Traité transatlantique : énorme enjeu et manque de transparence

Le traité transatlantique (TTIP en anglais) est un accord commercial en cours de négociation entre l'Union européenne et les États-Unis prévoyant la création en 2015 d'une zone de libre-échange transatlantique souvent appelée grand marché transatlantique. Si le projet aboutit, il instituera la zone de libre-échange la plus importante de l'histoire, couvrant 45,5 % du PIB mondial. Ses défenseurs affirment que l'accord conduira à une croissance économique pour les deux parties tandis que les critiques soutiennent notamment qu'il augmentera le pouvoir des entreprises face aux États et compliquera la régulation des marchés...

Contenu
Tant que se poursuivent les négociations, le contenu final de l'accord ne peut-être que supposé. Néanmoins, compte tenu des éléments déjà connus ainsi que des traités similaires déjà négociés, il apparaît que le texte de l'accord visera non seulement à abolir la majorité des droits de douane entre les deux zones mais aussi à abaisser les « barrières non tarifaires ». Le 9 octobre 2014, le Conseil de l'Union européenne publie le mandat du partenariat transatlantique, le projet d’accord commercial négocié entre l’Europe et les États-Unis depuis juillet 2013.

Abolition des droits de douane
Les États-Unis et l'Union européenne bénéficient déjà d'une intégration économique avancée, avec des droits de douane relativement faibles. Les deux blocs maintiennent cependant des droits de douane significatifs dans certains secteurs, notamment l'agro-alimentaire, le textile, l'habillement et la chaussure, ainsi que dans le secteur des véhicules de transport terrestre autres que les trains – tracteurs, voitures, cycles et camions – dans le cas du marché européen.

Harmonisation des normes
Les accords transatlantiques devraient induire « une harmonisation progressive des règlementations et de la reconnaissance mutuelle des règles et normes en vigueur », les pays signataires devant s'engager à une « mise en conformité de leurs lois, de leurs règlements et de leurs procédures » avec les dispositions du traité.

Ouverture des marchés publics
L'Union européenne souhaite l'ouverture des marchés publics américains aux entreprises des États membres.

Règlement des différends investisseurs-États
Le mandat de négociation stipule que « l'accord devrait viser à inclure un mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États efficace et moderne, assurant la transparence, l'indépendance des arbitres et la prévisibilité de l'accord, y compris à travers la possibilité d'interprétation contraignante de l'accord par les parties ». Un tel recours à l'arbitrage est présent dans de nombreux traités de libre-échange et a pour objectif d'accorder plus de pouvoir aux entreprises face aux États, en permettant à une firme d'attaquer un État devant un tribunal arbitral international : le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (Cirdi), un organe dépendant de la Banque mondiale basé à Washington. Un arbitre est nommé par l'entreprise, un par l'État et le troisième par la secrétaire générale de la Cour.

Le 21 janvier 2014, la Commission européenne annonce une consultation publique relative au mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États (RDIE; ISDS en anglais) qui s'est tenue du 27 mars au 13 juillet 2014 et suspend les négociations sur ce mécanisme dans l'attente des conclusions de cette consultation. Une présentation générale des réponses a été publiée le 13 janvier 2015, indiquant notamment que 150 000 personnes ont répondu à cette consultation. La commissaire européenne au Commerce Cecilia Malmström admet que « la consultation publique montre bien que les Européens sont très sceptiques quant à l'instrument de règlement des différends entre investisseurs et États ».

Enjeux et critiques
Le TTIP pourrait avoir des conséquences économiques et politiques importantes. Il fait l'objet de vives critiques relatives tant au processus de négociation qu'au contenu de l'accord lui-même.

Opacité des négociations
Le manque de transparence du processus et le caractère asymétrique des informations sont dénoncés par de nombreux acteurs comme une atteinte à la démocratie.

En effet les citoyens n'ont aucun accès ni aux documents préparatoires ni aux comptes rendus des négociations ; et même les parlementaires n'en connaissent pas le détail. Onze pays de l'UE s'opposent à la diffusion du mandat, qui a toutefois fait l'objet de fuites. Pour répondre à cette critique, la Commission européenne a fourni quelques éléments d'information sur les négociations en cours sur son site. Le Commissaire européen au Commerce, Karel De Gucht, conteste cette idée d'un secret entourant les négociations.

Croissance escomptée
Comme tout traité commercial, le TTIP est théoriquement susceptible de présenter des avantages pour chacune des parties participantes à la négociation du fait de la facilitation des échanges économiques. En effet, dans la lignée de la pensée économique ricardienne, étendre les possibilités d'échange est source de richesse. Une étude de 2010 des économistes Fredrik Erixon et Matthias Bauer, pour un laboratoire d'idées, le Centre européen d’économie politique internationale (European Centre for International Political Economy, ECIPE), estime que « l'effet statique » sur le PIB de l'élimination des droits de douane (effets à court terme sur l'amélioration de l'allocation des ressources) serait de +0,01 % pour l'Union européenne et de +0,15 % pour les États-Unis ; et que son « effet dynamique » (effets à long terme sur l'accumulation du capital, l'augmentation de l'investissement et de la productivité) serait de +0,32 à +0,47 % pour l'Union européenne (46 à 69 milliards de dollars) et de +0,99 à +1,33 % pour les États-Unis (135 à 181 milliards de dollars). Une étude plus récente, commandée par la Commission européenne et citée dans son analyse d'impact d'avril 2013, estime que les effets sur le PIB associés à la suppression des barrières douanières seraient de +0,10 % pour l'Union européenne et de +0,04 % pour les États-Unis. Une fois les mesures relatives aux barrières non tarifaires prises en compte, le gain de PIB pour l'Union européenne s'établirait entre +0,27 et +0,48 %, et entre +0,21 et +0,39 % pour les États-Unis. Une étude de Jeronim Capaldo, chercheur à l’Institut sur le développement global et sur l’environnement (Global Development And Environment Institute, GDAE) de l'université Tufts, indique au contraire que le traité entraînerait « des pertes nettes en termes d’export, …des pertes nettes en termes de PIB, …une baisse des salaires, …des destructions d’emplois, …une diminution de la part des salaires dans le partage de la valeur ajoutée, …une baisse des recettes fiscales, [et] une instabilité financière accrue ». Cet avis est partagé par l'économiste Jacques Sapir, qui considère que les modèles utilisés par les institutions internationales surestiment « dans des proportions importantes » les aspects positifs de ces accords et prédit a contrario « une forte hausse du chômage dans l’Union européenne ».

Certains auteurs mettent en avant qu'un tel accord nécessiterait un travail d'anticipation afin de préparer la transition professionnelle des salariés des secteurs qui cesseront d'être compétitifs. L'économiste Thomas Porcher a mis en doute que le traité transatlantique profite à l'emploi en Europe. Une professeure d'économie de l'Université de Sofia a de son côté dénoncé l'asymétrie du partenariat transatlantique, affirmant qu'il était à l'avantage des États-Unis et qu'il pénaliserait l'UE.

Recours à l'arbitrage
Compte tenu des procédures prévues de recours à l'arbitrage (auquel la Commission européenne « n'entend pas renoncer [...] mais promet de tout mettre en œuvre pour éviter des abus ») et de la prééminence attendue du traité sur les lois nationales en vigueur (dont les lois pénales), des craintes ont été exprimées que l'accord conduise, comme dans le cas d'ACTA, à une perte de souveraineté des États.

Ce mécanisme d'arbitrage offre la possibilité aux entreprises de poursuivre des États sur la base du traité. Lori Wallach activiste et experte des questions de commerce international, souligne le risque d'utilisation de ce mécanisme par des entreprises estimant que la politique d'un État entrave leur activité commerciale, y compris s'il s'agit d'une politique de santé publique ou de protection de l'environnement3. Des mécanismes de règlement des différends entre investisseurs et États ont notamment été utilisés par l'industrie du tabac pour freiner ou empêcher l'adoption de lois de protection contre le tabagisme. Philip Morris International a notamment engagé une procédure contre l'Uruguay  au nom d'un accord entre la Suisse et l'Uruguay et une autre contre l'Australie à propos de l'adoption des paquets de cigarettes neutres au nom d'un accord entre Hong Kong et l'Australie.

Un tel mécanisme pourrait donc in fine réduire le pouvoir politique des citoyens au profit des entreprises en empêchant les États d'édicter des lois défavorables aux intérêts des grandes entreprises. La Directrice Générale de l'Organisation mondiale de la santé,Margaret Chan, a exprimé ses inquiétudes à propos des effets potentiellement néfastes sur la santé publique des accords régionaux de libre-échange tels que le TTIP.

Abaissement des normes
L'opacité des négociations fait craindre une harmonisation vers le bas des normes sociales, sanitaires et environnementales existantes, ainsi que des règlements affectant le commerce. Les textes en discussion contiennent des mesures visant à l'harmonisation des réglementations affectant le commerce. Les négociations pourraient affecter notamment les règles relatives à l'alimentation, la santé publique, la vie privée et à certaines conventions collectives dans les secteurs susceptibles d'être ouverts à la concurrence. De fait, de nombreux secteurs seraient touchés par cet accord et les normes et réglementations remises en cause comprendraient (liste non exhaustive) les normes sanitaires pour l'alimentation et la sécurité, la protection de l'environnement, le contrôle de l'impact carbone, la protection des données numériques personnelles, la réglementation de la finance et l'accès des entreprises étrangères aux marchés publics.

Le fondateur de Foodwatch a estimé que le traité transatlantique, du fait qu'il supprimera des obstacles pour les grandes entreprises, portera inévitablement atteinte aux droits des consommateurs, en plus d'encourager certaines pratiques abusives.

L'adoption de normes plus restrictives par la suite, pour répondre aux préoccupations de la société civile ou à de nouveaux enjeux, pourrait être freinées par l'existence d'un accord si l'une des parties s'oppose à cette modification.

Santé
Des tentatives de suppression des réglementations en matière de santé publique sont confirmées par les discours des associations patronales. Ainsi l'Association nationale des confiseurs américaine explique que « L’industrie américaine voudrait que le TTIP avance sur cette question en supprimant la labellisation OGM et les normes de traçabilité » et le National Pork Producers Council (Conseil national des producteurs de porc) affirme que « les producteurs de porc américains n’accepteront pas d’autre résultat que la levée de l’interdiction européenne de la ractopamine », alors que cet additif bêta-agoniste est interdit dans 160 pays dont ceux de l'Union européenne, la Russie et la Chine.

Règles d'extraterritorialité
Le principe d'extraterritorialité, selon lequel un État peut imposer l'application de ses propres lois sur un pays étranger, fait l'objet d'oppositions, au moins en France, en raison des risques d'application à sens unique, sachant « que les entreprises américaines échappent le plus souvent à la loi européenne, y compris la loi fiscale ».

Réactions et positions publiques
Au Parlement européen, le Parti populaire européen, le Parti socialiste européen, l'Alliance des libéraux et des démocrates pour l'Europe, les Conservateurs et réformistes européens, ainsi que les partis qui les composent, approuvent les négociations, en émettant des réserves dans le cas du parti socialiste européen. Le Parti vert européen et le groupe Gauche unitaire européenne/Gauche verte nordique ainsi que les partis qui les composent sont opposés au traité.

Herman Van Rompuy, président du Conseil européen, se réjouit de la perspective économique que promet le marché transatlantique. Angela Merkel, la chancelière allemande, a indiqué en 2007 qu'elle trouvait l'idée « fascinante » et favorisant « l'intérêt commun ». De manière générale, les chefs de gouvernements – par l’intermédiaire des ministres de commerce extérieur – ont mandaté la Commission européenne pour la négociation du TTIP, ce qui constitue un accord au principe de la négociation. Depuis début 2014, le président français François Hollande est un actif partisan d'une négociation rapide du traité.

Jean-Luc Mélenchon s'est publiquement opposé a plusieurs reprises au marché transatlantique, notamment sur son blog. Au cours de la campagne électorale des élections européennes de 2009, la coalition du Front de gauche a indiqué son hostilité au projet. En 2013, en France, lors d'une interview télévisée, Jean-Luc Mélenchon indique à Jean-Jacques Bourdin : « Vous êtes le premier journaliste, je demande qu'on note ça, qui aborde sur un plateau de télévision le grand marché transatlantique ». Les deux hommes avaient cependant déjà abordé la question le 24 avril 2009 sur le même plateau.

Le 26 juin 2013, lors de son audition au Sénat français, Dominique Strauss-Kahn a indiqué à propos des négociations en cours « c'est un piège considérable pour les Européens, je crois que les Français ont bien fait de vouloir se battre sur le problème de l'identité culturelle, mais c'est un tout petit aspect du problème. [...] Nous sommes dans une situation extrêmement difficile ».

Le 23 avril 2014, le Front national a publié un appel contre le TTIP sur son site Internet.

En octobre 2014, Jean Arthuis, député et président de la commission des budgets du Parlement européen, a dénoncé l'opacité et l'asymétrie des négociations entre l'UE et les États-Unis à propos du TTIP.

Les députés irlandais du Sinn Féin sont aussi opposés au traité.

Texte sous licence CC BY-SA 3.0. Contributeurs, ici. Photo : Nikolai Sorokin - Fotolia.com.

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