Transaction : elle peut être évoquée, sans précisions, avant la rupture du contrat de travail

Une transaction entre un salarié et son employeur ne peut être conclue qu’après le licenciement. Dans cette affaire une salariée avait voulu rendre nul un protocole transactionnel au motif que des négociations avaient eu lieu avant le licenciement. La Cour de cassation rejette sa demande qu’elle elle n’a pu apporter la preuve écrite et chiffrée que la proposition de son employeur correspondait à la transaction signée après le licenciement...

Arrêt de la Cour de cassation, civile, Chambre sociale du 13 mai 2015.
Pourvoi n° 14-10116. 

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : 

Sur le moyen unique : 

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 12 mars 2013), que Mme X..., engagée le 28 mars 2007 par la société Bureautique Rhénane, exploitant sous l'enseigne Fac similé, a été licenciée le 8 janvier 2011 ; que les parties ont signé un protocole transactionnel portant la date du 18 janvier 2011 ; que la salariée a saisi la juridiction prud'homale notamment d'une demande en nullité de la transaction ; 

Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande, alors, selon le moyen, qu'une transaction sur les conséquences d'un licenciement ne peut être valablement conclue qu'après celui-ci, ce qui exclut l'existence de négociations sur la transaction à venir avant le congédiement, peu important alors la date de signature de la transaction ; qu'il résulte des constatations de la cour d'appel que, dès le 31 décembre 2010, Mme X... avait fait savoir à l'employeur qu'elle ne pouvait pas accepter la transaction proposée, que le licenciement avait été prononcé le 8 janvier 2011 et la transaction signée le 18 janvier suivant ; qu'en estimant régulière cette transaction, malgré des discussions entre les parties antérieures au licenciement, peu important qu'il ne soit pas établi que la transaction signée ait été identique à celle qui était discutée, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-6 et L. 1232-4 du code du travail et 2044 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé que le courriel du 31 décembre 2010 ne faisait état que d'une proposition de transaction et ne mentionnait pas le contenu de celle-ci ni la somme revenant à la salariée, en sorte qu'il n'était pas établi que cette proposition correspondait à celle signée et datée du 18 janvier 2011, la cour d'appel a, sans encourir les griefs du moyen, légalement justifié sa décision ; 

PAR CES MOTIFS : 

REJETTE le pourvoi ; 

Condamne Mme X... aux dépens ; 

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; 

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize mai deux mille quinze et signé par Mme Vallée, président, et Mme Piquot, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de la décision. 

MOYEN ANNEXE au présent arrêt 

Moyen produit par Me Occhipinti, avocat aux Conseils pour Mme X... 

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la transaction signée le 18 janvier 2011 par Mme X... et la société Bureautique Rhénane était valide et régulière et d'AVOIR en conséquence dit que cette transaction emportait dessaisissement de la cour et que les demandes de Mme X... étaient irrecevables ; 

AUX MOTIFS QUE chacune des parties a produit le même protocole d'accord qu'elles ont signé et paraphé à chaque page et qui porte la date du 18 janvier 2011 ainsi que les mentions manuscrites par chaque partie : "Lu et approuvé - Bon pour transaction et désistement d'action dans les termes et conditions rappelées ci-dessus au sens de l'article 2044 et suivants du Code civil" ;

cette transaction mentionne que Madame Fatima X..., engagée en qualité de gestionnaire clientèle le 28 mars 2007, a fait l'objet d'une mesure de licenciement pour faute grave qui lui a été notifiée par lettre recommandée avec avis de réception en date du 8 janvier 2011 aux motifs qu'elle a commis des manquements récurrents dans l'établissement des dossiers de vente, qu'elle n'a pas établi les états prévisionnels de facturation de chiffre d'affaires H.T. et ce malgré les mises en garde verbales restées délibérément sans effet sur l'accomplissement des tâches administratives dévolues à sa fonction, que plusieurs litiges ont opposé Madame Fatima X... à sa hiérarchie "concernant notamment la validation et l'établissement des dossiers, l'organisation de CANON EXPO 2010 et le suivi des reprises des matériels en clientèle" ;

cet accord prévoit, s'agissant du chapitre relatif aux "concessions réciproques", que Madame Fatima X... "renonce à contester le motif du licenciement et son caractère de faute grave compte tenu du caractère pour le moins tendu avec sa hiérarchie, ce qui de par son comportement ne permet pas la poursuite des relations contractuelles" ;

dans ce même chapitre Madame Fatima X... reconnait de son côté que les propos tenus dans le courrier adressé à la Direction des opérations Filiales le 29 octobre 2010 étaient motivés pour les besoins de sa cause et s'avèrent dénués de tout fondement notamment en ce qui concerne la véracité des allégations visant Monsieur René Y..., que "Monsieur René Y... renonce de ce fait et sur la base de cette déclaration de Madame Fatima X... à diligenter des poursuites judiciaires sur le fondement de la tenue de propos diffamatoires ou de dénonciation calomnieuse qu'il est en droit, selon lui, légitimement d'initier..." ;

ce même accord prévoit "à titre d'indemnisation du préjudice moral et financier subi par Madame Fatima X... en raison de son licenciement et compte tenu du marché de l'emploi, de son âge et des charges personnelles auxquelles Madame Fatima X... devra faire face, la Société Bureautique Rhénane SAS accepte de lui verser à titre de dommages-intérêts la somme brute globale, forfaitaire et définitive de 1.000 Euros . Somme soumise à la CSG et à la CRDS conformément au taux applicable, ce qui correspond à un montant net à l'ordre de Madame Fatima X... de 9.224 € " ;

une telle transaction ayant pour objet de mettre fin au litige résultant d'un licenciement ne peut valablement être conclue qu'une fois la rupture intervenue et définitive ;

Madame Fatima X... soutient que cette transaction a été signée avant le 28 décembre 2010, soit avant la notification de son licenciement, ce qui entraînerait dès lors la nullité du licenciement, tandis que l'employeur soutient, quant à lui, qu'elle a été signée à la date figurant dans la transaction, soit le 18 janvier 2011 et dès lors après la date de la notification du licenciement que pour tenter d'établir que la transaction a été signée le 28 décembre 2010, Madame Fatima X... a versé aux débats la copie d'un courriel qu'elle a adressé le vendredi 31 décembre 2010 à Monsieur René Y... ainsi libellé : "Je me vois dans l'obligation de revenir sur ma décision, je ne peux donc accepter la transaction proposée. Je souhaiterais vous voir lundi 3 janvier 2011 pour en discuter";

cependant ce courriel ne fait état que d'une proposition de transaction et non d'une transaction déjà signée et ne mentionne pas même le contenu de la transaction et de la somme revenant à Madame Fatima X... en sorte qu'il n'est pas même établi que la proposition de transaction dont elle fait état correspond à celle qu'elle a signée et qui est datée du 18 janvier 2011 ;

il convient par ailleurs de constater que Madame Fatima X... a signé la transaction datée du 18 janvier 2011 et qu'elle a apposé son paraphe sur chacune des pages de ce document et notamment sur la page 6 qui porte mention de la date du 18 janvier 2011 ;

en outre cette transaction indique expressément que "Madame Fatima X... a fait l'objet d'une mesure de licenciement pour faute grave adressée par lettre recommandée en date du 8 janvier 2011", soit à une date antérieure à la date de la transaction ;

il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'il y a lieu de retenir que la transaction a bien été signée par les parties le 18 janvier 2011 ;

ensuite la lettre recommandée avec avis de réception par laquelle la Société Bureautique Rhénane a notifié à Madame Fatima X... son licenciement a été expédiée le 8 janvier 2011 et l'avis de réception de cette lettre a été signé par Madame Fatima X... le 10 janvier 2011 ; ainsi, la transaction a été valablement conclue après la notification du licenciement pour faute grave ;

s'agissant des concessions réciproques, il appartient au juge de vérifier l'existence des motifs invoqués par l'employeur à l'appui du licenciement, même s'il n'a pas à se prononcer sur leur caractère réel et sérieux ;

Madame Fatima X... était en état de grossesse à la date du licenciement ;

en vertu de l'article L 1225-4 du Code du travail l'employeur ne pouvait rompre le contrat de travail de Madame X... qui était en état de grossesse médicalement constaté que s'il justifie d'une faute grave de l'intéressée non liée à l' état de grossesse ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement ;

en l'espèce l'employeur a fait état dans la lettre de licenciement de faute grave de la salariée en invoquant divers griefs ;

il a repris dans la transaction les motifs pour lesquels il a retenu la faute grave dans la lettre de licenciement ;

par ailleurs, en contrepartie de toute contestation de la salariée des motifs du licenciement et de leur caractère de faute grave, l'employeur a accepté de verser à la salariée la somme de 10.000 Euros à titre de dommages-intérêts, il y a lieu dès lors de constater les concessions réciproques des parties, eu égard notamment à l'importance de la somme allouée ;

il convient dès lors de constater la validité de cette transaction signée par les parties le 18 janvier 2011 ;

cette transaction régulière a, dès lors, entre les parties autorité de la chose jugée en dernier ressort, et emporte dessaisissement de la Cour, les demandes de Madame Fatima X... présentées devant la Cour étant ainsi irrecevables ; 

ALORS QU'une transaction sur les conséquences d'un licenciement ne peut être valablement conclue qu'après celui-ci, ce qui exclut l'existence de négociations sur la transaction à venir avant le congédiement, peu important alors la date de signature de la transaction ;

qu'il résulte des constatations de la cour d'appel que, dès le 31 décembre 2010, Mme X... avait fait savoir à l'employeur qu'elle ne pouvait pas accepter la transaction proposée, que le licenciement avait été prononcé le 8 janvier 2011 et la transaction signée le 18 janvier suivant ;

qu'en estimant régulière cette transaction, malgré des discussions entre les parties antérieures au licenciement, peu important qu'il ne soit pas établi que la transaction signée ait été identique à celle qui était discutée, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-6 et L. 1232-4 du code du travail et 2044 du code civil.

Photo : sebastian kaulitzki - Fotolia.com.

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