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Le fils de Jean À trente-cinq ans, Mathieu ne sait pas qui est son père. Un matin, un appel téléphonique lui apprend que celui-ci était canadien et qu’il vient de mourir. Découvrant aussi qu’il a deux frères, Mathieu décide d’aller à l’enterrement pour les rencontrer. Mais, à Montréal, personne n’a connaissance de son existence ni ne veut la connaître. Il se retrouve en territoire hostile... Entretien avec Philippe Lioret, le réalisateur D’où vient ce film ? Nous avons pris les droits du livre, mais je ne l’ai pas rouvert ; il n’a été qu’une source d’inspiration, un point de départ, donc. Mais sans lui, il n’y aurait pas de film. D’ailleurs, à la lecture du scénario, Jean-Paul m’a dit : “Faites le film, j’écrirai le livre après“. Pourtant, les fondements de son livre sont bien là, mais ce ne sont plus que des mots, comme des mots clés : père, découverte, fratrie, Canada, sœur. L’essentiel en fait. Mis à part le plaisir qu’ils procurent quand on les lit, les livres peuvent aussi servir à ça : inspirer. Les adapter littéralement est rarement possible et surtout assez vain car un bon livre peut susciter une impression de gigantisme qu’aucun écran, si grand soit-il, ne pourra jamais rendre. Et puis cette histoire existait déjà. Il fallait aller ailleurs. Les personnages du Fils de Jean, je les connaissais bien. Ce garçon qui cherche une famille qu’il n’a pas connue et en trouve une autre de substitution, il m’accompagne depuis longtemps. Et paradoxalement, cette histoire-là, il n’y a pas mieux qu’un film pour la raconter. Le cinéma a une telle force d’immersion que, si l’on parvient à s’identifier aux personnages, ils nous embarquent avec eux.
Il y a une technique pour cela ? Alors j’essaie de faire en sorte que le film soit un témoignage que je vais partager. Que celui qui le regarde ait l’impression durable de vivre ces moments-là avec les personnages, d’être à leurs côtés et concerné par ce qu’il leur arrive. Qu’il puisse se dire “J’y étais“. Ma seule “technique“ en écrivant le scénario, c’est de ne pas faire version sur version, mais d’avancer avec eux pas à pas. Et tant que les pages derrière moi ne me semblent pas abouties, je n’avance plus ; ça ne sert à rien de construire sur des fondations instables. Et puis, à force de vivre avec eux, il arrive un moment où l’on connait bien les personnages et où ce sont eux qui guident presque le récit, il n’y qu’à les suivre, mais en ayant bien en tête que le moindre détail suspect peut détruire la valeur de l’ensemble ; les dialogues trop explicites, par exemple. “Le mot est dans le regard“, disait je ne sais plus qui. C’est peut-être pour ça que ce scénario, même s’il était précis, était moins “vissé“ que les précédents. Ce qui a donné aux acteurs et à moi la possibilité d’y apporter des changements de dernière minute ; j’ai parfois réécrit des scènes la veille de les tourner et, sur le plateau, les propositions nouvelles étaient les bienvenues. Il n’était pas question d’improviser, mais que les acteurs se donnent le droit d’inventer, comme des musiciens qui laissent des allitérations filer sous leurs doigts en oubliant la partition. Comment avez-vous trouvé ces acteurs ? J’ai visionné beaucoup de films québécois, jusqu’à tomber sur “Le démantèlement“, le magnifique film de Sébastien Pilote où Gabriel Arcand tient le rôle principal, un film que je vous recommande. Au bout de trois minutes, je savais que Pierre, l’ami de Jean, c’était lui. À tel point que je me souviens m’être dit (et ce n’est pas une formule) “ S’il ne peut ou ne veut pas le faire, je ne le fais pas“. Derrière son air bourru – qui était précisément ce que je cherchais pour le rôle de Pierre –, Gabriel est quelqu’un d’une sensibilité immense qui n’est pas pour rien dans son talent. Il a une grande idée de son métier d’acteur de théâtre et regarde le cinéma avec suspicion, mais quand il sent, et je crois que ça a été le cas, que le film qu’on fait va quelque part et que ce quelque part lui plaît, il se met à le défendre comme si c’était le sien. Il a un tel charisme et aussi une telle fusion instinctive avec son personnage, qu’il a rendu très beau ce type qu’on pourrait, au départ, prendre pour un lâche ou un salaud. Après lui, plusieurs semaines de casting à Montréal m’ont permis de rencontrer Catherine De Léan (la grâce, la fêlure et la beauté réunies) ; Pierre-Yves Cardinal (que j’avais vu admirable dans “Tom à la ferme“ de Xavien Dolan) ; Marie-Thérèse Fortin, une merveille de subtilité (Que sait exactement Angie et quand a-t-elle su ce qu’elle sait ?) ; Patrick Hivon… tous des acteurs inouïs. Même s’ils sont francophones, ces “cousins“ – tous des premiers rôles là-bas – sont aussi nord-américains et ils ont l’engagement des acteurs anglo-saxons. Par exemple, Pierre (Gabriel Arcand) doit, dans le film, jouer une valse de Chopin. Gabriel avait commencé le piano à six ans et arrêté à neuf, et il en a aujourd’hui soixante-cinq. Devant la difficulté technique, je lui ai demandé d’apprendre la première mesure en pensant le doubler pour la suite. Après trois mois d’acharnement, il l’a jouée toute entière et très bien. Et Catherine a fait la même chose. Ils m’ont soufflé. C’est aussi pour travailler avec ces têtes nouvelles que vous êtes allé au canada ? Le pays compte plus de deux millions de lacs, dont deux cent cinquante mille rien qu’au Québec. La nature y est un personnage. À ce propos, la scène où Mathieu et ses deux frères (qui ne savent pas qu’il est leur frère) cherchent le corps de leur père dans le lac est l’une des premières qui m’est venue, c’est une image qui a été déterminante, mais il y fallait cette démesure de la nature. Le tableau légué à Mathieu tient une place importante, aussi… Son histoire aussi m’a plu : on ne sait pas qui l’a peint. Sa cote n’est pas celle de son peintre, c’est la sienne propre. C’est un tableau unique… de père inconnu. Chez moi, ça vient souvent du père. Dans L’Équipier, dans Je vais bien, ne t’en fais pas. Même dans Tombés du ciel et dans Welcome, il est question de paternité. Je dois avoir un truc avec ça que je n’ai pas réglé. La famille, c’est d’abord le lieu du secret, le monde du silence. Comment voyez vous la relation entre Mathieu et Pierre ? Mathieu, lui, est un garçon déterminé. Il a traversé l’Atlantique pour voir qui sont ces frères et est bien décidé à les rencontrer. Son obstination, son esprit vif et aussi la part d’enfance qu’il a en lui (nous y voilà) plaisent aussi assez vite à Pierre qui, malgré les problèmes que cela lui pose, se résout à l’aider. Mais les choses se passent très mal avec les frères de Mathieu et celui-ci trouve refuge auprès de Pierre, de sa femme, Angie et de leur fille, Bettina, qui pourraient même bientôt devenir pour lui une famille de substitution. Jusqu’à cette découverte… qu’il serait bien dommage pour le spectateur de dévoiler ici. Drame de Philippe Lioret. 4,2 étoiles AlloCiné. Pour investir dans des films de cinéma : 75008 - CINÉFEEL PROD http://www.cinefeelprod.com Voir toutes les newsletters : www.haoui.com Pour les professionnels : HaOui.fr |