Tempête

À 36 ans, Dom est marin pêcheur en haute mer et ne rentre que quelques jours par mois à terre. En dépit de ses longues absences, il a la garde de ses deux enfants. Dom fait tout pour être un père à la hauteur. Il rêve même d’avoir sa propre affaire, un petit bateau de pêche à la journée qu’il exploiterait avec son fils. Assez grands pour s’assumer, Mailys et Mattéo n’en sont pas moins deux adolescents qui font leurs propres expériences. L’une d’elles, malheureuse, va forcer Dom à faire un choix entre son métier au grand large et sa vie de famille...

Entretien avec Samuel Collardey, le réalisateur 

Avec tempête, vous travaillez la matière documentaire comme dans l’apprenti mais avec un désir assumé de fiction.
Ce film est le résultat d’un cheminement. Après L’APPRENTI, je voulais faire un film plus narratif, avec une dramaturgie plus complexe. J’ai réalisé COMME UN LION mais je me suis rendu compte que j’étais allé trop loin dans la fiction. Ce deuxième film était lui aussi tiré d’une histoire vraie mais le problème était que le gamin qui me l’avait inspiré ne voulait pas être filmé. Il a donc fallu repasser par la fiction, faire jouer un autre enfant qui avait des rêves proches du personnage mais il n’empêche, il s’agissait d’interprétation pure, avec des acteurs, des décors que l’on a loués. Une fois le film fini, j’ai eu l’impression d’avoir un peu perdu ce qui était la force de L’APPRENTI : une véracité, une mise en scène brute, un côté accidenté. En plus de ça, j’ai travaillé avec une grosse équipe - une vingtaine de personnes, ce qui reste une petite équipe pour certains mais pas pour moi. Du coup pour le troisième film, je voulais retrouver un juste milieu.   

Pouvez-vous nous parler plus précisément de la manière dont vous avez procédé pour que vos personnages aient une force fictionnelle mais que l’on sente puisée dans le réel ?
Je suis parti d’une histoire vécue, rejouée par les vraies personnes, et un peu aménagée pour des raisons dramaturgiques. Le tournage s’est étalé sur dix ou onze mois, qui nous ont laissé le temps de réfléchir, de réécrire, réorienter le scénario, donner plus ou moins d’importance à certains personnages. 

Comment avez-vous trouvé Dom, votre personnage principal ?
Ça faisait longtemps avec Grégoire Debailly, mon producteur, et Catherine Paillé, ma scénariste, qu’on voulait faire un film sur le milieu de la pêche. Catherine appartient à une famille de marins des Sables d’Olonne depuis des générations. Je connaissais bien aussi ce lieu, durant la Fémis, j’y avais tourné des films en tant que chef opérateur. Catherine elle-même avait réalisé un courtmétrage là-bas et y avait rencontré Dominique quand elle cherchait un jeune matelot sur le bateau où il travaillait. Ils se sont liés d’amitié. Quand on est revenus sur ce projet de faire un film sur des marins aux Sables, Catherine m’a présenté pas mal de gens, dont Dom.   

Qu’est-ce qui vous a donné l’envie d’en faire le héros de votre film ?
Tout de suite, je me suis dit que c’était un personnage de cinéma. Déjà parce qu’il est beau, qu’il a une présence incroyable. Il m’a semblé très ouvert, très sensible. En tout cas il montre sa sensibilité, n’a pas peur d’exprimer ses sentiments. À l’époque où je l’ai rencontré, il vivait avec son fils mais plus avec sa fille, qui avait avorté un an et demi plus tôt et quitté la maison. Il souffrait de cette situation, sa fille aussi. Il parlait aussi de prendre un petit bateau, de naviguer avec son fils qui était à l’école des pêches… J’y ai vu la promesse d’une histoire, la possibilité d’un film.  

 Comment avez-vous convaincu dom de faire un film sur et avec lui ?
Je ne lui ai pas déclaré tout de suite mes intentions. Mais il m’a vu venir avec Grégoire, avec Catherine, une fois, deux fois... Il savait que j’étais réalisateur, il avait vu L’Apprenti. Très rapidement, il s’est dit que je lui voulais quelque chose, mais il pensait que c’était avec son fils que je voulais faire un film. Et puis un jour, je me suis dévoilé. Dom est très ouvert, curieux. Tout de suite l’aventure l’a intéressé. Je lui ai dit que je voulais faire un film où il aurait le projet d’acheter un bateau, de naviguer avec son fils… Puis, je lui ai parlé de Mailys. Ça, c’était une autre affaire. A l’époque ils étaient en froid et ne s’étaient pas vus depuis longtemps, mais il m’a dit ok. Ça a été très agréable de travailler avec lui parce qu’il m’a fait totalement confiance, tout le temps.   

Quel travail d’« acteur » avez-vous mené avec Dom ?
On avait une trame narrative, des informations et des scènes qui étaient essentielles au film. Et vu que ça s’était passé il y a quelques années, ce n’était plus exactement le réel. En plus de ça, des choses n’avaient pas eu lieu. Et n’auront jamais lieu. Il fallait passer par l’interprétation alors que Dom n’avait jamais joué de sa vie… Obtenir la justesse a nécessité un long travail, il a fallu parfois faire jusqu’à vingt-cinq prises.   

Vos protagonistes ont la véracité de personnages de documentaire mais vous les magnifiez avec les moyens du cinéma, notamment le 35 mm et le format scope…
Des gros plans en numérique sans maquillage ne pardonnent rien et rappellent très vite la vidéo, la télévision, le reportage. Nous voulions sublimer ces personnages, qu’ils deviennent des personnages de cinéma mais sans toucher au réel, sans utiliser les artifices que sont le maquillage, les costumes ou les décors. Le 35 mm et le scope amènent tout de suite les codes de la fiction et du romanesque. Et puis il y a des plans de tempête, des plans d’hélicoptères, des travellings quand on peut. Je ne voulais pas capter le réel avec une petite caméra, une caméra suiveuse, car il ne s’agissait pas de suivre mais de raconter ou plutôt reconvoquer quelque chose du réel.   

Drame de Samuel Collardey. Mostra de Venise 2015, meilleur acteur. Prix du public au Festival international du film de la Roche sur Yon. 3,9 étoiles AlloCiné.

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