Retard de livraison : la faute doit être inexcusable pour donner lieu à dommages et intérêts...

Une société fait appel à un transporteur pour livrer un pli urgent contenant un réponse à un appel d’offre. Dans sa communication publicitaire, le transporteur assurait pouvoir livrer le lendemain après-midi. Le pli arriva 5 jours plus tard après la clôture de l’appel d’offre. La société assigne alors le transporteur en paiement de dommages et intérêts pour perte de chance. La Cour d’appel lui donne raison et condamne le transporteur à 15 000 € de dommages et intérêts. Mais la Cour de cassation censure cette décision. En effet, les motifs indiqués ne constituent pas une faute inexcusable, celle-ci devant être délibérée « impliquant la conscience de la probabilité du dommage et son acceptation téméraire sans raison valable »...


Arrêt de la Cour de cassation, civile, Chambre commerciale du 12 juillet 2016.
Pourvoi  n°14-20906. 

« LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : 

Sur le moyen unique : 

Vu l'article 1150 du code civil, ensemble l'article L. 133-8 du code de commerce ; 

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Sun Riviera services (la société Sun Riviera) a, le 28 octobre 2010, confié à la société Alpes Maritimes Express l'acheminement d'un dossier de soumission à un appel d'offres à destination de Paris ; qu'invoquant la remise tardive du dossier le 2 novembre 2010 dans l'après-midi, après la clôture de l'appel d'offres, la société Sun Riviera a assigné la société Alpes Maritimes Express en paiement de dommages-intérêts, au titre de la perte de chance de remporter l'appel d'offres ; que la société Alpes Maritimes Express a opposé la limitation de l'indemnisation prévue par l'article 22.3 du contrat-type général approuvé par le décret n°99-269 du 6 avril 1999 ; que la société Sun Riviera ayant été mise en liquidation judiciaire, la société Gauthier-Sohm, désignée en qualité de liquidateur, a repris l'instance ; 

Attendu que, pour écarter la limitation de responsabilité, l'arrêt constate que la société Alpes Maritimes Express s'engageait, selon ses documents publicitaires, à livrer à Paris le vendredi après midi les plis qui lui étaient remis la veille, comme en l'espèce, et constate que l'enveloppe mentionnait clairement qu'elle contenait une soumission à un marché à exécuter à Menton et comportait l'adresse exacte du destinataire dans le quinzième arrondissement de Paris ; 

Qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à caractériser la faute inexcusable du transporteur, laquelle est une faute délibérée impliquant la conscience de la probabilité du dommage et son acceptation téméraire sans raison valable, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ; 

PAR CES MOTIFS : 

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 avril 2014, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ; 

Condamne la société Gauthier-Sohm, en sa qualité de liquidateur de la société Sun Riviera services, aux dépens ; 

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; 

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; 

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille seize. 

MOYEN ANNEXE au présent arrêt 

Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Alpes Maritimes Express 

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que l'absence de livraison du pli de la société Riviera Sun dans le délai prévu est imputable à une faute inexcusable de la société France Express et d'avoir en conséquence condamné cette société à verser la somme de 15.000 euros à la société Sun Riviera au titre de la perte de chance de remporter l'appel d'offre auquel répondait son courrier ; 

AUX MOTIFS

- qu'en matière commerciale la preuve est libre ;

- que par courrier du 18 novembre 2010 la société France Express a indiqué en réponse à la réclamation de la société Sun Riviera "Nous vous confirmons les raisons pour lesquelles cet envoi n'a pas pu être livré dans les délais prévus
- arrivée tardive du véhicule France Express Paris le 29/10/2010 en raison d'une circulation très difficile ce jour-là dans la région Parisienne,
- adresse imprécise portée sur le récépissé, l'adresse postale avec cedex inscrite sur le récépissé ne nous donnait pas clairement l'arrondissement ..." ;

Qu'ainsi la société France Express a reconnu n'avoir pas livré le pli dans le délai requis et a accordé à sa cliente un avoir le 3 décembre 2010 de 60,03 euros pour livraison du pli "hors délai" ; que l'enveloppe remise mentionnait clairement qu'il s'agissait d'une soumission à un marché "Entretien des espaces verts du centre Roger Latournerie à Menton" et comportait l'adresse exacte de la Caisse Autonome Nationale de la Sécurité Sociale dans les Mines 75,714 Paris Cedex 15, et non 75019 Paris 19 comme mentionné par erreur sur l'étiquette France Express apposée sur le pli par cette société; que la non délivrance dans le délai prévu de l'enveloppe contenant soumission à l'appel d'offres, est imputable à une faute inexcusable de Ia société France Express, qui, selon ses documents publicitaires, s'engage à livrer à Paris le lendemain après- midi les plis pris jusqu'au jeudi après-midi dans les Alpes Maritimes, étant noté que l'enveloppe litigieuse a été prise le jeudi 28 octobre 2010 après midi dans les locaux de la société Sun Riviera; que cette remise tardive a privé la société Sun Riviera d'une chance de participer aux appels d'offres et d'être retenue pour l'attribution de ce marché d'une durée d'un an reconductible deux fois soit d'une durée maximum de trois ans ; 

1°) ALORS QUE la faute inexcusable est la faute délibérée qui implique la conscience de la probabilité du dommage et son acceptation téméraire sans raison valable ; qu'en l'espèce la Cour d'appel s'est bornée à relever que la société France Express Nice, qui par ses documents publicitaires s'engage à livrer à Paris le lendemain après-midi les plis pris jusqu'au jeudi après-midi, n'a pas livré les documents dans le délai prévu ; qu'en déduisant de ces constatations une faute inexcusable du transporteur, sans relever un quelconque caractère délibéré de la faute impliquant la conscience de la probabilité du dommage et son acceptation téméraire sans raison valable, la Cour d'appel a violé l'article L.133-8 du Code de commerce, ensemble les articles 1134 et 1150 du Code civil, et l'article 22-3 du contrat général type applicable ; 

2°) ALORS QUE la faute inexcusable est la faute délibérée qui implique la conscience de la probabilité du dommage et son acceptation téméraire sans raison valable ; que la Cour d'appel s'est encore bornée à relever que le retard dans la livraison, causé par des embouteillages et une adresse imprécise portée par le transporteur sur le récépissé, est dû à une faute inexcusable du transporteur auquel a été remis une enveloppe mentionnant qu'il s'agissait d'une soumission à un marché entretien des espaces verts et qui comportait l'adresse exacte du destinataire; qu'en en déduisant que l'absence de livraison du pli dans le délai prévu était imputable à une faute inexcusable du transporteur, sans relever un quelconque caractère délibéré de la faute impliquant la conscience de la probabilité du dommage et son acceptation téméraire sans raison valable, la Cour d'appel a encore violé les articles L.133-8 du Code de commerce, 1134 et 1150 du Code civil, ensemble l'article 22-3 du contrat général type applicable. »

Photo : Kzenon - Fotolia.com.

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