L’olivier

Alma, jeune femme engagée, reprend l’exploitation agricole de son grand père. Ce dernier a été contraint de vendre son olivier millénaire à une multinationale et ne s’en est jamais remis. Alma décide de renverser l’ordre établi et remonte la piste de cet arbre unique, dernier ancrage dans ses terres familiales...

 

Aux origines de la fiction, la réalité d’un drame écologique
Paul Laverty avait été marqué par la lecture d’un article dans EL PAIS, racontant l’histoire d’oliviers millénaires déracinés puis envoyés au nord de l’Europe. Pour lui ce phénomène synthétisait une tendance plus globale. Dans certains pays comme la France ou la Chine, il est interdit de déraciner ces oliviers, donc ils doivent les importer ! Ces arbres âgés de près de 2 000 ans devenaient des produits de luxe pour les villas de France, de Chine, du Moyen-Orient ou d’Europe du nord… C’était la métaphore d’une époque où l’on spolie la nature, en la transformant, en la bétonnant, dans une logique à court-terme qui conduit à des désastres, humains et écologique. 

Avoir 20 ans dans un monde en crise
L’Espagne comme beaucoup de pays européens a traversé, ces dernières années, une récession économique sans précédent : début 2008, une crise immobilière suivie à l’automne de la même année d’une crise financière puis en 2012 d’une crise bancaire. Personne n’a été épargné. C’est dans ce contexte précaire que s’inscrit le film.

Mon personnage principal est une jeune femme d’une vingtaine d’années, j’avais envie de questionner cette génération perdue, frappée de plein fouet par la crise. Comment cette jeunesse envisage-t-elle l’avenir ? Comment répond-t-elle à la corruption et à la défiance envers les élites et les institutions ? Comment, en ayant grandi en pleine récession, perçoit-elle le gouvernement et ses représentants ? Alma a 20 ans et incarne cette génération laminée par le chômage et la précarité. Elle a hérité d’un pays en ruine, de terres vendues, achetées et revendues par des spéculateurs, d’un paysage transformé par des constructions, restant souvent inachevées. 

Alma
Le Bajo Maestrazgo, la région où nous avons tourné, est un territoire entre terre et mer, entre modernité et tradition, à la fois urbain et rural. Nombre des amis d’Alma ont dû quitter la région voire le pays en quête d’une vie meilleure. Beaucoup d’entreprises ont déposé le bilan ou ont fait faillite, la famille d’Alma n’a pas échappé à la règle.

Une exploitation d’oliviers millénaires aux troncs massifs, lentement sculptés par le temps, jouxte un élevage industriel de volailles.  Alma a grandi dans ces paysages. Petite, elle se réfugiait dans les troncs de ces arbres millénaires. Aujourd’hui en conflit permanent avec son père, l’affection qu’elle voue à son grand-père en est d’autant plus forte. Son grand-père Ramon incarne la sagesse et la confiance dans un monde qui se délite.

Et j’ai tenté de saisir la beauté de ces arbres millénaires en connexion entre Alma et son grand-père. En opposition avec un paysage moderne meurtri par des constructions inachevées en bord de mer.

Une fable sur un monde désenchanté et contrasté
Malgré un ton et une esthétique volontairement réalistes, le film est une fable. Ce parti pris permet d’accentuer les contrastes ; de la Méditerranée aux rives du Rhin, d’un village de la côte Est espagnole à la puissance industrielle et moderne d’une ville comme Düsseldorf.

La contradiction se retrouvera dans le décalage entre la nature, incarnée par cet arbre, cet olivier millénaire déraciné, et cette multinationale qui l’a érigé en symbole marketing du développement durable et placé dans une cage de verre. Ce contraste fait écho aux caractères des personnages ; la vitalité, l’énergie et la jeunesse d’Alma, face au silence, à la maladie de son grand-père.

Un ré-enchantement possible du monde
L’Olivier aborde l’espoir d’un ré-enchantement possible du monde. Apprendre à faire confiance à nouveau. À travers cette crise, au-delà de l’appauvrissement d’un pays, nous perdons quelque chose d’essentiel : l’espoir. Et c’est pourquoi, dans cette histoire, personne ne peut rester indifférent à la quête d’Alma ; entêtée à récupérer l’olivier de son grand-père. Alma est une force de la nature, capable d’inverser les courants…Ou du moins d’essayer, en embarquant avec elle d’autres personnes dans une mission impossible, presque chimérique.

Contre toute logique, Alma pressent que cet olivier peut changer les choses. L’histoire lui donnera raison. Certes elle se révélera impuissante face à la maladie de son grand-père, mais elle pourra renouer une relation forte avec son père. Se pardonner, lui pardonner, et reprendre espoir. Un début de confiance retrouvée, une nouvelle façon d’appréhender le futur. 

Drame espagnol de Iciar Bollain. 3,9 étoiles AlloCiné.

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