Les cowboys

Une grande prairie, un rassemblement country western quelque part dans l'est de la France. Alain est l'un des piliers de cette communauté. Il danse avec Kelly, sa fille de 16 ans sous l'œil attendri de sa femme et de leur jeune fils Kid. Mais ce jour-là Kelly disparaît. La vie de la famille s'effondre. Alain n’aura alors de cesse que de chercher sa fille, au prix de l’amour des siens et de tout ce qu’il possédait. Le voilà projeté dans le fracas du monde. Un monde en plein bouleversement où son seul soutien sera désormais Kid, son fils, qui lui a sacrifié sa jeunesse, et qu’il traîne avec lui dans cette quête sans fin... 

Entretien avec Thomas Bidegain, le réalisateur

Comment est né le projet ?
LES COWBOYS a été un film à maturation lente. Au fil du temps, les idées viennent s’agréger. En l’occurrence, c’est le scénariste Laurent Abitbol qui, le premier, m’a parlé de l’univers des fêtes country. Il m’a offert le magnifique recueil de photos de Yann Gross, « Horizonville » sur les communautés country de la vallée du Rhône. Laurent m’a suggéré de reprendre dans cet univers une thématique propre à des westerns classiques, comme LA PRISONNIÈRE DU DÉSERT. C’était la première étape. D’autre part, avec Noé Debré, nous évoquions l’idée d’un remake de HARDCORE de Paul Schrader dans lequel, de toute évidence, le protagoniste extrêmement croyant et bouleversé par l’état du monde ne pouvait être que musulman. Ces deux idées se sont percutées et j’ai petit à petit commencé à penser à des personnages et à dérouler dans ma tête l’histoire des COWBOYS. Je la racontais régulièrement à Noé. Un jour, il nous a poussés à nous enfermer pour la coucher sur le papier. Je racontais, il prenait des notes et nous avons écrit l’intrigue sur six pages. Un récit étonnement proche de ce qu’est le film aujourd’hui. 

Quelle a été l’étape suivante ?
Avec ce long synopsis, je suis allé voir le producteur Alain Attal car d’emblée, j’avais avec LES COWBOYS l’ambition d’un film d’aventure, d’un film populaire : je sais qu’Alain produit des premiers longs métrages qui ne négligent pas le public. On a alors écrit une première version du scénario avec Noé, où cette histoire, qui se déroule sur 15 ans, était ramassée en 85 pages. En réalité, les principaux éléments étaient déjà en place, ce qui est souvent le cas quand on mûrit lentement l’idée d’un film. Au fil des versions, le personnage du fils, un peu mutique, s’est mis à parler davantage, et nous avons finalement abouti à une version de 92 pages. Pour autant, je désirais conserver une certaine sécheresse dans la narration. Il s’agissait de raconter une odyssée avec de l’ampleur mais dans le cadre d’une narration elliptique et retenue.    

L’idée de faire démarrer l’histoire en 1994 s’est-elle imposée d’emblée ?
Absolument. Pour les « cowboys », la fille d’Alain ne s’est pas enfuie, elle a été capturée par les « Indiens ». Elle est en fait partie pour le djihad. C’est en nous documentant notamment sur le Gang de Roubaix, dont les membres avaient combattu en Bosnie au début des années 90, et s’étaient rapprochés de la mouvance islamiste, que nous avons compris que les premières manifestations du mouvement djihadiste remontaient aux début des années 90, même si les exemples étaient encore peu nombreux. Ce qui est curieux, c’est la façon dont nous avons été rattrapés par l’actualité. Quand nous avons commencé à écrire, il y a 3 ans, personne ne parlait du phénomène. Par la suite, nous avons même eu peur d’être taxés d’opportunisme, alors que ce n’était pas du tout le cas : on voulait parler du monde, raconter les premières années du XXIème siècle. D’où, là encore, l’idée de western et de l’esprit pionnier qui tente de faire reculer la Frontière. Au fond, le film ne raconte que cela : l’histoire de gens simples projetés dans le fracas du monde qui les dépasse.  

Les attentats commis par Al-Qaïda, en toile de fond, rythment le film.
On voulait que la grande histoire dévoile la petite : très tôt, nous avons eu l’idée d’introduire à mi-parcours du film les attentats du 11 septembre car ils ont donné au monde une nouvelle perspective à la représentation du terrorisme. Tout à coup, se déployait un réseau international avec une perméabilité qui allait du Pakistan à l’Algérie, du Yémen à la Yougoslavie. On voulait que l’événement vienne ouvrir l’horizon : lorsque le personnage de Kid regarde le World Trade Center s’effondrer sur un écran de télévision, au lieu d’y voir seulement une catastrophe internationale, il y voit sa sœur. C’est à ce moment-là que la petite histoire rejoint la grande. On a commencé à écrire le film au moment de « l’arrestation » de Ben Laden. On se disait « c’est la fin d’un cycle ». Le film s’achève en 2011 avant l’émergence de l’État islamique. C’est ce qui permet de tenir le film à distance de l’actualité. Aujourd’hui, on est passé à un stade supérieur dans l’horreur. 

Le film est rythmé par deux parties : d’abord autour du père, puis autour du fils.
Dès le départ, le projet s’est articulé autour de quatre parties distinctes. Quatre moments conjugués au présent, séparés par des ellipses de plusieurs années. Dans la première partie, une femme disparaît : c’est le temps de l’enquête. Puis, on s’attache à la relation père-fils qui se consolide au cours d’un voyage dans le nord de l’Europe. On découvre la folie et peu à peu le fils devient le gardien de son père. Une partie sombre. Le troisième chapitre est celui de l’aventure, où l’on chevauche, un turban sur la tête, où l’on tue. Un monde dans lequel on peut échanger une femme contre une gourmette. Enfin, la dernière étape est celle du retour à la maison et de l’histoire d’amour. Le challenge avec Arnaud Potier, le chef opérateur, était de marquer ces différentes périodes tout en conservant son unité au récit.  

Il y a comme une dimension picaresque dans le parcours du jeune homme au Moyen-Orient.
Il y a en effet une idée de fable et de personnages principaux qui évoluent à travers leurs rencontres avec des personnages secondaires. Le faussaire, par exemple, est un homme dur, probablement raciste, mais il va aider nos amis. Emma est dure mais charmante et elle a foi dans sa mission humanitaire : grâce à elle, on comprend que Kid a passé un cap. L’Indien, qui est l’ami de Kid, l’accompagne au cimetière et va pêcher avec lui : il nous raconte sa solitude. Il fallait que tous ces rôles secondaires aient leur histoire et qu’on y croie. Ce sont eux qui donnent au récit cette dimension picaresque. Ils nous permettent aussi de découvrir au fil de l’aventure des facettes différentes du jeune homme. 

Drame de Thomas Bidegain. Sélection Quinzaine des réalisateurs, Cannes 2015. 3,9 étoiles AlloCiné.

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