Démission d’un salarié : arrêt surprenant de la Cour de cassation

Dans cette affaire, une salariée avait signé, sans réserves, une lettre de démission écrite par son employeur. Quelque temps plus tard, elle attaquait au conseil des prud’hommes en demandant que sa démission soit requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse. Une fois n’est pas coutume, la Cour d’appel et la Cour de cassation lui ont donné tort au motif que le vice de consentement n’était pas invoqué et que les témoignages fournis par l’employeur constituaient des éléments de preuve recevables...

Arrêt de la Cour de cassation, civile, Chambre sociale du 26 mai 2016.
Pourvoi n° 14-30094. 

« LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : 

Sur le moyen unique : 

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 26 mars 2014), que Mme X... a été engagée par la société Buffalo Grill en qualité d'agent de restauration polyvalente ; que victime d'un accident du travail le 3 mars 2011, elle a été placée en arrêt de travail jusqu'au 17 juin 2011 ; qu'à l'issue d'une visite de reprise en date du 23 juin, elle a été déclarée apte à son poste avec restriction par le médecin du travail ; que le lendemain, la salariée s'est présentée sur son lieu de travail et a signé une lettre de démission ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale le 5 décembre 2011 pour voir requalifier la démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir le paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail ; 

Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de dire que la démission est valable et de la débouter de ses demandes, alors, selon le moyen, que la démission ne se présume pas et ne peut résulter que d'une manifestation de volonté claire et non équivoque du salarié de mettre un terme à la relation de travail ; qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que, le jour même du retour de Mme X... de son arrêt maladie, et alors que le médecin du travail avait émis un avis d'aptitude avec restriction, l'employeur a entièrement rédigé une lettre de démission, et l'a fait signer par la salariée, qui était seule en sa présence ; que Mme X... a ensuite contesté sa volonté de démissionner ; que de telles circonstances suffisaient à exclure l'existence d'une volonté claire et non équivoque de démissionner ; qu'en jugeant au contraire valable la démission, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation des articles L. 1231-1 et L. 1237-1 du code du travail ; 

Mais attendu qu'appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel, devant laquelle n'était pas invoqué un vice du consentement pour faire annuler la démission et qui a relevé, d'une part que les témoignages, dont celui du délégué du personnel, attestaient d'une volonté non équivoque de la salariée de démissionner, d'autre part que l'intéressée, qui savait lire et comprenait le français, avait signé cette démission sans mentionner de réserve, ni justifier de reproche ou manquement à l'égard de l'employeur, de nature à établir une contrainte, a légalement justifié sa décision ; 

PAR CES MOTIFS : 

REJETTE le pourvoi ; 

Condamne Mme X... aux dépens ; 

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;          

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six mai deux mille seize. 

MOYEN ANNEXE au présent arrêt. 

Moyen produit par la SCP Marlange et de La Burgade, avocat aux Conseils, pour Mme X.... 

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que la démission de Madame X... était valable et produisait les effets d'une démission, et débouté Madame X... de l'ensemble de ses demandes, 

AUX MOTIFS QUE « (…) sur la rupture du contrat de travail : 

Au soutien de ses demandes, Mme X... indique que, ne sachant pas écrire le français, la lettre a été rédigée par le directeur, alors qu'elle était seule avec lui dans son bureau, caractérisant ainsi une pression, et après un premier avis médical mentionnant une prochaine visite 15 jours après et une éventuelle inaptitude. Mme X... indique ne pas avoir compris la portée du document et n'avoir aucun intérêt à démissionner. 

La société Buffalo Grill indique que lors de son retour le 24 juin Mme X... a clairement exprimé sa volonté de quitter l'entreprise craignant d'aggraver son état de santé et que, celle-ci ne sachant pas écrire, le directeur a alors rédigé le document. La société produit deux attestations aux termes desquelles la salariée a clairement manifesté son intention de quitter l'entreprise et ajoute que Mme X... l'a ensuite contactée afin de faire figurer sur l'attestation Pôle emploi comme motif de la rupture "fin de la période d'essai", ce que la société a refusé. 

Il convient de rappeler que la démission ne se présume pas et qu'elle ne peut résulter que d'une manifestation de volonté claire et non équivoque du salarié de mettre un terme à la relation de travail. 

Il ressort des éléments du dossier que, lorsque Mme X..., s'est présentée dans les locaux de l'entreprise le 24 juin, elle a fait part au directeur de ses craintes de reprendre le travail de peur d'une rechute et a indiqué préférer démissionner. 

Ainsi, M. Y..., délégué du personnel au sein de l'entreprise, atteste le 5 mars 2012 que "le 24 juin 2011, j'ai assisté à l'échange entre mon manager et Mme X..., cette dernière étant apte à une reprise du travail, suite à sa visite médicale, ne voulait pas reprendre son travail d'agent de restauration de peur de faire une rechute d'accident de travail. Etant angoissé par les douleurs qui paraissent survenir de nouveau, elle a dit à mon manager qu'elle voulait démissionner. Ils sont allés dans le bureau remplir les formalités d'actes de démission". 

De même, Mme Z..., leader de salle au sein du restaurant, atteste le 5 mars 2012 que "le 24 juin 2011 me situant au bar devant l'espace d'accueil de mon restaurant, j'ai assisté à la conversation de M Henri A..., mon manager, qui lui faisait comprendre qu'elle devait reprendre le travail. Craignant de refaire une chute de travail, elle a préféré démissionner pour préserver sa santé. Ils se sont rendus au bureau pour faire le courrier d'acte de démission." 

Il convient de rappeler que les témoignages, contenus dans les attestations fournies par l'employeur au soutien de ses griefs, ne peuvent être considérés comme étant faits par complaisance au seul motif qu'ils émanent de personnes ayant des liens avec l'employeur, sans éléments objectifs de nature à pouvoir suspecter leur sincérité ; en l'espèce, Mme X... ne produit aucun élément objectif permettant de mettre en doute les témoignages, dont l'un provient du délégué du personnel. 

S'il n'est pas contesté que la lettre de démission a été rédigée par le directeur, il ressort du dossier que Mme X... sait lire le français, ayant signé son contrat de travail et son annexe, le parler et le comprendre, la cour ayant pu le constater lors de l'audience ; en l'espèce, le courrier extrêmement court ne comprenait aucune difficulté. Enfin, il convient de rappeler qu'aucun formalisme n'est exigé par la loi pour que la démission soit valable, celle-ci pouvant même être verbale, ce qui ressort sans ambiguïté des attestations, ou écrite par un tiers si elle est signée par la salariée, ce qui est le cas en l'espèce. 

Par ailleurs, le fait d'avoir été seule avec le directeur pour la rédaction de la lettre ne caractérise pas à lui seul les pressions alléguées, d'autant que Mme X... n'a pas dénoncé les faits avant la saisine du conseil six mois plus tard. 

Il convient de souligner que le courrier du Pôle emploi adressé à Mme X... indique que la demande d'allocation déposée le 5 septembre 2011, soit plus de deux mois après la rupture du contrat de travail, avait été rejetée car Mme X... était " salariée d'un établissement public exclu du champ d'application du régime d'assurance chômage".

De même, Mme X... n'établit aucun reproche à l'encontre de l'employeur ni aucun manquement de sa part enlevant, en l'absence de tout élément objectif, tout fondement à la contrainte qu'elle allègue. Contrairement à ce qu'elle soutient, le médecin de travail n'avait aucunement émis une obligation d'aménagement du poste de travail ; seule une restriction de port de lourdes charges ou de flexion dos était précisée sur l'avis d'aptitude, avant une étude de poste. Enfin, il n'est pas non plus établi que l'employeur ait eu, le 24 juin 2011, connaissance de l'avis émis la veille par le médecin du travail. 

Enfin, contrairement à ce que soutient Mme X..., le contrat de travail n'était plus suspendu le 24 juin 2011, celle-ci reprenant son travail après l'avis d'aptitude délivré par le médecin du travail. De même, contrairement à ce qu'elle indique, Mme X... n'avait pas la qualité de travailleur handicapé à la date de la rupture du contrat de travail l'ayant acquise postérieurement, le 31 août 2011. 

En conséquence, il est établi que Mme X... a démissionné de manière claire et non équivoque et que cette démission lui est opposable. Il convient donc d'infirmer le jugement déféré et de débouter Mme X... de l'ensemble de ses demandes, principales et subsidiaires, en ce compris la demande relative au rappel de salaire formulée à titre subsidiaire en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse (…) », 

ALORS QUE la démission ne se présume pas et ne peut résulter que d'une manifestation de volonté claire et non équivoque du salarié de mettre un terme à la relation de travail ; qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que, le jour même du retour de Madame X... de son arrêt maladie, et alors que le médecin du travail avait émis un avis d'aptitude avec restriction, l'employeur a entièrement rédigé une lettre de démission, et l'a fait signer par la salariée, qui était seule en sa présence ; que Madame X... a ensuite contesté sa volonté de démissionner ; que de telles circonstances suffisaient à exclure l'existence d'une volonté claire et non équivoque de démissionner ; qu'en jugeant au contraire valable la démission, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation des articles L. 1231-1 et L. 1237-1 du Code du travail. »

Photo : FikMik - Fotolia.com.

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