La nina de fuego

Bárbara est une belle femme vénéneuse et psychologiquement instable, que son mari tente de contenir. Damiàn n’ose pas sortir de prison de peur de la revoir. Luis veut la faire chanter mais ne réalise pas encore qu’il joue avec le feu. Le trio se retrouve plongé dans un tourbillon de tromperies où la lutte entre la raison et la passion tourne à la guerre des nerfs…

Carlos Vermut aime les choses ordonnées. Son premier film, Diamond Flash, portraits croisés de cinq femmes, était découpé en trois chapitres : Famille, Identité, Sang. Le second, La niña de fuego reprend cette idée de trinité. Ses segments sont nommés : Monde, Démon, Chair. Des termes loin d’être innocents. De toutes façons rien ni personne n’est innocent dans La niña de fuego. Pas Luis, ce prof au chômage prêt à tout pour que sa fille, atteinte d’une maladie réalise son vœu: avoir la robe de son personnage de manga favori. Ni Bárbara, l’étrange femme qu’il va croiser et faire chanter. Encore moins Damiàn, un taulard qui ne s’est jamais remis de sa liaison avec la décidément intrigante Bárbara.

Si Vermut aime les choses ordonnées, c’est pour mieux parler du désordre. C’est lui le vrai fil conducteur de La niña de fuego, film à la structure fracturée. Au spectateur de mener l’enquête, faire attention aux indices laissés, certains visibles, d’autres moins. Entre une pièce qui est trouvée par terre dans une séquence et le hobby de Damiàn, le message est clair : il va falloir recomposer le puzzle entre ces trois personnages au fur et à mesure des déductions. Voire des intuitions quand Vermut, en amateur de film noir, laisse autant de choses en pleine lumière que d’autres dans l’ombre. Le scénario prend des virages que les frères Coen ne renieraient pas (ah, cet improbable et incroyable premier contact entre Luis et Bárbara...), entre ironie du sort et humour noir.

Vermut entretient ce même goût pour les convergences des destins, la logique imprévisible du hasard, toujours prêt à nous faire des croches-pattes.On pourrait aussi parler de Buñuel pour l’importance de la symbolique ou d’Almodóvar pour cette combinaison entre thriller et esthétique rococo ou celle entre les personnages de cette sarabande, tous reliés par un certain mal-être. Vermut trouve cependant une voix personnelle par cette humeur imprévisible, passant de l’absurde au glaçant. Parfois les deux en même temps. Quand Bárbara tient le bébé d’un couple ami et lance « j’imagine vos têtes si je le lançais par la fenêtre », on rit et on frissonne. Quand Lucia, la fille ado malade de Luis, lui demande un gin-tonic et une clope, qu’il finit par lui donner, on râle autant qu’on est ému.

En sachant doser les choses, être à certains moments frontal, à d’autres suggestif, La niña de fuego souffle délicieusement le chaud et le froid, jusque dans le cou de l’Espagne en crise. Dans une séquence, il est question de la corrida comme une chose intouchable dans le pays. Plus de doutes : La niña de fuego est comme une arène où le rationnel et les pulsions se livrent à cette danse d’amour et de mort, absolument excitante parce qu’on ne saura qu’à la fin qui aura le dessus sur l’autre.

Thriller de Carlos Vermut. Goya 2015 de la meilleure actrice pour Barbara Lennie.

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