La responsabilité de l'expert-comptable exonérée pour une TVA non régularisée

Un pharmacien fait réaliser des travaux dans ses locaux destinés à un usage professionnel et d'habitation  pour lesquels son expert-comptable déduit la TVA. Lors d’un contrôle après cession, l’administration fiscale redresse le pharmacien estimant que les travaux effectués constituaient des travaux immobiliers et non d’agencement et auraient du entrainer une régularisation de la TVA. Le pharmacien attaque son expert-comptable mais la Cour de cassation rejette sa demande de réparation au motif que le préjudice invoqué par le pharmacien n’est pas la conséquence directe de la faute de son expert comptable dès lors que la TVA omise était un impôt légalement du...

Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 25 janvier 2017, 15-23.460, Inédit
N° de pourvoi 15-23460

« LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen, pris en ses première, deuxième, quatrième et cinquième branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 11 juin 2015), que M. X..., qui exploitait une officine de pharmacie, a acquis trois biens immobiliers dans lesquels il a fait procéder à des travaux en 1990 et 2004 afin de créer des locaux professionnels et d'habitation, lesquels ont donné lieu à déduction de TVA ; que, par actes des 1er et 19 décembre 2008, M. X... a cédé son officine et l'ensemble des biens immobiliers ; que la société d'expertise-comptable Solidec, chargée d'une mission de présentation des comptes annuels de M. X... ainsi que de l'établissement des déclarations fiscales, n'a procédé à aucune régularisation de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) lors de la déclaration de cette taxe au titre de l'année 2008, estimant que les travaux réalisés en 2004 devaient être considérés comme des travaux d'agencement ; que l'administration fiscale, contestant la nature de ces travaux et la période durant laquelle ceux-ci devaient faire l'objet d'une régularisation de TVA, a notifié à M. X... une proposition de rectification au titre de cette taxe, puis un avis de mise en recouvrement ; qu'estimant que ce redressement résultait des manquements contractuels de la société Solidec à ses obligations, M. X... l'a assignée en réparation ;

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande alors, selon le moyen :

1°/ que l'expert-comptable, à qui incombe la charge de la preuve de l'exécution de son devoir de conseil, est tenu d'informer personnellement son client sur les différentes options qui sont à sa disposition en matière fiscale et de l'éclairer sur leurs avantages et inconvénients respectifs notamment en cas de vente immobilière ; qu'en l'espèce, M. X... faisait valoir que la société Solidec était depuis 2003 au moins chargée d'établir ses déclarations fiscales, et il était acquis qu'une lettre de mission avait été signée le 14 décembre 2005 ; qu'il incombait donc à la société Solidec de rapporter la preuve qu'elle avait conseillé M. X... sur les options s'offrant à lui quant à la qualification fiscale des travaux réalisés en 2004 (agencement ou construction) et des conséquences de cette qualification quant au régime de TVA applicable notamment en cas de cession de l'immeuble concerné ; qu'en écartant toute responsabilité de la société Solidec au prétexte que M. X... n'apportait pas la preuve qu'elle avait été consultée à l'occasion de la cession immobilière, réalisée en décembre 2008, dans le cadre de laquelle la TVA aurait pu être refacturée au cessionnaire si les travaux avaient été correctement qualifiés, quand il appartenait au contraire à la société Solidec d'établir qu'elle avait fourmi à son client toutes les informations, relatives notamment au régime fiscal applicable aux travaux, lui permettant, le moment venu, de faire un choix éclairé à l'occasion de la cession de ses biens, la cour d'appel a violé les articles 1147 et 1315 du code civil ;

2°/ que l'expert-comptable est tenu d'informer personnellement son client sur les différentes options qui sont à sa disposition en matière fiscale et de l'éclairer sur leurs avantages et inconvénients respectifs notamment en cas de vente immobilière ; qu'en l'espèce, comme le faisait valoir M. X..., preuves à l'appui, la société Solidec, son expert-comptable avec qui il était lié par une lettre de mission datée du 14 septembre 2005, était parfaitement informée de ses projets immobiliers et des actes conclus fin 2008, et aurait dû correctement le conseiller sur la qualification des travaux réalisés antérieurement ainsi que sur leur implication fiscale en cas de cession ; qu'en écartant la responsabilité de l'expert-comptable, après avoir pourtant constaté que la société Solidec avait reconnu s'être méprise sur la nature des travaux effectués par l'exposant, au prétexte que l'expert-comptable n'avait nullement été contacté à l'occasion de la cession, la cour d'appel, qui a statué par un motif impropre à écarter sa responsabilité pour manquement à son devoir de conseil à l'égard du client, a violé l'article 1147 du code civil ;

3°/ qu'en écartant la responsabilité de la société Solidec au prétexte que l'impossibilité de procéder une déclaration rectificative et de tenter une refacturation auprès du cessionnaire résultait de l'absence de disposition en ce sens dans l'acte notarié, antérieur à l'erreur de la société Solidec, quand M. X... faisant valoir que correctement conseillé par son expert-comptable sur la nature des travaux antérieurement à la cession, il aurait pu refacturer la TVA au cessionnaire dans l'acte de cession, la cour d'appel a statué par un motif impropre à écarter tout lien de causalité entre les manquements de l'expert-comptable à son devoir de conseil, dûment caractérisés, et le préjudice subi par M. X..., en violation de l'article 1147 du code civil ;

4°/ qu'en affirmant qu'un impôt ne peut constituer un préjudice susceptible de réparation, quand M. X... faisait valoir que constitue un préjudice réparable qui trouve sa source dans le manquement de l'expert-comptable à son devoir de conseil, l'impossibilité pour le cédant d'une officine de pharmacie de pouvoir refacturer auprès du cessionnaire la TVA due à l'administration fiscale, permettant de réaliser une opération neutre pour lui, la cour d'appel, qui avait pourtant constaté que M. X... était redevable d'une somme de 26 659 euros au titre du redressement de TVA, a statué par un motif inopérant et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;

Mais attendu qu'après avoir relevé qu'il résultait de la lettre de mission signée par M. X... que ce dernier avait confié à la société Solidec une mission de présentation des comptes annuels et d'établissement des déclarations fiscales afférentes à ces comptes, exclusive d'une obligation de conseil sur l'opération immobilière litigieuse, l'arrêt retient que si la société Solidec a commis une erreur sur la déclaration de TVA pour l'année 2008 en considérant que les travaux réalisés par M. X... en 2004 étaient des travaux d'agencement, soumis à une régularisation de cette taxe sur une période de cinq ans, M. X... ne démontre pas que, mieux informé, il n'aurait pas été exposé au paiement de la taxe dès lors qu'il s'agissait d'un impôt dû auquel il ne pouvait se soustraire et que les stipulations de l'acte de cession, établi postérieurement à la déclaration litigieuse, excluaient toute possibilité de recouvrement a posteriori par M. X... de la taxe auprès de son cessionnaire ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, rendant inopérants les griefs des deux premières branches, la cour d'appel a exactement déduit que le préjudice invoqué par M. X... n'était pas la conséquence directe de la faute de l'expert-comptable ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le premier moyen, pris en ses troisième, sixième et septième branches, et le second moyen, réunis :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à la société Solidec la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq janvier deux mille dix-sept.

Photo : Kzenon - Fotolia.com.

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