Caution : proportionnalité du cautionnement et caution avertie

Un gérant se porte caution solidaire d'un prêt souscrit au nom de sa société avec la garantie partielle d'Oséo. Suite à la mise en liquidation judiciaire de sa société, le gérant est assigné en exécution de son engagement.  Au tribunal, il conteste sous deux motifs : le caractère disproportionné du cautionnement par rapport à ses biens et revenus et met également en avant sa qualité de caution non avertie. La Cour de cassation lui donne tort sur les deux tableaux. Il possédait en effet un appartement en indivision qui pour lui était insaisissable du fait des conditions générales de la garantie partielle d'Oséo. Mais selon la Cour, ces conditions générales ne rendaient pas son bien insaisissable mais ne faisaient que limiter les mesures d'exécution forcée. La valeur de ce bien pouvait donc entrer dans le calcul des ressources disponibles en paiement de la dette contractée. Il n'y avait donc pas disproportion entre le cautionnement et ses biens et revenus. Pour le second motif, la Cour le rejette également, car le gérant de part son parcours professionnel passé nécessitant des compétences techniques, commerciales et financières ne pouvait être considéré comme caution non avertie...

Extrait de l’arrêt de la Cour de cassation, civile, Chambre commerciale du 18 janvier 2017.
Pourvoi n° 15-12723. 

« LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : 

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 31 juillet 2014), que M. X... a acquis en 2005 la majorité des parts de la société Frigestion, société holding propriétaire de 100 % des actions de la société Crigent ; que par acte du 30 juin 2005, la société Frigestion, représentée par M. X..., son gérant, a emprunté la somme de 460 000 euros auprès de la société Crédit coopératif (le Crédit coopératif), avec la garantie partielle de la société Oséo et celle de M. X... en qualité de caution solidaire à concurrence de 92 000 euros ; que la société Frigestion ayant été mise en liquidation judiciaire le 25 février 2010, le Crédit coopératif a assigné M. X... en exécution de son engagement ; 

Sur le premier moyen : 

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au Crédit coopératif la somme principale de 92 000 euros alors, selon le moyen : 

1°/ que les juges du fond ne peuvent dénaturer les conclusions des parties ; qu'en affirmant, pour exclure toute disproportion de l'engagement de caution, que M. X... ne contestait pas percevoir des revenus nets mensuels de 3 000 euros au moment où il a souscrit son engagement de caution et faisait seulement état d'une période de chômage antérieure, quand, au contraire, celui-ci avait clairement indiqué qu'il était au chômage depuis 2002 et qu'il percevait, à ce titre, des indemnités mensuelles d'un montant de 1 655, 40 euros, y compris lorsqu'il a, en 2005, fait l'acquisition de la société Crigent, acquisition à l'issue de laquelle il a procédé à l'emprunt litigieux, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ; 

2°/ qu'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ; qu'en se fondant sur la circonstance que M. X... était propriétaire en indivision d'un bien immobilier, pour exclure toute disproportion de son engagement de caution, au prétexte que ce bien constituait un élément de patrimoine pouvant répondre des dettes, après avoir pourtant constaté qu'un tel bien, qui constituait sa résidence principale, était, aux termes des conditions générales de l'assurance attachée au prêt litigieux, insaisissable par la banque pour le recouvrement de la créance garantie, ce dont il résultait que le bien devait être nécessairement exclu de l'assiette d'évaluation de la capacité contributive de la caution, la cour d'appel a violé l'article L. 341-4 du code de la consommation ; 

Mais attendu, d'une part, que c'est sans méconnaître l'objet du litige que l'arrêt constate que M. X... n'a pas contesté que, dans la fiche de renseignements patrimoniaux qu'il avait signée et dont il avait certifié la sincérité, il avait déclaré des revenus mensuels de 3 000 euros ; 

Et attendu, d'autre part, que l'arrêt relève que l'article 10 des conditions générales de la garantie Oséo liant cette société au Crédit coopératif stipule que « le logement servant de résidence principale au Bénéficiaire, s'il s'agit d'un entrepreneur individuel, ou aux dirigeants sociaux qui animent effectivement l'entreprise si le Bénéficiaire est une société, ne peut en aucun cas faire l'objet d'une hypothèque conventionnelle ou judiciaire en garantie du crédit ni d'une saisie immobilière pour le recouvrement de la créance garantie » ; que l'arrêt retient encore que cette garantie du prêt par la société Oséo a été consentie au Crédit coopératif sous la condition du cautionnement solidaire de M. X... et que le bien immobilier déclaré dans la fiche de renseignement constitue un élément de patrimoine pouvant répondre des dettes à concurrence des engagements de caution de M. X... ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, desquelles il résulte que l'article 10 des conditions générales de la garantie de la société Oséo avait pour seul objet d'interdire au Crédit coopératif le recours à certaines procédures d'exécution forcée sans modifier la consistance du patrimoine de la caution pouvant être prise en compte, la cour d'appel a exactement retenu que cette interdiction était sans influence sur l'appréciation de la proportionnalité du cautionnement ; 

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; 

Et sur le second moyen : 

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de paiement de dommages-intérêts alors, selon le moyen, que doit être considérée comme une caution non avertie, à l'égard de laquelle l'établissement prêteur est débiteur d'une obligation de mise en garde, la caution qui ne dispose pas des compétences lui permettant de mesurer les risques encourus par son engagement ; qu'en déduisant des seules compétences techniques et commerciales de M. X... et de sa qualité de dirigeant de la société débitrice principale celle de caution avertie, sans rechercher si celui-ci disposait des compétences lui permettant de mesurer les risques encourus par les cautionnements auxquels il s'engageait à titre personnel, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1147 du code civil ; 

Mais attendu que l'arrêt retient que le parcours professionnel de M. X... démontre qu'il a assumé des fonctions de responsabilité nécessitant des compétences techniques et commerciales, qu'il a suivi une formation spécifique à la reprise d'entreprise, qu'il s'est personnellement chargé de la constitution et du suivi des dossiers de financement en vue de l'opération de reprise complexe qu'il a montée ainsi que des négociations nécessaires à l'obtention des financements ; qu'en l'état de ces motifs, dont elle a déduit que M. X... était une caution avertie, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ; 

PAR CES MOTIFS : 

REJETTE le pourvoi ; 

Condamne M. X... aux dépens ; 

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à la société Crédit coopératif la somme de 3 000 euros ; 

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit janvier deux mille dix-sept.

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