En cas de salaire exorbitant, le préjudice subit par la société ne concerne que l’excès de rémunération versé...

Le mandataire liquidateur d’une société placée en liquidation judiciaire attaque son directeur financier en qualité de gérant de fait pour abus de biens sociaux et demande le remboursement intégral des salaires perçus jugés exorbitants au regard des possibilités financières de la société. La Cour d’appel lui donne raison mais la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel relatif au montant à rembourser. En effet, selon la Cour, le préjudice à rembourser ne concerne que l’excès de rémunération versée. Il ne peut donc pas être égal à la totalité des salaires perçus...

 

Arrêt de la Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle du 7 décembre 2016.
Pourvoi  n° 15-86731. 

« LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par : 

- M. Gérard X..., 

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 5e chambre, en date du 13 octobre 2015, qui, pour abus de biens sociaux, l'a condamné à un an d'emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils ; 

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 26 octobre 2016 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme de la Lance, conseiller rapporteur, M. Soulard, conseiller de la chambre ; 

Greffier de chambre : Mme Guichard ; 

Sur le rapport de Mme le conseiller DE LA LANCE, les observations de la société civile professionnelle FABIANI, LUC-THALER et PINATEL, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général GAILLARDOT ; 

Vu le mémoire produit ; 

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6, § 2, de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 242-6, 3°, du code de commerce, 1382 du code civil, préliminaire et 593 du code de procédure pénale ; 

en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable d'abus de biens sociaux, condamné ce dernier à une peine d'emprisonnement d'un an assortie du sursis et, sur l'action civile, l'a condamné à payer à M. Y...ès qualité les sommes de 113 578 euros et 31 000 euros ; 

aux motifs que M. X... rappelle que son salaire de 5 400 euros brut par mois plus une commission de 4 % du chiffre d'affaires hors taxe a été convenu par son contrat de travail conclu avec la présidente du conseil d'administration ; qu'il admet cependant que ces salaires dépassaient les possibilités financières de la société compte tenu notamment du paiement, dès les premiers mois, d'une prime exceptionnelle sur l'activité et du très faible chiffre d'affaires réalisé par la suite ; que si les premières factures payées par M. X... en qualité de directeur administratif et financier de la société coopérative GEF pour la rémunération des prestations fournies par la société Progelis dont il est, par ailleurs, actionnaire sont justifiées, il n'en va pas de même pour les périodes suivantes ; qu'en effet, aucun justificatif n'est fourni à l'appui des règlements ultérieurs que la simple application du contrat ne peut expliquer ; 

1°) alors que l'abus de biens sociaux suppose que l'acte incriminé puisse être imputé au dirigeant ; qu'après avoir constaté que la rémunération perçue par M. X... correspondait à la somme initialement prévue par son contrat de travail conclu avec la présidente du conseil d'administration, ce dont il résultait qu'il ne s'était pas lui-même octroyé sa rémunération et n'avait, dès lors, pas été l'auteur de l'usage des fonds de la société coopérative GEF, la cour d'appel ne pouvait retenir la culpabilité de M. X... à ce titre ; 

2°) alors qu'en ne caractérisant pas la mauvaise foi de M. X... dans la perception de sa rémunération, la cour d'appel n'a pas légalement justifié son arrêt ; 

3°) alors que la preuve de l'abus de biens sociaux incombe à la partie poursuivante ; qu'en retenant qu'il n'est produit aucun justificatif justifiant les versements effectués par la société coopérative GEF à la société Progelis, quand il appartenait à la partie poursuivante d'établir l'absence de prestation réelle de la société Progelis, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve ; 

4°) alors qu'après avoir limité la période de prévention à la seule période du 11 avril 2002 au 31 juillet 2003, la cour d'appel ne pouvait, en l'état de factures établies par la société Prolegis sur la période de janvier 2002 à août 2003 pour un montant total de 31 000 euros, retenir que les premières factures payées par M. X... pour la rémunération des prestations fournies par la société Progelis sont justifiées mais qu'il n'en va pas de même pour les périodes suivantes, sans autrement s'en expliquer ; 

5°) alors que le préjudice de la société Coopérative GEF ne pouvait correspondre qu'à l'excès de rémunération perçue par M. X... ; qu'en condamnant ce dernier à verser la somme de 113 578 euros, correspondant à l'intégralité des salaires qu'il avait perçus, la cour d'appel a indemnisé davantage que le préjudice subi ; 

Sur le moyen pris en ses quatre premières branches : 

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, et sans inverser la charge de la preuve, répondu aux chefs péremptoires des conclusions régulièrement déposées devant elle et caractérisé, en tous ses éléments, tant matériel qu'intentionnel, le délit d'abus de biens sociaux dont elle a déclaré le prévenu coupable ; 

D'où il suit que le moyen, en ses quatre premières branches, revient à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus ; 

Mais sur le moyen pris en sa cinquième branche : 

Vu les articles 2 et 3 du code de procédure pénale, ensemble l'article 1382 du code civil ; 

Attendu que le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties ; 

Attendu que l'arrêt attaqué, après avoir déclaré M. X..., en sa qualité de gérant de fait, coupable d'abus de biens sociaux au préjudice de la société coopérative GEF, notamment pour avoir perçu, en sa qualité de directeur administratif et financier, des salaires exorbitants au regard des possibilités financières de l'entreprise, l'a condamné à payer au mandataire liquidateur de cette société, partie civile, la somme de 113 578 euros correspondant à l'intégralité des salaires perçus ; 

Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que le préjudice subi ne pouvait être supérieur à l'excès de rémunération versée, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés et du principe ci-dessus énoncé ; 

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ; 

Par ces motifs : 

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 13 octobre 2015, mais en ses seules dispositions civiles ayant condamné M. X... à payer à la partie civile la somme de 113 578 euros pour prélèvement de salaires exorbitants, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; 

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée, 

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; 

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ; 

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le sept décembre deux mille seize ; 

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.

Photo : Kzenon - Fotolia.com.

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