Harcèlement moral : le salarié doit établir l’existence de faits

L’article L. 1152-1 du Code du travail définit le harcèlement moral de la manière suivante : « Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique et mentale ou de compromettre son avenir professionnel »...

Cependant, quand un salarié devant le conseil de prud’hommes s’estime victime de harcèlement moral, il doit produire des faits permettant d'établir l’existence d’un tel comportement afin d’établir la matérialité de faits « précis et concordants » qui constituent selon lui un harcèlement moral. Dans le cas contraire, les juges le débouteront. 

C’est ce que la Cour de cassation vient de rappeler concernant une affaire où le salarié n’avait produit aucun témoignage de collègues de travail ou de tiers. De plus, les courriels présentés ne démontraient aucune attitude déstabilisatrice de l’employeur. 

Extrait de l’arrête de la Cour de cassation, civile, Chambre sociale du 14 octobre 2015.
Pourvoi n°  14-11207. 

« LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : 

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 5 décembre 2013), que M. X... a été engagé par la société SFR le 28 avril 1998, en qualité de technicien de maintenance au sein de la direction du réseau Centre Est, puis en qualité de « chargé de support BSS radio » ; qu'il a été placé en arrêt de travail le 16 mai 2001 et a été reconnu travailleur handicapé le 10 juillet 2003 ; qu'il a repris le travail à compter du 1er octobre 2003 mais a été déclaré inapte par avis d'inaptitude des 30 janvier et 15 février 2007 et a été licencié le 11 avril 2007 pour inaptitude physique ; 

Sur le moyen unique : 

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire qu'il ne démontrait pas que la société SFR aurait eu des agissements de harcèlement moral à son égard, que la procédure de licenciement pour inaptitude était régulière et fondée, et de le débouter en conséquence de l'ensemble de ses demandes, alors, selon le moyen : 

1°/ que le harcèlement moral est constitué, indépendamment de l'intention de son auteur, dès lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel ; que la charge de la preuve du harcèlement moral ne pèse pas sur le salarié ; que pour débouter M. X... de ses demandes, la cour d'appel a retenu que celui-ci ne démontrait pas que la société SFR aurait eu des agissements de harcèlement moral à son égard ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a fait peser sur le seul salarié la charge de la preuve du harcèlement et a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 

2°/ que, lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision était justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément relevé que M. X... versait aux débats une multitude d'écrits de sa part dénonçant les faits dont il avait été victime depuis son retour d'activité au 1er octobre 2003 et des attestations ou certificats médicaux dans lesquels étaient retranscrits sa souffrance au travail, qu'il identifiait dans ses écritures d'appel des manquements susceptibles d'avoir été commis à son encontre par son employeur, que les avis du médecin du travail comportaient certaines préconisations concernant son poste de travail, les efforts physiques et le stress, que des médecins avaient pu constater un état dépressif, un mal être présenté par celui-ci, et que si, dans son rapport du 4 octobre 2006, il se félicitait de la qualité de l'aménagement de son poste de travail, il regrettait que cette adaptation se soit faite « plus de vingt et un mois après ma réinsertion » ; que M. X... produisait en outre un arrêt de travail en date du 23 janvier 2007 faisant état de son « épuisement professionnel », ainsi qu'un courrier du 12 juin 2007 adressé au médecin du travail par le docteur Y... du service des maladies professionnelles du centre hospitalier Lyon Sud, aux termes duquel ce dernier constatait que M. X..., qui occupait des fonctions de cadre, s'était retrouvé sur un poste d'agent d'exploitation, que la dégradation en matière d'identité personnelle et professionnelle était donc considérable, et qu'avec de telles conditions de départ, il y avait très peu de chances que le reclassement ainsi engagé donne un bon résultat ; que M. X... établissait donc l'existence d'éléments qui, pris dans leur ensemble, caractérisaient des agissements répétés ayant eu pour effet une dégradation de ses conditions de travail, ainsi qu'une incidence sur son état de santé et son inaptitude ; qu'il appartenait dès lors à l'employeur de prouver que ces agissements n'étaient pas constitutifs d'un harcèlement et que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; 

Mais attendu que la cour d'appel, appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, a constaté que, si le salarié versait aux débats une multitude d'écrits, aucun témoignage de collègues de travail ou de tiers n'était produit, que les courriels échangés ne démontraient aucune attitude déstabilisatrice de l'employeur, que les préconisations du médecin du travail avaient été respectées ainsi que les mi-temps thérapeutiques, qu'aucun élément ne corroborait un retard mis par l'employeur à prendre en compte l'adaptation à l'environnement professionnel du salarié et qu'ainsi, le salarié n'établissait pas de faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ; 

PAR CES MOTIFS : 

REJETTE le pourvoi ; 

Condamne M. X... aux dépens ; 

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; 

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze octobre deux mille quinze. »

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