L'illettrisme, en savoir plus

L'illettrisme désigne l'état d'une personne qui a été instruite (par une scolarisation ou autre) mais que cet apprentissage n'a pas conduit à la maîtrise de la lecture, de l'écriture et du calcul ou que cette maîtrise a été perdue. L'illettrisme est une forme particulière de l'analphabétisme. L'illettrisme relève de l'accès au sens des écrits. Le texte que l'illettré ne comprend pas est accessible lorsque le texte est lu. L'illettrisme engendre souvent des problèmes d'employabilité. La notion voisine d'innumérisme s'applique aux personnes ayant des difficultés à maitriser les nombres, le raisonnement et le calcul...

Définition
Le mot illettrisme est un néologisme créé en 1978 à partir du terme « illettré » (issu du latin illitteratus signifiant « ignorant ») afin de désigner les seuls Français, sortis en situation d'échec de l'école, ayant une connaissance insuffisante de l'écrit, perdue faute de pratique, par désocialisation ou aliénation (emploi dégradant), et de les différencier des autres catégories de personnes en difficulté avec la langue.

En 1995, le Groupe permanent de lutte contre l'illettrisme (GPLI) propose la définition suivante : « Le GPLI considère comme relevant de situations d’illettrisme, des personnes de plus de seize ans, ayant été scolarisées, et ne maîtrisant pas suffisamment l’écrit pour faire face aux exigences minimales requises dans leur vie professionnelle, sociale, culturelle et personnelle. Ces personnes qui ont été alphabétisées dans le cadre de l’école, sont sorties du système scolaire en ayant peu ou mal acquis les savoirs premiers pour des raisons sociales, familiales ou fonctionnelles, et n’ont pu user de ces savoirs et/ou n’ont jamais acquis le goût de cet usage. Il s’agit d’hommes et de femmes pour lesquels le recours à l’écrit n’est ni immédiat, ni spontané, ni facile, et qui évitent et/ou appréhendent ce moyen d’expression et de communication ».

En 2003 l'ANLCI reformule la définition : « L’illettrisme qualifie la situation de personnes de plus de 16 ans qui, bien qu'ayant été scolarisées, ne parviennent pas à lire et comprendre un texte portant sur des situations de leur vie quotidienne, et/ou ne parviennent pas à écrire pour transmettre des informations simples. Pour certaines personnes, ces difficultés en lecture et écriture peuvent se combiner, à des degrés divers, avec une insuffisante maîtrise d'autres compétences de base comme la communication orale, le raisonnement logique, la compréhension et l’utilisation des nombres et des opérations, la prise de repères dans l’espace et dans le temps, etc. Malgré ces déficits, les personnes en situation d'illettrisme ont acquis de l'expérience, une culture et un capital de compétences en ne s'appuyant pas ou peu sur la capacité à lire et à écrire. Certaines ont pu ainsi s'intégrer à la vie sociale et professionnelle, mais l'équilibre est fragile, et le risque de marginalisation permanent. D'autres se trouvent dans des situations d'exclusion où l'illettrisme se conjugue avec d'autres facteurs. »

Histoire du concept
En 1977 le père Joseph Wresinski, fondateur d'ATD Quart Monde et inventeur du mot, lance un défi : « [...] que dans dix ans, il n'y ait plus un seul illettré dans nos cités. Que tous aient un métier en mains. Que celui qui sait apprenne à celui qui ne sait pas. » Dans le rapport moral du mouvement ATD quart monde, publié en 1978, il invente le mot « Illettrisme ». Le mot est préféré à celui d'« analphabétisme », jugé péjoratif, et le mot « alphabétisation » est abandonné car utilisé pour les immigrés alors que le père Wresinski constate que les personnes rencontrées dans les cités et autres bidonvilles, qui sont en difficulté avec la langue sont souvent d'origine française et scolarisées en France.

L'illettrisme est un concept franco-français. Il segmente ce qu'il est convenu d'appeler analphabétisme fonctionnel (notamment par l'UNESCO) en distinguant les personnes en difficulté de maîtrise de la langue vernaculaire selon leur origine. Ce concept ne s'est pas répandu à l'étranger, pas même dans les pays francophones. Son invention résulte de la prise de conscience, en France, que la difficulté de maîtrise de la langue française n'est pas réservée aux allophones et aux analphabètes, elle touche aussi les personnes ayant été scolarisées.

Auparavant, la définition de l'UNESCO de l'analphabétisme ne permettait pas de faire cette distinction, mais la définition de l'UNESCO n'a pas été modifiée.

Le concept fut ensuite développé pour aboutir à la création en 1984 du GPLI groupe permanent de lutte contre l'illettrisme puis en 2000 de l'ANLCI Agence nationale de lutte contre l'illettrisme. Le mot fut redéfini en 2003 par l'ANLCI, puis « Agir ensemble contre l’illettrisme » fut Grande cause nationale 2013.

Causes et conséquences
La ruralité, la pauvreté et le manque de développement du système éducatif d'un pays sont parmi les principaux facteurs d'illettrisme dans sa population. Ainsi, les pays du tiers-monde dans le monde arabe, l'Amérique centrale et l'Afrique subsaharienne ont le taux d'illettrisme le plus élevé, tandis qu'en Europe, aux États-Unis et au Japon, ce taux est le plus faible.

Au XIX siècle, Max Weber et Auguste Comte ont émis l'hypothèse que la disparition de l'illettrisme allait de pair avec la fin des religions . Or, à la suite des interrogations d'André Malraux, les sociologues modernes ont remis en question la thèse de la fin des religions, notamment en observant la situation aux États-Unis, où le sentiment religieux demeure fort malgré le niveau d'instruction élevé des habitants.

Dans les pays occidentaux, comment expliquer le fait qu’il y ait encore aujourd’hui des adultes illettrés alors que l’école est obligatoire depuis plus de 80 ans ?

L’illettrisme est un phénomène complexe. Les causes sont multiples et souvent cumulées dans l’histoire d’un individu :

- Rapport qu’entretient la famille avec l’école : De manière générale, l’attitude des parents face à l’écrit participe à la valorisation ou à la dévalorisation du mode de communication mis en avant dans l’apprentissage scolaire.

- Corrélation entre les chances de réussite scolaire et le milieu socioéconomique d’origine de l’élève : Si l’enseignement s’est progressivement démocratisé en s’ouvrant aux élèves d’origines sociales diverses, cette ouverture cache de fortes inégalités dans les chances de réussite. Vu sous cet angle, l’École n’est pas « producteur » d’illettrisme mais plutôt reproducteur de positions sociales.

- Enseignement inadéquat : L’enseignement peut faire obstacle à l’apprentissage de la lecture lorsqu’il manque de souplesse et n’est pas adapté aux conditions d’apprentissage de chaque enfant.

- Difficultés personnelles : Des problèmes relevant de la médecine ou de la psychologie peuvent troubler la scolarité d’un individu.

- Compétences oubliées : Faute d’entrainement et de pratique, certaines personnes désapprennent la lecture et l’écriture.

- Contextes sociaux défavorables à la maitrise des savoirs de base : Parmi les facteurs socioculturels jouant sur la maitrise de l’écrit, on retrouve, par exemple, le statut de la langue orale et écrite dans le milieu familial et social de l’enfant, l’importance que prend l’image à travers les médias par rapport à l’écrit…

- Facteurs socio-historiques et géopolitiques : Conflits, guerres, exodes sont des évènements qui ont des répercussions sur l’apprentissage des enfants, soit par un arrêt de la scolarité, soit par des traumatismes psychologiques ou des drames familiaux.

- Augmentation des exigences de la société : L’illettrisme est à considérer comme un problème qui va en s’aggravant. La société exige de plus en plus de compétences liées à l’information écrite et les places de travail ne demandant pas l’utilisation de l’écrit se font de plus en plus rares.

Les difficultés de lecture et d'écriture rendent l'insertion de l'adulte illettré dans son groupe et dans la société en général très difficile, notamment pour l'accès au marché du travail.

Bien parler une langue mais ne pas savoir l’écrire reste difficile à dire et provoque un sentiment de honte qui est un frein à un retour en apprentissage pour les adultes. Cependant diverses associations se mobilisent pour lever le tabou.

En France, le collectif « Agir ensemble contre l’illettrisme » qui regroupe 65 organisations nationales (du monde de l’éducation, de l’entreprise, de l’insertion, de la culture, de l’action sociale, des associations...) fédérées par l’Agence nationale de lutte contre l'illettrisme (ANLCI), qui avait présenté une candidature pour que l’illettrisme soit reconnu Grande Cause nationale de l'année 2013, travaille à sensibiliser le maximum de Français au phénomène de l'illettrisme.

Selon une enquête de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) réalisée entre 2011 et 2012, 7 % (soit environ 3 100 000 personnes) de la population française adulte âgée de 18 à 65 ans et ayant été scolarisée en France est illettrée, soit 2 % de moins qu'en 2004. 6 % de ceux qui exercent une activité professionnelle et 10 % des demandeurs d’emploi sont confrontés à l’illettrisme. Cette même enquête montre qu'au total 11% de la population française adulte âgée de 18 à 65 ans sont en « situation préoccupante face à l'écrit », 7% sont illettrés et 4% sont d'origine étrangère ou non scolarisés.

L'illettrisme touche plus les hommes (60,5 %) que les femmes (39,5 %). La proportion de personnes illettrées est relativement faible chez les jeunes (4 % des jeunes de 18 à 25 ans) mais plus importante chez les générations précédentes (53 % des illettrés ont plus de 45 ans). Ce taux important d'illettrisme n'empêche pas certaines de ces personnes d'avoir un emploi, 51 % étant dans la vie active et 23,5 % au chômage, en formation ou en inactivité. Cependant, 20 % des allocataires du revenu minimum d'insertion (RMI) sont en situation d'illettrisme.

Concernant la répartition géographique, il n'y a pas de différence notable entre les zones rurales et urbaines, même si dans les zones urbaines sensibles, le taux d'illettrisme est deux fois plus important (14 %) que dans la population générale (7 %).

Une autre statistique issue des enquêtes réalisées lors des journées défense et citoyenneté montre que « Les acquis en lecture sont très fragiles pour 9,6 % de jeunes français de 17 ans qui, faute de vocabulaire, n’accèdent pas à la compréhension des textes ». Et parmi eux, 4,1 % sont en situation d’illettrisme selon les critères de l’Agence nationale de lutte contre l’illettrisme (ANLCI). Le taux d'illettrisme dans la population carcérale est estimé à 40 %.

Sous l’égide de la Fondation de France, la fondation « Lire et Comprendre » créée en 2015 à l’initiative de Lila Bidaud, a pour objet la prévention de l’illettrisme des enfants de milieux défavorisés lorsqu’ils rencontrent des difficultés d’apprentissage de la lecture en cours préparatoire.

Lien vers la fondation Lire et Comprendre, cliquez ici.

Texte sous licence CC BY-SA 3.0. Contributeurs, ici. Photo : Kirill Zdorov - Fotolia.com.


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