Le redressement judiciaire entraîne la mainlevée des saisies en cours

Une société est condamnée par jugement à payer à une autre société diverses indemnités. Elle est ensuite placée six mois plus tard par jugement en redressement judiciaire. Or auparavant, la société créancière avait fait procéder à la saisie des droits d’associés détenus par la société débitrice dans une autre société. La société mise en redressement demande alors en justice la mainlevée de la saisie...

La cour d’appel rejette la demande de mainlevée. Pour elle, le jugement de redressement judiciaire ne met pas fin définitivement à la saisie qui pourra être reprise ultérieurement.

Mais la Cour de cassation casse cet arrêt. En effet , selon elle, le jugement de redressement judiciaire stoppe toutes les saisies en cours dès lors que la vente forcée n’a pas encore eu lieu. En l’occurrence,  les parts sociales n’ayant pas encore étés vendues, la mainlevée doit être ordonnée.

Arrêt de la Cour de cassation, chambre civile 2, du 28 janvier 2016.
Pourvoi n° : 15-13222. 

« LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : 

Sur le moyen unique : 

Vu les articles L. 622-21, II, du code de commerce, ensemble les articles R. 232-1 à R. 233-9 du code des procédures civiles d'exécution ; 

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que sur le fondement d'un arrêt devenu irrévocable du 17 janvier 2013 condamnant notamment la société Gestion informatique et administrative (la société GIA), placée en redressement judiciaire le 17 juillet 2013, à payer à la société Cuir Corrugated Machinery (la société CCM) diverses indemnités, cette dernière a fait procéder le 31 janvier 2013 à une saisie des droits d'associés détenus par la société GIA dans une autre société ; que la société GIA a saisi le juge de l'exécution d'une demande de mainlevée ; 

Attendu que pour rejeter la demande de mainlevée de la saisie des droits d'associés, l'arrêt retient que si la règle d'ordre public de l'arrêt des poursuites individuelles prévue à l'article L. 622-21, II, du code de commerce ne permet pas à la société CCM de poursuivre dans l'immédiat sa procédure de saisie, signifiée le 31 janvier 2013, en procédant à la vente forcée des parts sociales détenues par la société GIA, en revanche rien n'interdit une éventuelle reprise ultérieure de la procédure de saisie, le jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ne mettant pas fin à la procédure de saisie des droits d'associé mais arrêtant seulement le déroulement de cette procédure qui est susceptible d'une reprise ultérieure ; 

Qu'en statuant ainsi, alors que le jugement d'ouverture de la procédure collective arrête toute procédure d'exécution, tant sur les meubles que sur les immeubles, de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 du code de commerce et que l'arrêt des procédures d'exécution entraîne la mainlevée d'une procédure de saisie des droits d'associés lorsque, à la date du jugement d'ouverture, cette procédure d'exécution n'a pas, par la vente des droits d'associés, produit ses effets, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; 

Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du même code ; 

PAR CES MOTIFS : 

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 novembre 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; 

DIT n'y avoir lieu à renvoi ; 

ORDONNE la mainlevée de la saisie des droits d'associés et de valeurs mobilières signifiée le 31 janvier 2013 ; 

Condamne la société Cuir Corrugated Machinery aux dépens exposés devant les juges du fond ; 

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Cuir Corrugated Machinery à payer à la société Gestion informatique et administrative la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés devant les juges du fond ; 

Condamne la société Cuir Corrugated Machinery aux dépens exposés devant la Cour de cassation ; 

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Cuir Corrugated Machinery à payer à la société Gestion informatique et administrative et aux sociétés Eric X... et Gilbert Y... et Yvon Z... et Jean-Philippe A..., ces deux dernières prises ès qualités, la somme globale de 3 000 euros ; 

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; 

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit janvier deux mille seize. 

MOYEN ANNEXE au présent arrêt 

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Gestion informatique et administrative, la société Eric X... et Gilbert Y..., ès qualités, et la société Yvon Z... et Jean-Philippe A..., ès qualités 

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR, statuant dans les limites de l'appel, confirmé le jugement ayant rejeté la demande de mainlevée de la saisie des droits d'associé détenus par la société GIA dans la SCI du Hellu, pratiquée suivant procès-verbal du 31 janvier 2013, et, ajoutant à ce jugement, condamné la B... Eric Rouvroy & Gilbert Declercq et la B... Yvon Perrin & Jean-Philippe A..., ès qualité, à payer à la société CCM la somme de 1 000 ¿ au titre des frais irrépétibles d'appel,

AUX MOTIFS PROPRES QU'aux termes de l'article L. 231-1 du code des procédures civiles d'exécution, « tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut faire procéder à la saisie et à la vente des droits incorporels, autres que les créances de sommes d'argent, dont son débiteur est titulaire » ; que par ailleurs, l'article L. 622-21 du code de commerce dispose que : « I. - Le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant : 1º A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ; 2º A la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent. II. - Il arrête ou interdit également toute procédure d'exécution de la part de ces créanciers tant sur les meubles que sur les immeubles ainsi que toute procédure de distribution n'ayant pas produit un effet attributif avant le jugement d'ouverture. » ; que par acte d'huissier en date du 31 janvier 2013, la société Cuir Corrugated Machinery, agissant en vertu d'un arrêt rendu contradictoirement par la cour d'appel de Douai en date du 17 janvier 2013, a fait signifier à la SCI de Hellu un procès-verbal de saisie de droits d'associé appartenant à la société Gestion Informatique et Administrative, pour obtenir le paiement de la somme de 2 117 903,34 euros en principal et frais ; que ce procès-verbal de saisie de droits d'associé ou valeurs mobilières a été dénoncé à la société Gestion Informatique et Administrative par acte d'huissier signifié le 5 février 2013 ; que cet acte de dénonciation est conforme aux prescriptions de l'article R. 232-6 du code des procédures civiles d'exécution ; que par jugement en date du 17 juillet 2013, le tribunal de commerce de Lille a ouvert la procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Gestion Informatique et Administrative et a désigné en qualité de mandataire judiciaire la B... Yvon Perin & Jean-Philippe Borkowiak et en qualité d'administrateur judiciaire la B... Eric Rouvroy & Gilbert Declercq ; que les appelantes soutiennent que la saisie des parts d'associé détenues par la société Gestion Informatique et Administrative dans la SCI du Hellu « ne peut plus, du fait de la procédure collective ouverte à l'encontre de la société GIA, faire l'objet d'une conversion » et que cela implique l'obligation pour le créancier d'en donner la mainlevée selon une jurisprudence constante ; que pour s'opposer au moyen de l'intimée qui soutient que la jurisprudence invoquée par les appelantes qui se rapporte à des saisies conservatoires, est sans rapport avec le cas d'espèce puisque disposant d'un titre exécutoire, elle a directement pratiqué une saisie exécutoire, les appelantes soutiennent que la vente des parts sociales n'ayant pas eu lieu, la règle d'ordre public de l'arrêt des poursuites individuelles doit s'appliquer ; mais que la saisie des droits d'associé mise en oeuvre le 31 janvier 2013, régulièrement dénoncée le 5 février 2013 selon les prescriptions de l'article R. 232-6 du code des procédures civiles d'exécution, qui est diligentée en vertu d'un titre exécutoire, en l'occurrence l'arrêt de la cour d'appel de Douai du 17 janvier 2013 régulièrement signifié le 29 janvier 2013, n'est pas une saisie conservatoire mais une saisie exécutoire ; qu'en raison du jugement d'ouverture de la procédure de règlement judiciaire à l'égard de la société Gestion Informatique et Administrative rendu le 17 juillet 2013, cette saisie exécutoire régulièrement mise en oeuvre préalablement à ce jugement, se trouve arrêtée et donc suspendue en application de la règle de l'arrêt des procédures d'exécution posée par l'article L. 622-21 II du code de commerce ; que si la règle d'ordre public de l'arrêt des poursuites individuelles ne permet pas à la société Cuir Corrugated Machinery de poursuivre dans l'immédiat sa procédure de saisie en procédant à la vente forcée des parts sociales détenues par la société Gestion Informatique et Administrative placée en redressement judiciaire, en revanche rien n'interdit une éventuelle reprise ultérieure de la procédure de saisie ainsi que le relève justement l'intimée ; que la procédure de saisie des droits d'associé, qui en l'espèce n'est pas une saisie conservatoire, qui a été régulièrement mise en oeuvre en vertu d'un titre exécutoire avant le jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Gestion Informatique et Administrative, débiteur saisi, étant seulement arrêtée et suspendue en raison de ce jugement, il n'y a pas lieu d'en ordonner la mainlevée, le jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ne mettant pas fin à la procédure de saisie des droits d'associé mais arrêtant seulement le déroulement de cette procédure qui est susceptible d'une reprise ultérieure ; que le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de mainlevée de la saisie des droits d'associé ou valeurs mobilières détenues par la société Gestion Informatique et Administrative dans la SCI du Hellu, pratiquée suivant procès-verbal du 31 janvier 2013, 

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE, sur les contestations de la saisie de droits d'associé ou valeurs mobilières et du commandement aux fins de saisie-vente, les sociétés demanderesses font valoir que la saisie et le commandement ne peuvent produire leurs effets compte tenu de la suspension des poursuites du fait des redressements judiciaires en application de l'article L. 622-21 du code de commerce et qu'il y a lieu en conséquence d'en ordonner la mainlevée ; qu'en application de l'article L. 622-21 du code de commerce, le jugement d'ouverture d'une procédure collective à l'encontre d'une entreprise interdit ou arrête toute procédure d'exécution de la part des créanciers tant sur les meubles que sur les immeubles mais il ne les rend pas pour autant irrégulières ; qu'il n'y a donc pas lieu d'ordonner la mainlevée de la saisie ou du commandement aux fins de saisie-vente ; que ces procédures sont seulement arrêtées compte tenu des jugements du 17 juillet 2013, 

ALORS QUE le jugement d'ouverture de la procédure collective arrête les procédures d'exécution, ce qui implique la mainlevée d'une procédure de saisie de droits d'associé lorsque, à la date du jugement d'ouverture, cette procédure d'exécution n'a pas, par la vente des droits saisis, produit tous ses effets ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le jugement d'ouverture de la procédure collective de la société GIA était intervenu après le procès-verbal de saisie des droits d'associé détenus par la société GIA, mais avant que soit intervenue la vente forcée des parts sociales saisies ; qu'en jugeant pourtant qu'il n'y avait pas lieu, malgré ce jugement d'ouverture, d'ordonner la mainlevée de la saisie de droits d'associé qui n'avait pas produit tous ses effets, la cour d'appel a violé l'article L. 622-21 du code du commerce, ensemble les articles R. 232-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution.

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