Clause de non concurrence et engagement personnel du dirigeant

Une société a acheté la filiale d’une autre société. Cette achat était accompagné d’une clause de non concurrence qui devait s’appliquer tant au dirigeant, à titre personnel, de la société cédante qu’au nom des autres sociétés qu’il dirigeait. Considérant que la clause de non concurrence n’a pas été respectée, la société cessionnaire assigne le gérant de la société cédante ainsi que les autres sociétés concurrentes qu’il dirige. La Cour de cassation confirme le jugement d’appel considérant que les sociétés concurrentes ont violé l’accord de non concurrence mais pas le dirigeant à titre personnel, car la faute qui lui était reprochée n’était pas séparable de son mandat de dirigeant des sociétés condamnées...

Extrait de l’arrête de la Cour de cassation, civile, Chambre commerciale du 16 février 2016.
Pourvoi  n° 14-21557. 

« LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : 

Donne acte aux sociétés Cima Europe (la société Cima) et Pré vision du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société DMR et Mme X... ; 

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 1er avril 2014), que la société CNF, dirigée par M. Y... et contrôlant les sociétés Cima et Sima, a cédé, par acte du 20 octobre 2011, à la société Pré vision, la totalité des parts constituant le capital de la société Cima ; que cet acte comportait une clause de non-concurrence par laquelle le cédant et M. Y..., agissant tant en son nom personnel qu'au nom des sociétés qu'il dirigeait ou pourrait diriger, s'interdisaient toute activité de négoce avec les concessionnaires et distributeurs dans le domaine du BTP, agricole, industrie et parc et jardin, pendant cinq ans, ainsi qu'une clause d'accompagnement par laquelle M. Y... s'obligeait à assurer pendant dix-huit mois la gestion et la promotion du service commercial de la société Cima ; que reprochant à M. Y... de ne pas avoir exécuté la clause d'accompagnement et, en sa qualité de dirigeant de la société CNF et par l'entremise d'une société DMR qu'il dirigeait de fait, de concurrencer la société Cima, celle-ci et la société Pré vision l'ont assigné, ainsi que les sociétés CNF, Sima et DNR, en réparation de leurs préjudices et pour obtenir des mesures d'interdiction ; 

Sur le premier moyen : 

Attendu que les sociétés Cima et Pré vision font grief à l'arrêt de limiter la condamnation de la société Sima, pour violation de la clause de non-concurrence, au paiement de dommages-intérêts alors, selon le moyen, que le créancier a le droit de demander que ce qui a été fait par contravention à un engagement soit détruit, que les sociétés Pré vision et Cima ont demandé, outre le paiement de dommages-intérêts pour méconnaissance de la clause de non concurrence, que la société Sima soit condamnée sous astreinte à limiter son activité à celle mentionnée dans son Kbis ; qu'en limitant la réparation du préjudice subi par la société Cima au au seul versement de dommages-intérêts, sans s'expliquer sur la demande de condamnation de la société Sima au respect de son activité telle que mentionnée dans son Kbis, accueillie par les premiers juges, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ; 

Mais attendu que, sous le couvert d'un grief de défaut de réponse à conclusions, le moyen critique une omission de statuer qui, pouvant être réparée par la procédure prévue à l'article 463 du code de procédure civile, ne donne pas ouverture à cassation ; que le moyen est irrecevable ; 

Sur le deuxième moyen : 

Attendu que les sociétés Cima et Pré vision font grief à l'arrêt de rejeter leur demande contre M. Y... au titre de la méconnaissance de ses engagements de non-concurrence alors, selon le moyen, que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'aux termes de l'acte de cession, M. Y... s'était engagé à ne pas concurrencer l'activité de la société Cima, non pas seulement en qualité de gérant des sociétés qu'il dirigeait ou serait amené à diriger, mais également à titre personnel ; qu'en déboutant les sociétés Cima et Pré vision de leurs demandes en méconnaissance de l'engagement contractuel de non-concurrence souscrit par M. Y..., à titre personnel, aux motifs qu'il n'était pas établi en quoi il aurait contribué à l'inexécution de cette obligation par un comportement intentionnellement fautif, d'une particulière gravité et détachable de son mandat social, quand la méconnaissance de l'engagement souscrit par M. Y..., à titre personnel, ne nécessitait pas, pour être établi, la démonstration d'une faute intentionnelle d'une particulière gravité, détachable de son mandat social, la cour d'appel a violé l'article 1134 et 1147 du code civil ; 

Mais attendu qu'ayant relevé que les sociétés Cima et Pré vision reprochaient à M. Y..., à titre personnel, des violations de la clause de non-concurrence commises par les sociétés Sima, ABE 30, AVE, dont il était le président, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que seule des fautes d'une particulière gravité et séparables de son mandat social pouvaient engager sa responsabilité personnelle ; que le moyen n'est pas fondé ; 

Sur le troisième moyen : 

Attendu que les sociétés Cima et Pré vision font grief à l'arrêt de rejeter leur demande fondée sur la concurrence déloyale alors, selon le moyen, que constitue un acte de concurrence déloyale le fait de transférer la ligne téléphonique de la société vendue à une société concurrente ; qu'en l'espèce, le fait pour le dirigeant de la société Sima de transférer la ligne commune aux sociétés Cima et Sima à une société DMR exerçant la même activité que la société Cima, détournant ainsi tous les appels entrant pour la société Cima à une société concurrente, constituait un acte de concurrence déloyale ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ; 

Mais attendu que l'arrêt relève que la société Pré vision ne pouvait ignorer que les activités des sociétés Sima et Cima, qu'elles exercent dans les mêmes locaux, étaient quasiment identiques et que, pour les clients comme pour les fournisseurs, un amalgame était fait entre les deux sociétés ; qu'il relève encore que les nouveaux dirigeants de la société Cima savaient que la ligne téléphonique en cause était au nom de la société Sima et qu'il ne peut être reproché à cette dernière de l'avoir fait transférer dans les locaux de la société DMR lorsqu'elle y a elle-même déménagé en novembre 2011 ; qu'il ajoute que rien ne permet d'affirmer qu'une captation de la clientèle de la société Cima s'est produite après le transfert de la ligne, d'autant que le catalogue de cette société, imprimé et diffusé peu avant la cession, indique également les numéros des téléphones mobiles des attachés commerciaux ; que, de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu déduire que le transfert litigieux ne caractérisait pas un acte de concurrence déloyale ; que le moyen n'est pas fondé ; 

Et sur le quatrième moyen :

Attendu que les sociétés Cima et Pré vision font grief à l'arrêt de rejeter leur demande en réparation de l'inexécution de la clause d'accompagnement alors, selon le moyen, que M. Y... avait pris l'engagement d'accompagner la cession de la société Cima et d'assurer pendant dix-huit mois la gestion et la promotion du service commercial Cima Europe, et que cet engagement avait été valorisé dans le prix de vente de la société ; que la cour d'appel a estimé qu'en dépit de l'absence de toute prestation exécutée par M. Y..., les sociétés Cima et Pré vision n'avaient droit à aucune réparation pour ce manquement car la société Pré vision avait fait obstacle à l'exécution de ladite clause en mettant en demeure la société CNF de cesser de concurrencer la société Cima ; qu'en statuant par ces motifs inopérants et erronés, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ; 

Mais attendu qu'ayant relevé que la société Pré vision avait mis en demeure la société CNF dès le 10 novembre 2011, soit moins d'un mois après la cession, d'annuler celle-ci, ou de cesser de concurrencer la société Cima, la cour d'appel, qui en a déduit que la société Pré vision avait fait obstacle à l'exécution de la clause d'accompagnement, a pu rejeter les demandes de dommages-intérêts formées à ce titre ; que le moyen n'est pas fondé ; 

PAR CES MOTIFS : 

REJETTE le pourvoi ; 

Condamne les sociétés Cima et Pré vision aux dépens ; 

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à la somme globale de 3 000 euros à M. Y..., la société Sima et la société CNF ; 

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du seize février deux mille seize.

Photo : Texelart - Fotolia.com.

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