Le rosé, premier vin de l’histoire

L’histoire de la vigne se confond avec celle du bassin méditerranéen. Il y a plus d’un million d’années, la vigne y poussait déjà sous forme de lambrusques, lianes sauvages qui n’ont qu’une très lointaine ressemblance avec nos modernes cépages.  Bien que l’on trouve des traces de culture de la vigne datant de fort longtemps (VI  millénaire av. J. C. en Mésopotamie et Espagne par exemple), c’est dans la haute antiquité (III  millénaire av. J. C. environ) que naissent en Mésopotamie, les premières techniques de vinification et surtout la « Culture du Vin »…

Les peintures égyptiennes attestent déjà de l’importance de la vigne à cette époque. Mais c’est la civilisation grecque qui apporte le meilleur éclairage sur les pratiques de l’antiquité. L’usage grec voulait que l’on utilise toute une série de vases (cratère) dont les formes variées correspondaient à l’habitude de mélanger le vin et l’eau ; ces récipients étaient décorés de peintures qui mettaient le plus souvent en scène des satyres chargés de l’élaboration du vin mais aussi d’une part de sa consommation, et parfois Dionysos lui-même.

L’étude des représentations les plus anciennes montre que le vin élaboré alors ne pouvait qu’être de couleur claire puisque le raisin qui est apporté sur le lieu de vinification est soit « foulé », soit pressé directement, le vinificateur recueille immédiatement le jus afin de le faire fermenter « en clair ». Sans cuvaison, il était de fait impossible d’obtenir une couleur rouge soutenue. Ainsi nombre de représentations anciennes (vases, mosaïques, bas-reliefs...) montrent à l’évidence la pratique courante de la vinification en rosé, que ce soit en Égypte, en Grèce ou à Rome.

Une diffusion à la faveur du commerce et des invasions

Le « vinum clarum »

Tout au long de l’antiquité, à la faveur du commerce et parfois des invasions, la connaissance du vin va se répandre sur tout le pourtour du bassin méditerranéen. Ainsi, lorsque 600 ans avant Jésus Christ, les phocéens débarquent sur la côte Provençale, fondent Marseille et essaiment peu à peu dans la région, ils apportent en même temps dans les cales de leurs navires, leur culture du vin et leurs vins de « couleur claire ».

L’extension de l’Empire romain va entraîner celle de la culture du vin et dans les pas des légions romaines, au début de l’ère chrétienne, la vigne se répand en Espagne et en Gaule, jusqu’en des régions très septentrionales.

Durant toute cette période, la vinification qui se faisait essentiellement à base de raisins noirs, reste exempte de macération, les vins étaient donc aussi, comme depuis la haute antiquité, de « couleur claire ». Le jus était en général recueilli après un simple foulage et la pressée était immédiate. Le pressoir était connu depuis longtemps déjà mais c’étaient de lourdes machines, fort onéreuses et peu de caves pouvaient en posséder. Les plus riches, mieux équipés, pouvaient presser à la demande pour les plus modestes, mais moyennant un paiement le plus souvent jugé trop onéreux.

À la chute de l’Empire Romain, l’Église maintient dans ses diocèses, la culture de la vigne et du vin, et répand sa commercialisation. Le vignoble s’étend alors régulièrement partout en Europe, aidé en cela par l’extension des ordres monastiques, friands de ce vin clair dénommé par eux « vinum clarum », et qui deviendra plus simplement « claret » puis « clairet ». D’autres types de vins composaient cependant la palette de l’époque ; le blanc, et le vermeil ou noir, « vinum rubeum », obtenu par une macération plus longue. À noter qu’il semble que, mis à part en Italie, les raisins aient été pendant des siècles, très majoritairement de couleur noire.

Le « Clairet »

À partir du XIII  siècle, la région bordelaise et, dans une moindre mesure, les autres régions de production, établissent avec l’Angleterre et les pays nordiques un fructueux commerce de « claret » ; les domaines importants de l’archevêché de Bordeaux produisaient à cette époque 87 % de clairet pour 13 % de vin rouge (vinum rubeum), et une part tout à fait négligeable de vin blanc. Ces proportions étaient la règle, non seulement dans le bordelais, mais également dans les autres régions viticoles françaises.

La demande de « clairet » est encore en hausse au XVI  siècle, et à cette époque c’est toujours le vin préféré des anglais. Mais il est également très apprécié dans l’Europe du Nord, où l’acheminent les marchands flamands et hollandais qui introduisent à cette époque la pratique du sulfitage. Il faut remarquer qu'à la même époque, les peintres hollandais n’ont représenté dans les carafes et les verres, que du « vin clair ». Les statistiques douanières du port de Bruges révèlent que la consommation de clairet est en Belgique, au XV  siècle et XVI  siècle, de 76 litres par habitant. À Paris, un inventaire de 169 caves de financiers réalisé dans la première moitié du XVII  siècle fait état d’une proportion de 80 % de « clairet ».

Les écrits de médecins renseignent sur la perception que l’on avait des clairets ; on appréciait leur vivacité, leur fraîcheur, on les considérait comme des vins « sains », « nourrissant peu le corps », et destinés aux consommateurs urbains et plutôt aristocrates.

À cette époque, le clairet est fait par « saignée », mais comprend aussi parfois un mélange de raisins blancs et de raisins noirs, puisque l’on considérait alors que complanter des cépages rouges et blancs pouvait à juste titre protéger la récolte des gelées.

C’est en 1682 dans le vignoble d'Argenteuil que l’on note pour la première fois parmi toutes les dénominations désignant les vins clairs, l’apparition du terme « vin rosé ».

Le terme « clairet » a survécu à la généralisation du vin rosé, et reste aujourd'hui une mention traditionnelle dont l'utilisation est protégée pour des vins d'appellation d'origine contrôlée Bordeaux (Bordeaux-clairet) et Bourgogne.

Un tournant majeur fin XVII  siècle
Pendant des siècles, le clairet a dominé largement la production et les échanges, mais, à la fin du XVII  siècle, la demande populaire, surtout à Paris, s’oriente vers les vins plus fortement colorés, plus rudes, plus tanniques, issus d’une macération plus longue que le clairet. Ces vins, qui existaient depuis plusieurs siècles mais dont la demande ne s’était pas exprimée jusqu’alors, sont désormais considérés comme « plus nourrissants » , propres aux travailleurs manuels auxquels ils sont censés donner de la force. Ils sont le plus souvent élaborés en basse Bourgogne, Béarn, Gaillac, Cahors, ou Espagne. Au fil des décennies, ils seront appelés « vins noirs » ou « vins vermeils », puis tout simplement « vins rouges ».

Au XVIII  siècle, dans toutes les régions de production, la durée de cuvaison augmente donc peu à peu, et les moûts restent sur les marcs ; la couleur du vin évolue du rosé vers le rouge, alors que s’amorcent en France les mouvements sociaux qui conduiront la bourgeoisie à supplanter l’aristocratie. Rien ne permet aujourd’hui d’établir un parallèle entre ces deux évolutions, mais la coïncidence est troublante.

En Angleterre également, la demande s’oriente vers les « news french clarets » qui sont bien loin des vins désignés auparavant sous le terme de « clarets », puisqu’ils sont beaucoup plus fortement colorés. Par la suite, l’Angleterre conservera cependant le terme de « claret » mais comme synonyme de « vins de Bordeaux » alors que le terme de « rosés » se généralisera partout ailleurs en Europe.

Au XIX  siècle, l’ensemble des vins de couleur claire s’est effacé au profit du rouge. À l’aube du XX  siècle, les replantations consécutives à la crise du phylloxéra confirment la tendance ; les cépages les plus utilisés sont ceux qui produisent des raisins particulièrement colorés.

À cette époque, après avoir pendant des siècles dominé à plus de 80 % la production et la consommation, le clairet et l’ensemble des vins que l’on range désormais sous le vocable « vins rosés », sont réduits à moins de 10 % du marché. Le changement s’est opéré en un siècle, et même si la majorité des vignobles en produisent un peu, la production véritable se cantonne désormais à quelques régions de France et d’Espagne.

En 1936, sur le territoire français, la migration touristique annuelle vers le sud, provoquée par l’accès aux congés payés d’une part de la population va redonner quelques couleurs au marché du rosé . , mais il faudra attendre le début du XXI  siècle pour que, après une profonde mutation qualitative, le rosé retrouve le chemin des goûts et des tendances de la consommation.

Texte sous licence CC BY-SA 3.0. Contributeurs, ici. Photo : Tableau de Louis Le Nain, le repas de paysans, 1642.

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