Guibord s’en va-t’en guerre 

Steve Guibord est un membre indépendant du Parlement Québec-Nord. Un coup du sort politique l’amène à effectuer seul un vote décisif : le Canada doit-il entrer en guerre avec le Moyen-Orient ? Sans expérience et sans équipe, mis à part son stagiaire Souverain, un étudiant haïtien en sciences politiques, ils embarquent alors tous deux pour une tournée politique qui les mettra sur le chemin de pacifistes, de miniers, de routiers et de groupes aborigènes…


L’idée de départ vient de votre confrère, cinéaste et ami André Turpin ?
Oui. La genèse remonte à une soirée dans un bar plus précisément. Nous étions en train de prendre un verre et il m’a « offert » cette idée : un député qui, étant le seul à ne pas avoir annoncé ses intentions à quelques jours d’un vote libre au Parlement (sur l’avortement ou la peine de mort), se retrouve avec le vote décisif.

Dès lors, les lobbys accourent pour tenter d’influencer son vote. Je lui ai demandé, « Puis après ? ». Il m’a répondu, « Après, ça te regarde! ». Le récit restait à trouver. L’enjeu aussi. J'ai ensuite eu un coup de pouce de deux autres amis cinéastes. J'ai d'abord fait un premier voyage de recherche en Abitibi avec Vincent Lannoo [réalisateur belge de Strass, Au nom du fils. ndlr].

Comme le politique et l’absurde alimentent régulièrement l’imaginaire cinématographique belge, Vincent a été un collaborateur inspiré lors de cette genèse. Il m'a aidé à regarder d’un œil oblique une réalité québécoise qui m’était familière. Pour lui, tout était intéressant, nouveau et potentiellement riche en humour. Plus tard, alors que le scénario en était à sa huitième ou neuvième version, j’ai fait appel à Stéphane Lafleur. J’étais un peu bloqué sur le plan du récit car je craignais que la comédie vienne saborder le propos politique. Stéphane a été d’une aide précieuse pour identifier les enjeux importants et pour pousser d’avantage l’humour.

Quel genre de politicien Guibord est-il ?
C’est quelqu’un qui est entré en politique pour les bonnes raisons, et qui se rend rapidement compte du peu de marge de manœuvre dont il dispose. Mais il comprend comment il peut se rendre utile. En étant disponible, en connaissant son comté, et en se creusant une niche : assez rapidement dans le récit, on comprend en effet qu’il éprouve de la sympathie pour les autochtones. Mais il arrive au constat suivant : le politicien se fait toujours des ennemis et sort souvent vidé et meurtri de son mandat.

Est-ce qu’un politicien a inspiré, ou servi de modèle, au personnage ?
Pas vraiment. Les sources d’inspiration sont très diverses. Il y a eu Joé Juneau, un joueur de hockey de la ligue nationale qui, lorsqu’il a pris sa retraite de la patinoire, a employé ce sport comme synergie d’intégration, comme activité structurante, auprès des jeunes autochtones.

J’ai aussi été influencé par le documentaire de Manuel Foglia, Chers électeurs, qui suivait pendant dix-huit mois Daniel Turp, député péquiste de Mercier, et Charlotte L’Écuyer, députée libérale de Pontiac. Ce documentaire montrait pour une fois que le métier de politicien est difficile, parfois ingrat et pas toujours synonyme de pouvoir. Par ailleurs, en 2011, Jacques Matte, président du Festival du cinéma international en Abitibi-Témiscamingue, m’a présenté Marc Lemay, ex-député bloquiste de cette région, récemment défait par son opposant néodémocrate. Marc m’a fait faire une tournée de son comté et c’est là que j’ai pris la mesure de l’immense territoire qu’il avait eu à gouverner.

Dans les dernières années, les politiciens et la corruption ont beaucoup contribué au cynisme ambiant.
Oui, mais notre cynisme par rapport à la démocratie a aussi contribué au pourrissement de notre système. Nous réclamons plus de pouvoir pour nos députés d’arrière-ban. Nous trouvons que la ligne de parti empêche les députés de voter dans l’intérêt des citoyens de leurs comtés. Nous reprochons au mode de scrutin de ne pas être représentatif. Le film se veut en quelque sorte un laboratoire, dans lequel on remplit ces trois conditions, pour voir ce que ça donne. Et le résultat, c’est un bouillon explosif d’intérêts contradictoires. La démocratie pure, c’est de la science-fiction. 

Comédie canadienne de Philippe Falardeau. 3,8 étoiles Allociné.

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