Un dirigeant est indemnisé pour révocation déloyale

Le président d’une société est révoqué par une décision d’assemblée générale. Si la révocation du dirigeant à tout moment et sans motif était prévu dans les statuts, le Cour de cassation l’a toutefois jugée déloyale : le vote ayant aboutit à la révocation s’était en effet  basé sur un rapport ne reflétant pas la réalité. Le dirigeant a donc obtenu des dommages et intérêts...

Extrait de l’arrêt de la Cour de cassation, civile, Chambre commerciale du 22 novembre 2016. Pourvoi n° 15-14911. 

« LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : 

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Cube Energy (la société Cube) est une société en commandite par actions dont l'associé commanditaire est la société Cube infrastructes Fund SICAV-SIF et l'associé commandité gérant la société Natixis environnement infrastructure Luxembourg (la société NEIL) ; que la société NEG, dont les statuts prévoyaient que son président était révocable à tout moment sans que cette décision ait à être motivée, avait pour associés les sociétés Cube et Seem, et pour président M. X...; qu'un désaccord étant survenu entre les sociétés Seem et NEIL, M. X..., révoqué par décision d'une assemblée générale convoquée par la société NEIL, a assigné les sociétés NEG, devenue Idex Infra, Cube et NEIL en réparation du préjudice résultant pour lui des circonstances de sa révocation ; 

Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches : 

Attendu que les sociétés Idex Infra et Cube font grief à l'arrêt de condamner la société NEG à payer des dommages-intérêts à M. X..., de condamner la société Cube à garantir en totalité la société NEG de cette condamnation et de rejeter toute autre demande alors, selon le moyen : 

1°/ que la simple circonstance que, dans le cadre d'un débat judiciaire sur la qualification de « faute grave » d'un dirigeant révoqué, la société auteur de la révocation énonce des griefs différents de ceux ayant pu motiver, à l'époque, la décision de révocation prise par l'assemblée générale, n'est pas de nature, en soi, à permettre de qualifier de « brutale » ladite révocation ; qu'au cas présent, la société NEG avait décidé la révocation de M. X... sur la base d'un rapport comportant un certain nombre de griefs, et que la société NEG avait ensuite complété ou fait évoluer son analyse du comportement de M. X..., au moment d'obtenir, judiciairement, la qualification de « faute grave » ; que la cour d'appel a cru pouvoir déduire de la différence existant, prétendument, entre les griefs contenus dans le rapport et ceux discutés au titre de la faute grave (assignation du 4 octobre 2011 à l'instigation de M. X..., via la Seem, contre l'exposante ; renouvellement du bail commercial Senepart/ Enerpart), l'idée que « le vote sur la révocation de M. X... a été obtenu sur le fondement d'un rapport ne correspondant pas à la réalité et sur lequel il n'a pu dans le détail s'expliquer puisqu'il comportait des points qui ne lui avaient pas été préalablement annoncés », ce qui ouvrirait la voie à la qualification de « révocation brutale » ; qu'en statuant ainsi, cependant que le fait que la société qui révoque un dirigeant évolue dans son analyse ne rend pas rétroactivement brutale la révocation, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1147 du code civil, ensemble les articles L. 227-1 et L. 227-5 du code de commerce ; 

2°/ que la révocation du dirigeant d'une société par actions simplifiée intervient dans les conditions prévues par les statuts ; qu'au cas présent, les statuts de la société NEG stipulaient, ainsi que le relève la cour d'appel, que la révocation de M. X... pouvait être décidée ad nutum ; qu'en l'espèce, appelée à déterminer si la révocation avait été brutale, la cour d'appel a cru pouvoir rechercher quelle avait été la « réalité » des motifs de la révocation de M. X... ; que la cour d'appel a encore indiqué plus loin que l'un des motifs invoqués dans le rapport présenté à l'assemblée appelée à voter la révocation (lancement, le 4 octobre 2011, de l'assignation par la Seem dirigée par M. X..., contre la société Cube, actionnaire principal de NEG), ne correspondrait pas à une analyse juridique parfaitement rigoureuse, M. X... n'étant pas, techniquement, l'auteur de l'assignation ; qu'en statuant ainsi, cependant que la « réalité » visée était indifférente, de même que la possibilité d'imputer en droit à M. X... l'assignation du 4 octobre 2011, la cour d'appel a violé l'article 1134, ensemble les articles L. 227-1 et L. 227-5 du code de commerce ; 

Mais attendu que l'arrêt retient que le vote sur la révocation de M. X... a été obtenu sur le fondement d'un rapport ne correspondant pas à la réalité puisque les sociétés Idex infra et Cube n'invoquent plus que deux griefs dont l'un est nouveau et l'autre a été découvert après le départ de l'intéressé de sorte que ce dernier n'a pu s'expliquer sur les points qui ne lui avaient pas été préalablement annoncés ; que de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu déduire que la révocation était intervenue sans respecter l'obligation de loyauté dans l'exercice de ce droit ; que le moyen n'est pas fondé ; 

Mais sur le premier moyen, pris en sa troisième branche : 

Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ; 

Attendu que pour retenir que la révocation de M. X... était intervenue dans des conditions vexatoires et condamner la société NEG à payer à ce dernier la somme de 250 000 euros à titre de dommage-intérêts, avec la garantie de la société Cube, l'arrêt retient que le représentant de la société Cube, actionnaire majoritaire, a pris le pouvoir, tant au moment de l'envoi de la convocation que lors de la tenue de l'assemblée, malgré la présence du président non encore révoqué, sans y être contraint par le comportement de M. X... puisque la loi offre la possibilité de sortir de l'impasse existante par une voie de droit ; 

Qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à caractériser les circonstances vexatoires de la révocation de M. X..., la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ; 

Et attendu que le montant des dommages-intérêts alloués à M. X... ayant été fixé en considération des deux manquements, la cassation sur le caractère vexatoire de la révocation entraîne, par voie de conséquence, la cassation du chef du dispositif portant condamnation au paiement de dommages-intérêts ; 

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : 

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la demande de M. X... d'annulation des délibérations prises au cours de l'assemblée générale du 19 octobre 2011, l'arrêt rendu le 12 février 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ; 

Condamne M. X... aux dépens ; 

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer la somme globale de 3 000 euros aux sociétés Idex Infra et Cube Energy ; 

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; 

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille seize. »

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