L'histoire passionnée du rugby français et international

Les Anglais ont toujours répugné à écrire les règles du jeu qu'ils ont inventé : le rugby est une culture, sa tradition est orale, pas écrite. Les Français adorent en revanche avoir quelques règles noir sur blanc : rien de plus savoureux que de les contourner pour prendre l'Anglais à son propre jeu. Quant aux Néo-Zélandais, ils sont passés, eux, maîtres dans l'art d'innover et de surprendre en respectant ces mêmes cadres de jeu. Il faut donc adapter la règle aux nouvelles évolutions du jeu, et tout recommence. La faute à William Webb Ellis et à son étrange course de 1823 ! Un modèle pour des générations entières qui n'ont cessé, à leur tour, de contester et d'améliorer le jeu...

Chaque nation, chaque village a, un jour ou l'autre, inventé sa version du jeu. Des Bayonnais ont trouvé leur vérité en adaptant le jeu des Gallois, des Toulousains en contestant aux Blacks leur monopole du mouvement perpétuel, et on a même vu des Anglais courir ballon en main : tout change, tout bouge dans ce sport incroyablement vivant. Malgré ce que grommellent les ronchons, le rugby s'est constamment bonifié même s'il a connu quelques sinistres périodes, des équipes désespérément besogneuses et des dirigeants pathétiquement bornés.

L'histoire du rugby est avant tout culturelle et transnationale : le plaisir du jeu, les Springboks ou les Montois le recherchent tout autant, le " French flair " et la relance des 22 sont peut-être des inventions galloises, le débat sur le professionnalisme existe depuis la nuit des temps, la France est une aberration culturelle dans un monde rugbystique anglo-saxon, et le joueur parfait pour les Anglais est un Français, Jean Prat, ou un Black, Richie McCaw, mais pas un Anglais.

Cette histoire thématique, affective et parfois débridée est aussi celle d'une autre idée du rugby. 

Préface des auteurs
Encore un livre sur le rugby ? Affirmatif. Quoi de neuf alors ? Sans aucun doute, la liberté qu'il prend avec son histoire, comme les joueurs savent la prendre avec leur jeu. Cet ouvrage est donc subjectif, gorgé de partis pris, injuste peut-être mais amoureux certainement. Le rugby est un jeu sans cesse réinventé qui aime que l'on se penche sur lui régulièrement comme un journal intime sous peine d'essoufflement : sa récente professionnalisation a modifié profondément ses codes, égratigné un peu sa culture et pourtant, toujours, il s'inscrit dans un passé où l'imaginaire prend le relais du présent, du réel, lequel enrichira à son tour les futures pages légendées. Chacun voit son match, chacun chérit ses joueurs.

Malgré la télévision, l'abondante littérature qu'il suscite, le rugby est un rêve de jeu collectif où chacun doit tenir sa place avec ses qualités propres au service d'un style, d'une identité, sans quoi il deviendrait autre chose. Mais quoi ? Éloigner ce risque de standardisation est également son défi pour les années à venir. Aussi, reprendre ici sans définitions figées, sans schémas établis, sans exhaustivité les grandes périodes de son évolution est pour nous le meilleur hommage à la nature même d'un sport vivant, en perpétuelle évolution.

Il n'est pas aussi populaire que le football ? Mais franchement, doit-il le devenir ? Certes, il peut l'être à l'occasion de grands matchs internationaux, d'événements tels que la Coupe du monde. Mais une fois replongé dans son bain naturel, les championnats, il retrouve le froid, la boue, ses accents provinciaux, ses limites géographiques, ses cultes nationaux si particuliers. Ainsi, si les Anglais ignorent les résultats de Mazamet et que les Français méprisent ceux des British & Irish Lions, ils participent toutefois à un tout qui, forcément, intrigue, nourrit les «passionnés». Le passionné de rugby amasse selon son origine et sa sensibilité. Le passionné n'a qu'un seul ennemi : l'autre passionné. Cela ne facilite pas la communication mais enrichit le débat. Finalement, tout point de vue mérite que l'on s'y attarde et surtout qu'on ne lâche pas son bout de gras. Le passionné est de mauvaise foi. Mieux qu'une tribune parlementaire, celle du rugby permet des excès sans gravité. Ceux des troisièmes mi-temps, bien sûr, mais aussi de langages qui peuvent heurter ceux qui ne se passionnent pas pour ce sport.

Le rugby est un voyage dans le temps et dans notre histoire moderne, celle de la première révolution industrielle, des colonies, des guerres mondiales. Ces périodes sont obscures, réservées, patinées, polies. Le rugby s'y distingue par son essence anglo-saxonne. Il s'y règle des contentieux historiques sous forme ludique, quoique férocement. Voyage sur d'autres continents, puisque les Néo-Zélandais, les Australiens et les Sud-Africains y ont conquis une forme d'indépendance vis-à-vis de la Couronne britannique. Pour les autres, les Latins, dont la France, il s'est agi d'imposer leur façon de voir, plus fantaisiste mais non moins farouche, à ceux qui guidaient le monde. La France, spécialiste du contre-pied, de la feinte, du coup d'éclat gascon a imprimé à ce sport son instinct, son sens du non-calcul, peut-être même du «bordel». Surtout, il fait douter les anglophones sur les fondations mêmes de ce qui a justifié la réglementation de la discipline, l'agressivité maîtrisée.

Enfin, le rugby est un sport qui avance avec lenteur. Les nations qui ambitionnent de rivaliser avec les «historiques» connaissent le sens des mots «progression» et «patience». Les Argentins et les Italiens peuvent témoigner après la France de l'inertie et des réticences des Britanniques à partager leur savoir. Ce livre se permet de retracer comment des hommes amoureux d'un ballon ovale et jaloux de leurs émotions partagées ont contribué à faire du rugby une succession d'histoires singulières qui, mises bout à bout, forment une chaîne humaine, de celles qui font des livres. 

Auteurs : Romain Allaire, Jean-Pierre Gonguet et Olivier Villepreux. Editeur : Hugo Sport, Paris.


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