire que je ne connaissais pas : sociétés offshore, paradis fiscaux…

En cinq ans, les Espagnols ont eu droit à un cours intensif d’économie parallèle. Si vous sortez dans la rue et vous posez une question économique pointue au premier venu, il saura vous répondre de façon précise… L’Homme aux mille visages est aussi une fresque des derniers jours du gouvernement du socialiste Felipe González, qui sombrait dans des affaires de corruption vers la fin de son mandat. Roldán a-t-il été un bouc émissaire pour que le pouvoir se rachète une crédibilité ? Je ne compte dire qu’une chose : Roldán a purgé la plus longue peine à laquelle un prisonnier puisse être condamné, selon le code civil espagnol. Il n’y a pas eu, jusque-là, un seul homme politique qui ait purgé une peine aussi longue.  

Comment avez-vous enquêté sur cette histoire, qui reste traversée par de nombreux mystères non résolus ?
L’Homme aux mille visages est le seul de mes films tiré d’un fait réel. Et en même temps, c’est celui qui est le plus loin de la réalité. Pendant la phase de documentation du projet, nous nous sommes rendus compte qu’il était impossible d’atteindre une certaine vérité. Nous nous sommes sentis obligés de nous servir de la fiction.

Pour moi, ce film est seulement une thèse sur ce qui s’est vraiment passé. C’est le plus artificiel de mes films, mais c’est voulu. Je voulais rappeler constamment au spectateur que ce qu’il est en train de voir, finalement, ce n’est qu’un film.  

Comme c’était déjà le cas dans La Isla mínima, vous racontez une histoire d’hommes seuls, isolés de leurs familles et de leurs compagnes, avec pas mal de carences affectives…
John Cassavetes avait l’habitude de dire que, depuis L’Odyssée, toutes les histoires parlent d’un homme seul et blessé qui essaye de retrouver le chemin de la maison. Et dans une certaine mesure, je suis d’accord.  

Rétrospective
Novembre 1993 : Eclate le scandale Roldan après la révélation par la presse espagnole de l’augmentation de son patrimoine de 400 millions de pesetas depuis qu’il est chef de la Garde civile. Février 1994 : Roldan s’exprime pour la première fois devant le juge et la commission d’investigation du Parlement.

Avril 1994 : Mandat de recherche et d'arrestation à l’encontre de Roldan. Le Gouvernement reconnaît qu’il a pris la fuite. Démission du ministre de l’Intérieur.

Janvier 1995 : Paesa, inculpé dans l’affaire Roldan pour détournement de fonds publics et corruption. Février 1995 : Roldan est arrêté à l’aéroport de Bangkok. Le Gouvernement a initialement annoncé qu’il fut arrêté au Laos.

Février 1998 : Après un long processus judiciaire, Roldan est condamné à 28 ans de prison. Il sortira de prison en 2010 après avoir accompli 15 ans de peine.

En 1998 : Paesa se fait passer pour mort, mais les autorités espagnoles n’ont jamais cru à cette version. Il réapparaitra des années plus tard à Paris où il vivrait toujours.

Film espagnol d'Alberto Rodriguez. Goya 2017 de la meilleure révélation masculine et de la meilleure adaptation. 3,6 étoiles AlloCiné.


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