Marguerite

Le Paris des années 20. Marguerite Dumont est une femme fortunée passionnée de musique et d’opéra. Depuis des années elle chante régulièrement devant son cercle d’habitués. Mais Marguerite chante tragiquement faux et personne ne le lui a jamais dit... 



Entretien avec Xavier Giannoli, le réalisateur  

Comment est né ce film ?  

Il y a une dizaine d’années, j’ai entendu à la radio la voix d’une improbable chanteuse d’Opéra qui interprétait « La Reine de la Nuit », de Mozart, mais en chantant totalement faux. C’était très drôle, saisissant… L’enregistrement était grésillant, ancien et mystérieux, comme « venu d’ailleurs ». Qui était cette chanteuse ? J’ai découvert qu’elle s’appelait Florence Foster Jenkins et qu’elle avait vécu aux Etats-Unis dans les années 40. Elle était riche, passionnée de musique et d’Opéra et surtout parfaitement inconsciente de la splendide fausseté de sa voix. Elle avait l’habitude de chanter devant un cercle d’habitués et jamais personne de son entourage ne lui avait dit qu’elle chantait complètement faux, par hypocrisie sociale, intérêt financier ou simplement lâcheté… La situation était déjà très amusante, avec quelque chose de cruel que j’avais envie d’explorer.  

Marguerite n’est donc pas un biopic…

Non, c’est une évocation libre d’un personnage qui a vraiment existé. C’est assez comparable avec le travail que j’avais fait pour à L’ORIGINE : je commence par une enquête fouillée, je me documente énormément, puis j’écris une histoire romanesque en en parlant avec ma complice Marcia Romano pour trouver les lignes de forces de l’histoire. L’important, c’est d’avoir un regard personnel, de proposer un point de vue sur la vérité humaine qui s’exprime dans un destin aussi original… et après de se sentir libre d’en faire du cinéma. Ma conviction, c’est qu’on a besoin de la fiction pour essayer de comprendre et sentir la réalité du monde et des êtres. Je ne pourrais pas me contenter d’une approche documentaire ni d’un pur travail de fiction. D’ailleurs quelque chose du personnage se cherche là : entre la vérité et le mensonge, la vie de l’acteur et ce qu’il joue, l’invention de soi-même. Sur le tournage, j’ai appris qu’un biopic hollywoodien était en projet. Cette démarche n’aurait de toute façon jamais été la mienne.   

Qu’est-ce qui vous touche chez Marguerite ?

J’aime les personnages à idée fixe, les obsessionnels, car ils entraînent tout le film dans leur mouvement et lui donnent une tension, un rythme, un point de fuite. Marguerite vit une passion, dans tous les sens du terme : l’apprentissage de la souffrance et le bonheur de vivre pour la musique. Elle chante divinement faux mais on sent qu’elle exprime un besoin rageur de vivre. Marguerite nous ressemble car nous avons tous besoin d’illusions pour vivre. 

Vous avez le sentiment d’avoir réalisé une comédie ?

Il y a quelque chose d’hilarant à la voir chanter faux des grands airs classiques ou risquer sa candeur désarmante au milieu des cyniques. Mais le film est d’abord une histoire d’amour entre un homme et une femme qui cherchent comment continuer à s’aimer. Alors oui, j’espère que l’on a envie de rire en suivant les aventures de Marguerite, mais j’espère également qu’entre deux rires, c’est aussi toute la vie humaine qui s’évalue : le désir et la mort. Marguerite finira dans les bras de l’homme qu’elle aime et qui l’aura aimée trop tard, comme dans un Opéra. C’est la cruauté qui empêche le mélodrame complaisant ou la comédie facile. 

Quand avez-vous pensé à Catherine Frot pour interpréter Marguerite ?

Je voulais une actrice qui imposerait une évidence physique, comme dans le cinéma américain que j’aime, et qui pourrait incarner la naïveté tout en n’étant plus une jeune fille. Il y a chez Catherine un scintillement juvénile et honnête, une générosité offerte qui la met en danger au milieu des cyniques et donc met les scènes sous tension. Elle a aussi une aura populaire qui approfondit l’émotion du personnage en marquant sa différence avec les dignes aristocrates de son milieu qui la méprisent et les Divas intouchables de ses passions. J’ai observé Catherine dans beaucoup de films mais le vrai déclic a été de la découvrir au théâtre dans OH LES BEAUX JOURS… de Samuel Beckett. Je me souviens d’une scène hilarante où elle parle avec une fourmi et d’un coup Marguerite était là, sans aucun doute. Soudain, en voyant la fourmi, elle dit : « Mais il y a de la vie, là ! » et c’était devenu une évidence.

Marguerite, drame de Xavier Giannoli avec Catherine Frot. 4 étoiles Allociné.

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