Les risques d’un chèque non daté

Lors de la vente d'un bien immobilier par une société, un acheteur fait un chèque de 15 000 €. Quelque temps plus tard, il fait opposition au chèque pour motif de perte. Le gérant de la société vendeuse l'assigne en justice afin de déclarer l'opposition illégale et d'obtenir le paiement de la somme du chèque. Pour sa défense, l'acheteur fait remarquer au tribunal que le chèque n'est pas daté ni ne comporte le lieu de création. Les juges du fond comme la Cour de cassation donnent raison à l'acheteur en s'appuyant sur le code monétaire et financier et tirant les conséquences qui s’évinçaient de l’absence des mentions obligatoires du chèque...  

Arrêt de la Cour de cassation, civile, Chambre commerciale n° 13-20.895 du 16/12/14 

« LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant : 

Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches : 

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 mars 2013) et les productions, que dans le cadre du projet d'acquisition d'un bien immobilier appartenant à la société Tadek, dont M. X... était le gérant, M. Y... a remis à l'ordre de ce dernier un chèque d'un montant de 15 244 euros tiré sur le compte joint qu'il partageait avec Mme Z... ; que s'étant vu opposer le rejet du chèque en raison d'une opposition pour perte, M. X... a assigné ces derniers aux fins de voir déclarer l'opposition illégale et obtenir, notamment, le paiement du chèque ; que M. Y... et Mme Z... s'y sont opposés et ont demandé au tribunal de constater le défaut de validité du chèque ne comportant ni date ni lieu de sa création ; 

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement de la somme de 15 244 euros alors, selon le moyen : 

1°/ que nul ne peut se prévaloir de sa propre faute pour échapper à ses engagements ; que dans ses dernières écritures, M. X... faisait valoir que M. Y... s'était sciemment abstenu de renseigner le lieu et la date de sa signature sur le chèque litigieux portant le numéro 3571961, qu'il ne contestait pas avoir tiré sur le compte joint qu'il détenait auprès de la banque SNVB-CIC ; qu'il avait commis une faute intentionnelle dont il ne pouvait se prévaloir pour faire échec au transfert irrévocable de la propriété de la provision qu'emporte la remise d'un chèque et se dégager de son engagement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, confirmant le jugement entrepris, a retenu que l'opposition pour perte faite par M. Y... et Mme Z... n'était pas justifiée, le motif allégué par le tireur étant « sans contestation possible erroné » ; qu'il résulte ainsi des constatations de l'arrêt que M. Y... avait bien remis volontairement le chèque à M. X..., qui en était le bénéficiaire ; qu'en déboutant néanmoins ce dernier de ses demandes aux motifs que le chèque litigieux ne contenait pas la date et le lieu où il a été créé et qu'il ne valait pas comme chèque opérant le transfert irrévocable de la propriété de la provision au bénéficiaire, sans rechercher si, en invoquant l'absence desdites mentions pour conclure à la nullité du chèque, le tireur ne se prévalait pas de sa propre faute pour tenter d'échapper à son engagement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe susvisé, ensemble l'article L. 131-2 du code monétaire et financier ; 

2°/ que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut relever d'office un moyen sans inviter les parties à s'expliquer sur celui-ci ; qu'en relevant d'office le moyen selon lequel la remise d'un chèque à l'ordre de M. X... ne pouvait s'appliquer à une transaction portant sur un bien appartenant en fait à la SCI Tadek, sans inviter au préalable les parties à présenter leurs observations sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ; 

Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel n'a fait que tirer les conséquences qui s'évinçaient de l'absence des mentions exigées par l'article L. 131-2 du code monétaire et financier, dont il résultait que le chèque ne valait plus que comme commencement de preuve de la créance invoquée par le bénéficiaire contre le tireur, ces conséquences étant indépendantes de la faute imputée au tireur ; 

Attendu, d'autre part, que l'élément de fait retenu par l'arrêt étant dans le débat, la cour d'appel a pu, en application de l'article 7 du code de procédure civile, le prendre en considération, sans avoir à susciter les observations des parties, bien que celles-ci ne l'eussent pas spécialement invoqué à l'appui de leurs prétentions respectives ; 

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; 

Et attendu que les derniers griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ; 

PAR CES MOTIFS : 

REJETTE le pourvoi ; 

Condamne M. X... aux dépens ; 

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à M. Y... et Mme Z... la somme globale de 3 000 euros ; 

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du seize décembre deux mille quatorze. »

Photo : Fotolia.com - Texelart.

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