La responsabilité sociétale des entreprises

La responsabilité sociétale des entreprises (RSE) est un « concept dans lequel les entreprises intègrent les préoccupations sociales, environnementales, et économiques dans leurs activités et dans leurs interactions avec leurs parties prenantes sur une base volontaire ». Énoncé plus clairement et simplement, c'est « la contribution des entreprises aux enjeux du développement durable ». Les sociétés les plus incitées à communiquer sur ce sujet sont celles qui y sont obligées comme les sociétés cotées du CAC 40 en France dont les actions RSE sont suivies de près. Comme tout processus de communication, la communication dite sociétale (ou éco-communication) est un processus très complexe, qui peut induire certains risques...

La RSE est à découvrir au sein de chaque entreprise. Comme un Janus à double face, la RSE est paradoxale : certains acteurs ont tendance à créer un double langage entre discours et réalité alors que pour d'autres, elle constitue un engagement réel parce que volontairement soumis à des formes d'audits externes ainsi qu'au débat avec les parties prenantes. C'est la condition de survie pour les entreprises dans un environnement global et compétitif.

Le paradoxe créé par le double langage de certaines entreprises
Certains exemples de paradoxes sont rapportés par les médias. Un « paradoxe » survient quand d'un côté, une société s'engage dans une action de RSE, prend par exemple des engagements concernant le développement durable tandis que de l'autre côté, des révélations accusatrices et circonstanciées au sujet de ses pratiques émergent au grand jour. Certaines ONG comme Christian Aid ont clairement dénoncé des abus de la part de certaines grandes multinationales dans certaines parties du monde.

Par exemple aux États-Unis, McDonald's illustre ce comportement paradoxal. Société emblématique qui a toujours souhaité affirmer ses engagements économiques, sociaux voire environnementaux, cette société a été critiquée pour des pratiques d'affaires non éthiques. Lors du traitement de l'affaire McLibel par la justice britannique, celle-ci a confirmé certaines plaintes pour mauvais traitement des travailleurs, publicité abusive et traitement cruel des animaux. Le 15 février 2005, la Cour européenne des droits de l'hommea tranché en faveur de Helen Steel et Dave Morris, (deux militants écologistes) dans leur bras de fer avec McDonald's dans l'affaire du McLibel. L’avocat du duo a déclaré : « La Cour européenne des droits de l'homme a considéré que des violations des droits de l’homme avaient été commises à leur encontre – qu’il y avait eu une inéquité procédurale dans l’affaire et que les procédures adoptées n’étaient pas équitables. ». Wal-Mart est également un exemple saisissant de double langage en matière de RSE avec de lourds contentieux dans le domaine social.

De même, une société européenne comme Shell a largement participé en tant que pionnier « porte-drapeau » de la RSE mais en manquant pourtant en 2004 de rapporter à ses actionnaires une évaluation fiable de ses stocks pétroliers qui fondait sa valeur comptable.

Autre illustration, la manière dont on demande un reporting international sur l'ancrage territorial, avec des groupes de travail composés en vaste majorité d'entreprises et d'ONG, sans aucune participation d'élus régionaux, pose la question de la légitimité de l'information telle qu'elle est maniée par l'entreprise à des fins de communication.

Trahir ses engagements RSE, c'est pour l'entreprise se créer un risque systémique potentiel digne d'une épée de Damoclès

L'engagement de l'entreprise en matière de RSE l'oblige à être plus transparente dans le contrat social qu'elle avec les autres acteurs. Elle crée sa propre épée de Damoclès, d'autres auteurs ont évoqué un « risque mortel » par la médiatisation de ses actions.

À défaut d'honorer cet engagement, elle prend un risque médiatique de réputation voire de confiance par un effet de "boomerang". Ce risque viendra en cas d'abus manifeste tôt ou tard se rappeler avec force au bon souvenir de tous ceux qui souhaiteraient à mauvais escient manipuler les autres parties prenantes et les actionnaires en premier lieu. La sanction juridique peut se doubler d'une sanction boursière plus rapide et redoutable et saper in fine la réputation chèrement et patiemment acquise (sanction médiatique).

Une RSE "paradoxale" se paiera "cash". Enron et Parmalat sont deux contre-exemples emblématiques qui démontrent dans le seul compartiment de la RSE relatif à la gouvernance d'entreprise (ou gouvernement d'entreprise) des deux côtés de l'Atlantique, l'issue fatale de tentatives de manipulations qu'il s'agisse d'un capitalisme libéral ou familial, américain ou européen.

Une exigence concrète désormais incontournable pour la plupart des entreprises qui veulent perdurer

Pour les défenseurs de la RSE, la demande sociale est telle désormais pour les grandes entreprises comme pour les PME, qu'elles ne peuvent se couper de cette nouvelle exigence de RSE qui influe directement sur leur vente et leur rentabilité à moyen et long terme. La demande d'un nombre de consommateurs solvables avec la montée en puissance de l'achat éthique ou de consommation durable, impose peu à peu une transparence et une traçabilité des actions menées.

Les dirigeants de l'entreprise doivent par conséquent démontrer une performance à long terme y compris sur le terrain social et environnemental. Cet engagement permet de mesurer l'adaptabilité de son modèle qui ne peut se limiter uniquement à des considérations purement financières et économiques dans une logique trop simpliste de maximisation du profit à court terme. Dans une économie fortement globalisée et concurrentielle, l'adaptabilité de l'entreprise à toute donnée relative à son environnement devient la clef de sa stratégie voire de sa survie.

En Europe, le caractère d'économie sociale de marché et les engagements concrets dans le développement durable pris en particulier par l'Union européenne indiquent une forte propension des entreprises européennes à démontrer à l'avenir leur capacité à élaborer une équation RSE gagnante sur le triple performance (triple bottom line en anglais) ou triple P, signes de leur performances en matière de "Personnes" (volet social), Planète (volet environnemental), et Profit (volet économique) ("People", "Planet", « Profit » en anglais).

La multiplication des expériences concrètes de RSE notamment en Europe mais également dans le monde indique désormais qu'il s'agit plus d'un mouvement de fond irréversible de management qualitatif intégré que d'un effet de mode passager aux seuls relents médiatiques.

La RSE et les salariés
Béthoux, Didry et Mias (2007) mettent en évidence une autre dimension de la responsabilité sociale des entreprises, celle des salariés. À partir de l’analyse de « codes de conduite », ils soulignent en effet que les salariés sont au cœur de ces codes, soit comme destinataires, dans le cas de la référence aux droits fondamentaux de l’OIT (1998), soit comme acteurs de leur mise en œuvre, soit comme menace à l’égard des actifs de l’entreprise considérés comme propriétés des actionnaires (shareholders). Comme destinataires, les salariés visés sont principalement les salariés des entreprises sous-traitantes en contrat avec de grands groupes multinationaux.

Comme acteurs de la responsabilité sociale, les salariés visés sont les salariés de ces grandes firmes multinationales chargés de rapporter les abus pouvant engager la responsabilité de l’entreprise, à travers par exemple la création de lignes téléphoniques anonymes. Comme menaces pour l’intégrité de l’entreprise, les salariés peuvent émettre des revendications sur la propriété des découvertes auxquelles ils ont participé ou encore être à l’origine de conflits d’intérêts (népotisme, corruption).

Ce regard sur les codes de conduite recensés par l’OIT fait donc apparaître la responsabilité sociale de l’entreprise sous un jour différent, en dégageant l’intérêt des actionnaires (shareholders) à se conformer à des principes moraux, mais aussi en faisant apparaître l’ensemble des salariés concernés par ces engagements de l’entreprise. Ainsi, ces codes de conduite comme manifestation de la responsabilité sociale de l’entreprise contribuent à définir le champ d’action de l’entreprise à l’échelle mondiale, c’est-à-dire la firme multinationale elle-même comme collectif de salariés (intégrant la sous-traitance) contribuant la réalisation de ses produits.

Défis clefs
Parmi les défis clefs que doit affronter la RSE :

- La règle implicite des affaires qui veut que les cadres dirigeants s'empêchent de s'impliquer dans une activité qui pourrait réduire les profits.

- Pour certains, telle ou telle des parties prenantes peut se trouver en position dominante et privilégier ses objectifs propres.

- Les mécanismes habituels sont prévus pour gérer le problème essentiel des agents économiques, telle la vision comptable, les stocks options, l'évaluation des performances, l'attribution de compensations liées ainsi que tous les autres mécanismes qui visent à accroître leur suivi aux actionnaires.

Pour cela, il devient évident que la démarche de RSE peut seulement se réaliser en règle générale dans ses volets à caractère social et environnemental, sous réserve que cette démarche n'empêche les profits ; d'où le slogan RSE, "doing well by doing good" (faire bien en faisant le bien). Cela suppose que les ressources dispensées en matière de RSE doivent avoir un retour sur investissement plus élevé que d'autres ressources qui pourraient produire un tel rendement par d'autres manières et qui sont d'autant de stratégies fréquemment suivies (par exemple, investissement en capital, productif, lobbying en matière fiscale, sous-traitance, externalisation off-shore, lutte contre les mouvements syndicaux, risques réglementaire ou de marché").

Les dernières études sur l'attendu des dirigeants montrent la nécessité de bien valoriser la démarche en démontrant le retour sur investissement (ROI).

Texte sous licence CC BY-SA 3.0. Contributeurs, ici. Photo : morganimation - Fotolia.com.

 

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