Barbara, Ours d’argent au festival de Berlin

Eté 80. Barbara est chirurgien-pédiatre dans un hôpital de Berlin-Est. Soupçonnée de vouloir passer à l’Ouest, elle est mutée par les autorités dans une clinique de province, au milieu de nulle part.

Tandis que son amant Jörg, qui vit à l’Ouest, prépare son évasion, Barbara est troublée par l’attention que lui porte André, le médecin-chef de l’hôpital. La confiance professionnelle qu’il lui accorde, ses attentions, son sourire... Est-il amoureux d’elle ? Est-il chargé de l’espionner ?

Drame allemand (01h45min)
De Christian Petzold
Avec Nina Hoss, Ronald Zehrfeld

Entretien avec Christian Petzold, le réalisateur
Les films de ces dernières années ont souvent dressé le portrait d’une Allemagne de l’Est en demi-teinte.
Pas de couleurs, pas de vent, juste le gris des passages de frontière et les visages épuisés, à l’image des voyageurs aux yeux bouffis dans les wagons-lits interzones en gare de Gera.
Je ne voulais pas faire la description d’une nation opprimée et y opposer l’amour comme force pure et libératrice. Je ne voulais pas de symboles. On finit toujours par les décoder, et il ne subsiste plus alors que ce que l’on savait déjà.
Avec les acteurs, nous avons regardé plusieurs films pendant la préparation du film. L’un de ceux qui nous a le plus marqués est LE PORT DE L’ANGOISSE de Howard Hawks.
Deux amants, interprétés par Lauren Bacall et Humphrey Bogart, se lancent des regards soupçonneux, trichent et mentent sous la surveillance constante de la police secrète, multiplient les sous-entendus. Aussi étrange que cela puisse paraître, ils s’en sortent très bien et prennent plaisir à s’observer l’un l’autre dans cette situation. Et puis il y a l’élégance, l’intelligence de leurs altercations écrites au cordeau, qui semblent provoquées par cet environnement sous contrôle permanent. On comprend comment certaines circonstances peuvent engendrer des individus d’un genre nouveau qui s’embrassent, parlent et se regardent d’une façon différente.
Un autre film nous a impressionnés : Le marchand des quatre saisons de R.W. Fassbinder. L’Allemagne de l’Est des années 1950 est tellement présente dans ce film, du pare-brise arrière fendu d’une fourgonnette Volkswagen Bully aux bruits qui résonnent dans les arrière-cours désertes, en passant par l’espace exigu d’une cuisine en formica. Bien plus qu’une toile de fond, il s’agit d’une expérience spatiale dans laquelle les gens s’aiment, se déchirent puis se taisent et cette atmosphère chargée d’amour, de disputes et de silence imprègne tout, reste comme suspendue dans les airs et tapissée sur les murs.
Le passé ne passe jamais, il se prolonge loin dans notre présent.
Je voulais saisir sur pellicule cet espace spécifique entre les êtres, tout ce qui s’est accumulé, tout ce qui les a rendus si méfiants, mais aussi ce qu’ils croient, ce qu’ils rejettent ou qu’ils acceptent.
Pendant les répétitions, l’une des actrices, qui avait choisi de quitter l’Allemagne de l’Est à la fin des années 1970 sous le prétexte d’une tournée théâtrale à l’Ouest, nous a raconté comment elle avait accepté des invitations à dîner en sachant qu’elle ne pourrait pas les honorer. Elle savait qu’elle serait alors partie pour toujours. Il y a aussi cette terrible solitude qui ne vous quitte pas, parce que vous ne reviendrez jamais et que votre vie d’avant va disparaître. Comme le dit si bien l’écrivain Anna Seghers : « Quand vous perdez votre passé, vous n’avez plus d’avenir. »


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