Titli, une chronique indienne de Kanu Behl

Dans la banlieue de Delhi, Titli, benjamin d’une fratrie de braqueurs de voitures, poursuit d’autres rêves que de participer aux magouilles familiales. Ses plans sont contrecarrés par ses frères, qui le marient contre son gré. Mais Titli va trouver en Neelu, sa jeune épouse, une alliée inattendue pour se libérer du poids familial… 

Entretien avec Kanu Behl, le réalisateur  

On dit que les premiers films sont souvent très personnels. Est-ce le cas de TITLI, UNE CHRONIQUE INDIENNE ?
Le film s’inspire effectivement d’une expérience personnelle. J’ai eu une relation très compliquée avec mon père en grandissant, et comme beaucoup de jeunes hommes en Inde, j’ai essayé d’échapper à sa présence oppressante. J’ai commencé à me chercher, j’ai quitté la maison et vécu mes propres expériences. J’ai finalement intégré une école de cinéma, et dans les années qui ont suivi, j’ai pris conscience que plus j’étais obsédé par l’idée de ne pas ressembler à mon père, plus je devenais comme lui et plus cela m’oppressait.

Même si ce que je faisais était différent, l’esprit dans lequel je le faisais était semblable au sien. J’en ai pris conscience en écrivant le scénario. Le film était sur le point de se faire. Un gros studio était intéressé, on me disait : « Ton chèque est prêt, signe et on lance la production. » J’ai fui ! C’est seulement à la troisième version du scénario que j’ai véritablement su de quoi je voulais parler.

La question était : « Où est la racine du problème ? Je veux échapper à l’oppresseur, mais je suis comme lui. » Et c’est là que je voulais aller : au moment où l’on se sent capable de briser le cycle. Je ne sais pas ce qui arrive aux personnages après la fin du film, je ne sais pas si oui ou non, ils pourront échapper à ce cercle vicieux mais je crois qu’au moins, à la fin, ils en ont envie. 

Vous êtes-vous identifié à TITLI, UNE CHRONIQUE INDIENNE ?
Je crois que je m’identifie aux trois hommes. J’ai été Titli mais heureusement je ne le suis plus. J’ai craint de devenir Vikram, comme presque tous les indiens : ce frère aîné, qui s’imagine qu’on lui a fait du tort, qui a hérité d’un comportement de la génération pré- cédente, qui doit faire face à de nombreuses désillusions, qui essaye de les surmonter mais se lamente constamment sur ce qu’il n’a pas eu.   

Le film aborde beaucoup de sujets : le mariage forcé, la pauvreté, la violence qui naît de la pauvreté...
Ce qui m’intéressait vraiment, ce sont les fantômes qui hantent les familles, cette circularité. Je ne savais pas qui blâmer, ou que dire sur ces problèmes mais je savais que quelque chose devait être dit. Qui est responsable ? Titli ? Vikram ? Le père qui se tait et sur lequel Titli se méprend (je pense que c’est une erreur de se dresser contre lui, et de lui dire « tu es le vrai porc », parce qu’il ne l’est pas) ? Qu’en est-il du grand-père décédé dont la photo trône dans la maison ?

J’ai eu l’idée de mettre cette photo, la semaine  où j’ai découvert le psychiatre R.D. Laing et son livre intitulé “The Politics of The Family”, écrit il y a près de 50 ans. J’ai lu le livre et ce qu’il disait rejoignait mes pensées ! Il expliquait comment les images sont transférées inconsciemment d’une personne à l’autre au sein d’une même famille. Parfois, on ne connaît même pas ses grands-parents, mais les parents transmettent quelque chose d’eux aux petits-enfants, en disant par exemple : « tu es exactement comme ton grand-père », et c’est comme cela que les fantômes s’installent. 

Drame policier de Kanu Behl. Cannes Un Certain Regard 2014 - Prix de la Critique Festival du Film de Bordeaux - Prix du Public Festival du Film de l’Asie Extrême à Paris - Prix du Jury du Festival du Film d’Asie de Tours. 

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