Frantz

Au lendemain de la guerre 14-18, dans une petite ville allemande, Anna se rend tous les jours sur la tombe de son fiancé, Frantz, mort sur le front en France. Mais ce jour-là, un jeune français, Adrien, est venu se recueillir sur la tombe de son ami allemand. Cette présence à la suite de la défaite allemande va provoquer des réactions passionnelles dans la ville...

Entretien avec François Ozon, le réalisateur 

D’où est venu le désir de réaliser FRANTZ ?
Dans une époque obsédée par la vérité et la transparence, je cherchais depuis longtemps à faire un film sur le mensonge. En tant qu’élève et admirateur d’Eric Rohmer, j’ai toujours trouvé les mensonges très excitants à raconter et à filmer. Je réfléchissais donc autour de cette thématique quand un ami m’a parlé d’une pièce de théâtre de Maurice Rostand, écrite juste après la Première Guerre mondiale. En me renseignant un peu plus sur cette pièce, j’apprends qu’elle a été adaptée au cinéma en 1931 par Lubitsch sous le titre BROKEN LULLABY. Ma première réaction a été de laisser tomber. Comment passer après Lubitsch ?! 

Qu’est-ce qui vous a fait changer d’avis ?
La vision du film de Lubitsch m’a rassuré, car il est très proche de la pièce et adopte le même point de vue, celui du jeune Français. Mon désir au contraire était d’être du point de vue de la jeune fille, qui comme le spectateur ne sait pas pourquoi ce Français vient sur la tombe de son fiancé. Dans la pièce et le film, nous savons dès le début son secret, après une longue scène de confession auprès d’un prêtre. Finalement ce qui m’intéressait, c’était plus le mensonge que la culpabilité. Le film de Lubitsch est magnifique, à revoir dans le contexte pacifiste et idéaliste de l’après-guerre. J’ai d’ailleurs gardé certaines scènes qu’il a créées en adaptant la pièce. C’est son film le plus méconnu, son unique film dramatique – et aussi son plus gros échec. Sa mise en scène est comme d’habitude admirable et pleine d’inventivité mais en même temps, c’est le film d’un cinéaste américain, d’origine allemande, qui ne sait pas qu’une Seconde Guerre mondiale se profile et qui veut faire un film optimiste de réconciliation. La guerre de 14-18 avait été un tel massacre que beaucoup de voix politiques et artistiques, aussi bien en France qu’en Allemagne s’étaient élevées pour défendre un idéal pacifiste : «Plus jamais ça». Mon point de vue en tant que Français, n’ayant connu aucune des deux guerres, allait forcément être différent.

Vous avez donc rajouté toute une seconde partie à l’histoire originale
Dans la pièce et le film de Lubitsch, le mensonge n’est pas révélé aux parents, le Français est accepté dans la famille, il prend la place du mort, il joue du violon pour eux et tout se termine bien. Dans mon film, Adrien essaye aussi de s’intégrer à la famille mais à un moment, le mensonge et la culpabilité sont trop forts et il révèle tout à Anna. Et contrairement au film de Lubitsch, Anna ne peut l’accepter qu’à la suite d’un long parcours initiatique. D’où cette seconde partie, qui s’ouvre sur le départ d’Adrien et la dépression d’Anna. 

Le début du film se concentre sur Anna, que l’on regarde déambuler entre la tombe de Frantz et sa maison…
J’aime beaucoup filmer les trajets, c’est une manière concrète d’incarner l’idée du parcours des personnages et de placer le film et les protagonistes dans un lieu géographique. C’était important de montrer cette petite ville allemande, ces trajets de la maison jusqu’au cimetière, puis jusqu’au Gasthaus. Regarder ce trajet, c’est s’interroger sur le personnage, comprendre son cheminement. Au départ, Anna fait un peu du sur place, elle n’arrête pas de tourner en rond dans cette petite ville. Pour ensuite aborder le grand voyage qui l’amène en France et lui fait traverser les apparences…

Plus qu’un travail de deuil et de pardon, c’est la découverte et l’apprentissage de l’amour qui sont davantage en jeu pour Anna…
Le scénario du film est construit comme un Bildungsroman, comme un roman d’apprentissage. Il ne nous emmène pas dans un monde de rêve ou d’évasion mais il suit l’éducation sentimentale d’Anna, ses désillusions par rapport à la réalité, au mensonge, au désir, à la manière d’un conte initiatique. Anna était destinée à Frantz, c’était un amour romantique, de jeunesse, peut-être de convenance, sans doute jamais consommé. Mais cet élan a été brisé. Et un autre prince charmant arrive soudain miraculeusement, plus passionnel. Il n’est toujours pas la bonne personne, mais elle fera grâce à lui un apprentissage des grands événements de toute existence (la mort, l’amour, la haine, l’altérité…). 

Drame romantique de François Ozon. Mostra de Venise 2016, Prix du meilleur jeune espoir pour Paula Beer. 4 étoiles AlloCiné.

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