|
Noces Zahira, belgo-pakistanaise de dix-huit ans, est très proche de chacun des membres de sa famille jusqu’au jour où on lui impose un mariage traditionnel. Ecartelée entre les exigences de ses parents, son mode de vie occidental et ses aspirations de liberté, la jeune fille compte sur l’aide de son grand frère et confident, Amir...
Entretien avec Stephan Streker, le réalisateur Comment définiriez-vous Noces ? Qu’est-ce qui vous a guidé dans l’écriture du scénario ? Vous avez enquêté longuement dans ce milieu ? Ce sont mes coproducteurs mais aussi les Pakistanais de Belgique qui m’ont permis de ne pas rester à la surface du sujet et de creuser en profondeur les faits et les personnages. On avait d’ailleurs en permanence sur le plateau une consultante pakistanaise qui m’a accompagné de la préparation jusqu’au dernier jour du tournage. Elle m’a permis d’être précis jusque dans les moindres détails, des tenues vestimentaires aux coiffures mais surtout en passant par la manière de parler. Comment une fille s’adresse à son père, à sa mère, etc. ? Quand parle-t-on français ? Quand passe-t-on au ourdou? Le mariage via Internet qu’on voit dans le film est ainsi totalement fidèle à la réalité. L’imam qu’on voit dans Noces est, dans la vie, un « vrai » imam pakistanais. Anecdote amusante et qui nous a tous rendus assez fiers: ce n’est qu’à la fin de sa journée de tournage que l’imam a compris que les acteurs qui jouaient la scène du mariage n’étaient pas tous pakistanais. C’était une sorte de preuve ultime que, de ce point de vue-là, on avait tous bien travaillé. Avez-vous ressenti une responsabilité à embrasser un sujet aussi inflammable que le mariage forcé dans la société d’aujourd’hui, si sensible sur les questions de religion ? Comprendre ne veut bien sûr pas dire excuser ou diminuer les responsabilités. Mais il me paraissait important de montrer cette histoire d’aujourd’hui par le biais du cinéma avec, à l’esprit, l’espoir que les gens puissent être émus par ce qu’ils vont voir. Il fallait surtout ne pas faire un film à charge d’une communauté. Souvenons-nous qu’il existait nombre de mariages arrangés dans la France du début du xxe siècle. Et que les choses ont, depuis lors, évolué. C’est pour ça que j’ai bon espoir que les choses évoluent. En ce sens, Zahira est vraiment une héroïne de 2017, une Antigone de son époque. Comme Antigone, elle dit « non ». Zahira est un personnage riche de deux cultures qui ne s’annulent pas mais qui s’additionnent. Elle vit dans une famille aimante mais dans laquelle apparaissent des enjeux qui sont au-dessus de tout, même au-dessus de l’amour. Et c’est sans doute aussi cela qui surprend : il peut y avoir des forces supérieures encore à l’amour et qui emportent tout... En cela, je pense que Noces dépasse son sujet et traite de quelque chose qui a un rapport très puissant avec ce que nous sommes en train de vivre aujourd’hui. J’ajoute que la problématique évoquée dans Noces n’est pas une problématique liée à la religion. Elle est liée à la tradition, à l’honneur et surtout à la valeur ultime: sauver les apparences. C’est la tradition que Zahira rejette et certainement pas sa religion. La preuve, on la voit prier dans le film, à un instant où elle est en rupture totale avec sa famille. Elle a rejeté la tradition mais a emporté sa religion, sa foi avec elle. Drame de Stephan Streker. 3,9 étoiles AlloCiné. Voir toutes les newsletters : www.haoui.com Pour les professionnels : HaOui.fr |