Un Français

Marco est un skinhead, un vrai. Avec ses copains, Braguette, Grand-Guy, Marvin, il cogne les Arabes et colle les affiches de l’extrême droite. Jusqu’au moment où il sent que, malgré lui, toute cette haine l’abandonne. Mais comment se débarrasser de la violence, de la colère, de la bêtise qu’on a en soi ? C’est le parcours d’un salaud qui va tenter de devenir quelqu’un de bien... 

 

Entretien avec Diastème, le réalisateur

Qu’est-ce qui a déclenché l’écriture de ce film ?
C’est assez étrange. J’avais commencé à écrire un livre intitulé Un Français, dont le sujet était partiellement similaire. Et le jour de la mort de Clément Méric, à la télévision, j’ai revu dans le camp de ses agresseurs des visages que j’avais croisés dans mon enfance ou mon adolescence. Me rendre compte que ces gens avaient mon âge, que leur haine était la même que quand ils avaient 18 ans, cela m’a bouleversé. Rien n’avait bougé. J’ai trouvé cela troublant, et romanesque. J’ai pensé que s’il y avait un seul sujet à traiter aujourd’hui, ce serait celui-ci : un personnage que l’on suit sur trente ans et qui, lui, se débarrasse de la haine et de la violence au fond de lui. C’était un sujet de film. En deux jours, j’avais écrit vingt pages…  

Que Marc trouve-t-il dans le compagnonnage de la bande ?
Ce sont ses amis d’enfance, ses frères. Il n’est pas le théoricien du groupe, c’est Braguette. Marc est un suiveur, il répète ce qu’on lui dit, et comme dans les bandes, quand on se bat, on se bat ensemble. Au début du film, il est vraiment idiot. Le vrai problème de ces gens-là, c’est leur bêtise, l’école républicaine n’a pas fait son travail avec eux. Comme elle n’arrive malheureusement pas toujours à le faire aujourd’hui. Un jour, peut-être, l’un d’entre deux prendra un livre, par hasard, et découvrira un autre monde. Ou partagera un job avec un noir, le trouvera sympathique, ils se trouveront des points communs, ils rigoleront ensemble, et il ne pensera plus la même chose. Malheureusement, cette haine de l’autre, cette peste, n’a fait que grandir en trente ans.  

Qu’est-ce qui, lui, le fait changer ?
De petites choses, des rencontres, une prise de conscience sur la longueur. Je ne voulais pas d’un moment-clé, d’une scène de miracle où, si vous me passez l’expression, il « verrait la Vierge» et abandonnerait la violence. Comme un clin d’œil, au cours d’une randonnée au Cirque de Navacelles, je lui fais effectivement voir une statue de la Vierge… Mais quand on est obtus, on ne s’ouvre pas du jour au lendemain. Au sein de la bande, Marc est peut-être le plus dangereux, mais cette violence en lui le surprend pendant un combat avec un redskin sur le capot d’une voiture. Il se rend compte qu’il peut tuer quelqu’un à mains nues, sans aucune raison, et cela le terrifie. J’ai lu des témoignages d’anciens skinheads racontant ce genre de choc, avec des conséquences bénéfiques.

Ce qui différencie Marc des autres, c’est qu’il n’a jamais pris de plaisir à la violence. Le plaisir ne l’intéresse pas beaucoup et cela le protège.  Dans sa prise de conscience, quel est le rôle du pharmacien joué par Patrick Pineau ? Parfois le hasard met sur notre route des inconnus qui vont prendre une grande importance dans nos vies. Ce pharmacien, qu’il a rencontré par hasard, ne le regarde ni comme un monstre, ni comme un ami, mais comme quelqu’un qui a besoin d’aide. Il ne s’arrête pas aux apparences et bizarrement, cela marche dans les deux sens. Il ne va pas le faire changer à lui seul, mais il va participer à sa métamorphose.

Le problème de Marc, c’est qu’en se débarrassant de ses idées, il se débarrasse de ses amis qui sont sa famille. Il est seul, son happy end est épouvantable. C’est l’histoire d’un salaud qui devient un mec bien, mais ne s’en remettra jamais.  

A-t-on observé des cas de transformations aussi radicales que celle de Marc ?
Oui, notamment cet ancien skinhead, un des plus redoutés alors, qui est aujourd’hui moine bouddhiste du côté de Rouen et qui a ouvert un centre pour accueillir les jeunes à problèmes. Et cet autre, de mon quartier, qui est aujourd’hui revenu vers Colombes, où il est devenu éducateur pour enfants des cités, et dont le discours de paix et de respect est pour le moins différent de celui qu’il tenait à l’époque. Ces cas ne sont pas uniques, et cela donne de l’espoir, me  semble-t-il, dans un monde qui en manque, où les événements nous poussent à croire que la violence et la folie humaine sont une fatalité, que l’on n’en sortira jamais.

Eux en sont sortis, et leurs comportements, aujourd’hui, sont exemplaires. Je n’aime pas le mot « rédemption », car c’est un terme religieux – et je ne voulais pas que mon personnage passe d’une idéologie à une autre, fût-elle basée sur l’altruisme et l’amour – mais cette idée de devenir quelqu’un de meilleur, disons même quelqu’un de bon, est à la base de l’écriture. Cela vaut pour Marco, cela vaut pour nous tous.

Drame de Diastème (Patrick Asté). Sortie en salles le 10 juin.

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