Harcèlement moral, ne pas confondre diffamation et dénonciation calomnieuse

Si un salarié qui dénonce des agissements de harcèlement moral ne risque aucune sanction de la part de son employeur (Art. L 1152-2 du code du travail), ni être poursuivi pour diffamation, il peut néanmoins être mis en cause par son employeur pour dénonciation calomnieuse à la condition d’avoir été au courant de la fausseté des faits dénoncés...


Le droit distingue la diffamation de la dénonciation calomnieuse :

Diffamation
« Toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation. La publication directe ou par voie de reproduction de cette allégation ou de cette imputation est punissable, même si elle est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expressément nommés, mais dont l'identification est rendue possible par les termes des discours, cris, menaces, écrits ou imprimés, placards ou affiches incriminés. Toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l'imputation d'aucun fait est une injure. »

Dénonciation calomnieuse
« La dénonciation, effectuée par tout moyen et dirigée contre une personne déterminée, d'un fait qui est de nature à entraîner des sanctions judiciaires, administratives ou disciplinaires et que l'on sait totalement ou partiellement inexact, lorsqu'elle est adressée soit à un officier de justice ou de police administrative ou judiciaire, soit à une autorité ayant le pouvoir d'y donner suite ou de saisir l'autorité compétente, soit aux supérieurs hiérarchiques ou à l'employeur de la personne dénoncée, est punie de cinq ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende [...] »

Dans son arrêt du 28 septembre 2016, la Cour de cassation rappelle cette différence :

Extrait de l’arrêt de la Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 28 septembre 2016.
Pourvoi n° 15-21823.

« LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : 

Sur le premier moyen : 

Vu les articles L. 1152-2, L. 4131-1, alinéa 1er, du code du travail et 122-4 du code pénal, ensemble les articles 29, alinéa 1er, et 32, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ; 

Attendu qu'il résulte de la combinaison des trois premiers de ces textes que les salariés sont autorisés par la loi à dénoncer, auprès de leur employeur et des organes chargés de veiller à l'application des dispositions du code du travail, les agissements répétés de harcèlement moral dont ils estiment être victimes ; 

Que, selon une jurisprudence constante, les imputations diffamatoires sont réputées, de droit, faites avec l'intention de nuire (Crim., 19 novembre 1985, pourvoi n° 84-95.202, Bull. Crim. 1985, n° 363 ; 2e Civ., 24 février 2005, pourvoi n° 02-19.136, Bull. Civ. 2005, II, n° 48) ; que, si la partie poursuivie pour diffamation a la faculté d'offrir la preuve de la vérité des faits diffamatoires, conformément à l'article 35 de la loi du 29 juillet 1881, cette offre de preuve est strictement encadrée par l'article 55 de la même loi ; que, si cette partie a encore la possibilité de démontrer l'existence de circonstances particulières de nature à la faire bénéficier de la bonne foi, il lui appartient d'en rapporter la preuve, laquelle suppose de justifier de la légitimité du but poursuivi, de l'absence d'animosité personnelle, de la prudence dans l'expression et de la fiabilité de l'enquête (2e Civ., 27 mars 2003, pourvoi n° 00-20.461, Bull. Civ. 2003, II, n° 84) ; que la croyance en l'exactitude des imputations diffamatoires ne suffit pas, en revanche, à reconnaître à leur auteur le bénéfice de la bonne foi ; 

Que ces exigences probatoires sont de nature à faire obstacle à l'effectivité du droit, que la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale a reconnu au salarié, de dénoncer, auprès de son employeur et des organes chargés de veiller à l'application des dispositions du code du travail, les agissements répétés de harcèlement moral dont il estime être victime ; 

Que, dès lors, la relation de tels agissements, auprès des personnes précitées, ne peut être poursuivie pour diffamation ; 

Que, toutefois, lorsqu'il est établi, par la partie poursuivante, que le salarié avait connaissance, au moment de la dénonciation, de la fausseté des faits allégués, la mauvaise foi de celui-ci est caractérisée et la qualification de dénonciation calomnieuse peut, par suite, être retenue ; 

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a exercé les fonctions d'employée polyvalente au sein des cuisines d'un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, dont le marché de restauration avait été repris, en 2010, par la société Dupont restauration (la société) ; que, soutenant avoir été victime de harcèlement moral de la part de MM. Y... et Z..., exerçant, respectivement, les fonctions de chef de cuisine et de chef de section, elle a envoyé, le 28 décembre 2010, au directeur des ressources humaines de la société, une lettre dénonçant ces faits, dont elle a adressé une copie au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, et à l'inspecteur du travail ; qu'estimant que les propos contenus dans cette lettre étaient diffamatoires à leur égard, la société et MM. Y... et Z... ont assigné Mme X..., sur le fondement des articles 29, alinéa 1er, et 32, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881, pour obtenir réparation de leurs préjudices ;

Attendu que, pour accueillir les demandes de MM. Y... et Z..., l'arrêt retient que, si les articles L. 1152-1 et suivants du code du travail ont instauré un statut protecteur au bénéfice du salarié qui est victime de harcèlement moral, ces dispositions n'édictent pas une immunité pénale au bénéfice de celui qui rapporte de tels faits au moyen d'un écrit, de sorte que son rédacteur est redevable, devant le juge de la diffamation, de la formulation de ses imputations ou allégations contraires à l'honneur ou à la considération des personnes qu'elles visent ; 

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; 

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen : 

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que les propos écrits par Mme X... sont diffamatoires à l'égard de MM. Y... et Z... et en ce qu'il condamne Mme X... à leur payer, à chacun, la somme de 300 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 8 janvier 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ; 

Condamne MM. Y... et Z... aux dépens ; 

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne MM. Y... et Z... à payer à la SCP Delvolvé et Trichet la somme de 2 500 euros ; 

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; 

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit septembre deux mille seize.

Photo : Thomas Lammeyer - Fotolia.com.

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