Les filles d’avril

Valeria est enceinte, et amoureuse. A seulement 17 ans, elle a décidé́ avec son petit ami de garder l'enfant. Très vite dépassée par ses nouvelles responsabilités, elle appelle à l'aide sa mère Avril, installée loin d'elle et de sa sœur. À son arrivée, Avril prend les choses en mains, et remplace progressivement sa fille dans son quotidien. Jusqu'à franchir la limite....  

Entretien avec Michel Franco, le réalisateur 

Comment est née l'idée du film ?
Elle m'est venue de deux observations. La première remonte à quelques années déjà, j'ai vu une adolescente enceinte, un spectacle très courant dans les rues de Mexico, mais qui m'a provoqué une émotion contradictoire. Cette jeune fille a vraiment attiré mon attention, elle semblait à la fois comblée et souffrir le martyre, pleine d’espoir mais également terrorisée… On la voyait belle et heureuse, mais ça ne compensait pas l'incertitude de son avenir et on se demandait dans quelle mesure elle était préparée à affronter ce que signifie avoir un enfant, comment elle en était arrivée là.

Ces contrastes, toutes ces émotions que cette adolescente exprimait en même temps, furent l’une des bases de l'histoire. Je suis par ailleurs fasciné par les relations conflictuelles que tant de parents ont avec leurs propres enfants ; ils refusent d’accepter le temps qui passe … Ce déni, ces variations dans la dynamique de la famille, peuvent mener au chaos. Ces deux éléments ont donné naissance à ce film.  

Votre film présente une vision cynique de la famille et des relations familiales. Quelle est votre vision de la famille et pourquoi les hommes sont-ils faibles ?
Mon point de vue est que les relations ont énormément évolué au cours des dernières décennies et même des dernières années. Plus personne n'entend désormais la famille comme l'image du père, de la mère et des enfants qui vivront pour toujours heureux ensemble. Parfois ce schéma représente les pires enfers, là où les situations personnelles se révèlent les plus difficiles.

Dans notre quête de nouvelle structure – ou plutôt dans notre nouvelle façon de nouer des liens - les relations se définissent de manière plus hasardeuse ou plus organique disons, et elles peuvent donner lieu à des manques ; par exemple ici, il s'agit de filles de pères différents et on ne sait pas trop à quoi elles pourraient se raccrocher.

Notre intention était de faire pencher leurs personnages vers celui d'Avril. Faire en sorte subtilement, qu’elles lui ressemblent de plus en plus. Jamais je ne veux me moquer de mes personnages ni les juger, je tente de donner un point de vue objectif et de laisser libre cours à la perception du spectateur, ancrée sur son expérience personnelle.  

Comment une mère peut-elle être aussi distante envers ses filles ?
On ne sait pas comment les gens sont élevés, comment ils ont grandi, quelles sont leurs carences affectives. Or c'est ce qu'ils vont projeter sur leurs enfants. Avril est une personne déséquilibrée, instable, égocentrique. Elle est désaxée, elle va au cours de yoga pour se trouver un équilibre, par besoin de se centrer et de se trouver elle-même. Elle se persuade qu'elle est capable d'être professeur de yoga, elle est ridicule en un sens…

Il y a beaucoup de gens comme elle qui sont convaincus de leur position et croient en leur vérité. Si on transpose cette attitude à sa façon d’être avec ses filles, on peut dire que cette femme est persuadée que ce qu'elle fait est parfait. Elle emmène ce bébé pour protéger sa fille, car selon elle, il est préférable qu'elle aille à l'école au lieu d'élever son enfant.  

On se demande si la maternité est pour vous une pathologie ou une malédiction !
Lorsque j'écris mes films, je m'efforce de ne pas les développer autour d'un thème unique. Je tente de les construire de sorte à ce qu'ils offrent diverses interprétations et qu'ils se constituent de plusieurs couches successives. Je ne pourrais donc pas affirmer qu'il s'agit ici du thème de la maternité et que j'expose mon point de vue là-dessus.

Je ne prétends pas faire savoir si je suis pour ou contre le fait que cette jeune fille ait un enfant, j'essaie de ne pas juger mes personnages lorsque je les écris et je laisse au spectateur le soin de tirer ses propres conclusions. 

Drame mexicain de Michel Franco. Prix du jury, Un certain regard, Cannes 2017. 3,8 étoiles AlloCiné.


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